L’histoire a voulu que notre peuple, depuis la Conquête anglaise, a toujours vu son existence remise en question. Chaque génération se demande, secrètement ou explicitement, s’il vaut la peine de poursuivre notre aventure, alors que se fait sentir la tentation de se noyer dans l’empire américain.
Et pourtant se lèvent à chaque génération des intellectuels qui entrent dans la vie de l’esprit en explorant les fondements de notre identité.
C’est à cette tâche que s’est voué Alexis Tétreault, un jeune intellectuel tout à fait remarquable, qui publie son premier livre, La nation qui n’allait pas de soi, chez VLB.
Nationalisme
Je le dis tout de suite : sa lecture est bouleversante, saisissante. Car Tétreault est habité par une angoisse féconde qu’il explore en en faisant l’histoire à sa manière : et si nous disparaissions ?
Et si notre peuple se laissait engloutir une fois pour toutes dans le grand tout continental et le bric-à-brac canadien ?
L’ouvrage est documenté, profond, et, disons-le, magnifiquement écrit. Tétreault propose une histoire de notre identité à travers les grands mythes qui l’ont constituée.
Il pose une question centrale : nous savions autrefois que nous étions fragiles. Nous savions que nous pouvions disparaître. Nous nous battions d’ailleurs pour notre survivance. Mais depuis une cinquantaine d’années, cette vérité nous est devenue inaccessible. Nous nous croyons désormais plus forts que nous ne le sommes vraiment. Pourquoi ?
Nous avons désormais l’impression que nous existerons toujours, même si toutes les données démographiques et linguistiques annoncent le contraire, et cela, d’ici quelques décennies. Nous vivons sur l’illusion de notre pérennité.
Tragique erreur, nous dit Tétreault. Et c’est en ayant à l’esprit cette sécurité culturelle illusoire que l’on comprendra la légèreté de bien des Québécois qui ne se préoccupent plus de leur affaiblissement politique dans le Canada, traitent l’indépendance comme un idéal désuet et se contentent de demi-mesures quand vient le temps de défendre le français.
Résumons : nous agissons collectivement comme si l’indépendance avait eu lieu, alors qu’elle a échoué. Nous parlons comme si nous étions maîtres chez nous au Québec, alors que le français est bafoué dans notre métropole. Nous voulons toujours plus d’immigration alors que nous ne parvenons plus, hélas, à intégrer les immigrés que nous avons déjà reçus.
Tétreault, avec sa plume brûlante, intelligente et envoûtante, nous invite à renouer avec la réalité, en quelque sorte. Il fait le pari de la lucidité.
Réalité
Les Québécois doivent redécouvrir leur situation collective et cesser d’enjoliver leur situation.
Et qu’on me permette de le citer en conclusion : « D’une génération à l’autre, nos ancêtres ont cru leur disparition imminente. D’une génération à l’autre, ils ont caressé l’espoir de faire advenir un pays afin de perpétuer leur nom, leur langue et leur œuvre sur cette terre inhospitalière d’Amérique.
Renouer avec le sentiment de notre vulnérabilité, c’est renouer avec l’espoir de voir un jour notre pays participer au concert des nations dans sa dignité reconquise. »