Explosion de Lac-Mégantic - Tant de légèreté

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Était-ce vraiment du pétrole brut ? Sinon, un produit raffiné ? Lequel ? Réservé à quel usage ? Pourquoi le transporter chez Irving ? À qui était-il ultimement destiné ?

La volatilité des humeurs, ces derniers jours au Québec, a fait oublier une autre volatilité, qui doit rester préoccupante : celle du pétrole qui a causé l’explosion du centre-ville de Lac-Mégantic. Le Bureau de la sécurité des transports en a rajouté la semaine dernière, témoignage supplémentaire de la légèreté avec laquelle le transport de matières dangereuses se fait au Canada.
Fin juillet, deux semaines après la tragédie de Lac-Mégantic, Transports Canada annonçait toute une série de mesures pour resserrer la sécurité ferroviaire : verrouiller les locomotives, surveiller les wagons transportant des marchandises dangereuses, s’assurer que les freins soient bien serrés à l’arrêt du train, etc. Cette mise au point, découlant d’une injonction ministérielle, était toutefois précédée d’une mise en garde : le ministère restait « convaincu de la solidité du régime réglementaire applicable au transport ferroviaire au Canada ».

Mais il n’est pas solide du tout, ce cadre ! Le Bureau de la sécurité des transports vient de nous apprendre que le pétrole transporté par la compagnie MMA avait été mal étiqueté : ce n’était pas à un produit de groupe 3 (signalant du pétrole brut) que l’on avait affaire, comme cela était écrit sur les 72 wagons-citernes, mais au plus volatil et dangereux groupe 2.

À quoi sert dès lors d’afficher une classification si elle ne dit pas la vérité ? À rien ! La preuve : c’est l’importateur qui a la responsabilité de décrire son produit, mais pour Mégantic, c’est la compagnie qui expédiait le brut, la Western Petroleum, qui aurait fait l’erreur. Première confusion. Et comment s’en tire la Western Petroleum ? Elle répond que tout ceci n’est qu’affaire de paperasse, que cela n’aurait rien changé aux conditions de transport du produit… ce qui est parfaitement vrai.

Avec la réglementation actuelle, seul le transport par bateau ou camion est assujetti à des normes adaptées à chaque catégorie de produit. Rien de tel pour le train : le fait de transporter un produit plus dangereux n’oblige ni à utiliser des wagons mieux conçus, ni à réduire leur nombre, ni à modifier le trajet suivi. Facile dès lors de dire que la réglementation est respectée quand elle est si lâche !

Les défaillances, elles, viennent de partout. Dans la seule dernière semaine, Transport Canada a obligé la MMA à fermer 19 kilomètres de voies au Québec tant les rails qu’elle exploite sont dans un état lamentable. Vendredi, le Globe and Mail avançait qu’un piston défectueux aurait été à l’origine du drame de Lac-Mégantic. À cause de ce piston, le carburant s’est infiltré à travers le moteur, causant fumée et explosions. Encore un grave problème d’entretien.

À TVA, l’émission J. E. de son côté révélait de son côté qu’un employé qui n’avait pas les qualifications requises avait été délégué par la MMA pour inspecter la locomotive qui avait pris feu à Nantes, et qui devait, plus tard ce soir-là, exploser à Mégantic. J. E. dévoilait aussi l’autorisation donnée depuis des années à MMA par Transports Canada de suivre des normes moins sévères quant à l’utilisation des freins à main. Le ministère s’en lave aujourd’hui les mains, faisant valoir que son seul rôle est de vérifier si les compagnies ferroviaires suivent les mesures de sécurité qu’elles se sont elles-mêmes imposées, pas si celles-ci sont efficaces !

Il faut voir, en comparaison, le souci des organismes réglementaires américains au sujet du transport du pétrole par train. Deux agences liées au Département américain des transports mènent une vaste enquête depuis mars dernier, s’inquiétant de la manière dont est transporté le pétrole de la région de Bakken, dans le Dakota du Nord : mauvaise classification du produit, wagons-citernes surchargés, ajout de produits chimiques qui grugent l’intérieur des wagons… On prend l’affaire très au sérieux.

À Mégantic, les wagons de MMA transportaient du pétrole de Bakken, et l’explosion qui a coûté la vie à 47 personnes a été plus violente que n’aurait dû l’être un incendie de pétrole brut, ce qui continue d’intriguer les experts. On a hâte que notre ministre fédérale des Transports, Lisa Raitt, clame son inquiétude et agisse en conséquence.


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