Nous apprenions vendredi que le gouvernement Couillard allait doubler les honoraires de Pierre Marc Johnson, négociateur en chef –pour le Québec- de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe, qui entrera provisoirement en vigueur le 21 septembre. Rappelons que Pierre Marc Johnson est cet éphémère ex-premier ministre qui avait changé la position officielle du Parti québécois pour que celui-ci tourne la page sur sa raison d’être, la souveraineté du Québec. Battu à plate couture aux élections de 1985, il semble en avoir gardé un mépris du peuple qui n’a pas su voir sa grandeur. En 2005, il est sorti du placard en faveur du Parti libéral. Par la suite, il a bénéficié de généreux contrats du gouvernement du PLQ, à commencer, un an plus tard, par la présidence de la Commission d’enquête sur le viaduc de la Concorde. Depuis 2009, Pierre Marc Johnson « représente » le Québec dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AÉCG). Ses collaborateurs et lui ont pu facturer 3,5 millions de dollars.
Pourquoi, aujourd’hui, faire passer de 275 000 $ à 500 000 $ le cachet maximal de l’équipe ? Johnson aura à promouvoir l’AÉCG auprès des entreprises. Il deviendra aussi consultant pour la ministre Dominique Anglade. Cette hausse de salaire survient deux semaines après qu’on ait appris que les coffres liés au programme de dédommagement des producteurs laitiers étaient vides après seulement sept jours, laissant les agriculteurs québécois et ontariens seuls avec leur colère.
J’ai bien hâte de voir comment Johnson honorera son mandat de promotion, parce que jusqu’à maintenant il a surtout su nous convier à de brillantes démonstrations d’arrogance.
- En 2010, en commission parlementaire à l’Assemblée nationale, Johnson affirmait que la délégation québécoise était condamnée à offrir un « billet doux » aux vrais décideurs et à se contenter de jouer à la diplomatie de corridors, faisant donc des pieds et des mains pour tirer son épingle du jeu... en dehors des séances de négociations. 3,5 millions de dollars pour ça, c’est un peu cher payé, vous ne trouvez pas ?
- Pendant ce même passage, Johnson était si avare dans ses réponses aux questions des élus, voulant conserver le secret sur la teneur de négociations, que Louise Beaudoin avait alors dénoncé le « déficit démocratique ». Johnson craignait-il que le peuple ne comprenne pas l’AÉCG ? J’ai plutôt tendance à penser qu’il avait peur que le peuple le comprenne trop bien...
- En mai 2016, réagissant à l’opposition de la Wallonie à l’AÉCG, Johnson a prononcé ces paroles pleines de sagesse : « Et puis quoi, on va faire du feu pour danser tout nus autour la nuit ? ». Vous ne comprenez pas la métaphore ? Moi non plus, mais je parierais que ça vise à ridiculiser les Wallons et leurs craintes légitimes.
- En juillet 2016, Johnson a comparé les adversaires de l’AÉCG aux climato-sceptiques et aux défenseurs de la cigarette. Une manière de dire que ceux qui osent poser des questions sur ce traité, ou s’inquiéter de certaines de ses dispositions, refusent l’évidence scientifique. Il faudrait lui rappeler que c’est précisément en vertu d’accords commerciaux que de grosses corporations ont pu poursuivre les États dans le but démanteler leurs politiques... sur l’environnement et le tabac.
- En septembre 2016, Johnson réagissait à une étude sérieuse sur l’AÉCG réalisée par l’Université Tufts aux États-Unis. Celle-ci prédisait une chute de la balance commerciale de la majorité des pays signataires de l’accord, dont le Canada, ainsi que des compressions salariales, des pertes d’emplois, des chutes de croissance et la concentration d’une part accrue des PIB au capital, au détriment de celle qui est consacrée au travail. Johnson s’était alors contenté de dire que le but de l’AÉCG n’était pas de régler les problèmes sociaux...
- En octobre 2016, dans un échange à Radio-Canada auquel j’ai participé, Johnson affirmait qu’Hydro-Québec resterait un monopole public sous l’AÉCG. Or, l’AÉCG est plutôt le premier traité à forcer l’ouverture des contrats de la société d’État à la concurrence étrangère.
C’est à une véritable crise de la démocratie à laquelle nous assistons.
Mais, en attendant d’y remédier, pourra-t-on espérer que Johnson justifie son augmentation salaire en remplaçant la démagogie et le cabotinage par de véritables arguments ?
Probablement pas...
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