États généraux et gouvernance souverainiste

Et si on montrait le vrai visage du Canada

Tribune libre

Nous apprenons, en page A-4 du Devoir de ce matin, le 12 mars 2013, que les indépendantistes allaient entreprendre la phase II du chantier des États généraux le 6 avril prochain avec un programme à trois volets: la souveraineté populaire, l'économie et la souveraineté, ainsi que la mobilisation et l'action politique. Le PQ, de son côté, promet d'enclencher son projet de gouvernance souverainiste dans les prochains jours, ce qui devrait déboucher sur une pièce en trois actes: les ingérences fédérales dans les champs de compétence provinciale, l'affirmation des compétences actuelles de l'Assemblée nationale et l'acquisition de pouvoirs accrus notamment en ce qui concerne la culture, la formation de la main-d'oeuvre et la culture. Il serait étonnant que cela électrise les foules.
Faut-il, en effet, rappeler cette boutade d'Einstein qui disait qu'il n'y a pas de meilleur indice de folie que celui de reprendre sans cesse la même expérience en espérant éventuellement obtenir un résultat différent? Alors, les indépendantistes devraient peut-être songer à épicer leur plat. Comment? En traitant de la Cour suprême du Canada et des coûts économiques infligés au Québec par le cadre fédéral canadien.
Il ya, au ministère des Affaires intergouvernementales, une étude datant du début des années 90 à l'effet que l'oeuvre de la Cour suprême a eu pour effet de modifier le partage des compétences. En d'autres mots, le pouvoir fédéral a rompu le pacte fédératif. Et, il l'a fait par des moyens forts peu louables. Le cas des valeurs mobilières se veut un exemple on ne peut plus évident de ce processus plus ou moins pervers. Malgré la «victoire» du Québec dans cette affaire, le Parlement bénéficie désormais d'une compétence exclusive en lien avec le risque systémique et les produits dérivés. Or, où retrouve-t-on la Bourse des dérivés? Avant la «victoire» du Québec, qui avait compétence en rapport avec ces matières? Et, le fédéral planche toujours sur son projet de Commission nationale des valeurs mobilières.
On nous prépare d'ailleurs le même coup avec l'Affaire des conventions de travail. Récemment, le gouvernement fédéral n'affirmait-il pas éprouver de la difficulté à protéger les Canadiens du risque systémique, dans le cadre des négociations de L'Accord général de commerce avec l'Union européenne? Le gouvernement central s'y connaît en matière d'affirmation de ses pouvoirs...
Maintenant, qu'en est est-il du coût économique de l'appartenance du Québec au fédéralisme canadien? Les grandes politiques économiques du Canada sont élaborées de concert entre la haute fonction publique fédérale et le grand capital du pays. Le Québec est absent de l'un et de l'autre. Les quelques grands capitalistes québécois, il y en a, connaissent en effet leur place. Et, elle loge dans un endroit nommé docilité. La politique maritime fédérale constitue un exemple fort éloquent de ce qui précède. Le cas de la Davie et des contrats de construction navale n'est en fait qu'un maîllon de la longue chaîne des iniquités économiques imposées
au Québec depuis 1867. Mais, il faut bien admettre que les Québécois ne se plaignent pas fort.
Ils aiment mieux l'indignité de la péréquation. Et, il semble bien que l'Ouest vient de trouver un moyen de se libérer du «parasite» québécois. On espère bien, là-bas, lui refiler du pétrole cher qu'on ne peut vendre ailleurs. S'il faut se fier aux chiffres de la Banque Nationale, le seuil de rentabilité du pétrole des sables bitumineux serait de 20 $ supérieur à celui du pétrole de schiste américain (Oil Sands Bust, Maclean's, Feb., 11, 2013, p., 42). Autrement dit, le Québec va se payer à lui-même sa péréquation. Mais, on va continuer de le traiter de parasite à pleines pages des grands quotidiens du Canada anglais. M. Persichilli, lui, pourra le faire depuis la Cour de l'immigration à Toronto.
À partir de là, que fait-on? En paralèlle avec les États généraux, le PQ pourrait mettre en place deux commisions parlementaires, une chargée d'étudier la rupture du pacte fédératif par le biais de la Cour suprême et l'autre concernant les coûts économiques du fédéralisme.
Le PQ ne peut pas perdre. C'est clair comme de l'eau de roche.
Le cas des valeurs mobilières est d'une éloquence grisante. Et, avantage non négligeable, les acteurs de cette tragicomédie sont pour la plupart toujours en vie...sauf peut-être le père de Justin. Il y a urgence. Car, l'Affaire des conventions de travail est dans le tunnel.
Au plan économique, on aura qu'à jeter un coup d'oeil sur la politique maritime fédérale pour se convaincre de l'utilité de cet exexcice. Le glaçage, c'est le coup de la Davie. Évidemment, certains soulèveront les avantages de l'union monétaire canadienne, Et, leur argument aura du poids. Mais, peut-on continuer de vivre sous tutelle économique? Il est faux d'affirmer que tous les problèmes du Québec lui viennent de ses programmes sociaux plaqués or. L'économie québécoise souffre beaucoup des inéquités du cadre fédéral canadien.
Bien sûr, les libéraux s'objecteraient à la constitution de pareilles commissions parlementaires. Ce faisant, ils auraient l'air de quoi? De «quémandeux» de péréquation. Quant à la CAQ, on la verrait mal s'y opposer. Ils se disent nationalistes, non? Vieilles chicanes? Ce n'est pas parce qu'une chicane est vieille qu'elle n'est pas justifiée. D'ailleurs, elle n'est pas vieille la chicane, le Québec n'ayant jamais sérieusement remis en question le cas de la Cour suprême et des politiques économiques fédérales. Traiter la Cour suprême de Tour penchée de Pise, ce n'est pas la remettre en question.
Et, il faudra tout déballer...le pacte automobile, la politique des transports, le déménagement du secteur financier à Toronto, les infrastructures de l'ALÉNA, les contrats fédéraux...Tout. Ce qui inclut les insultes à propos du parasitisme du Québec.
Si le PQ ouvre le dossier de la Cour suprême, je reprendrai mes articles à ce sujet sur Vigile. Et, là, je ne parle pas de la blague de la Tour penchée de Pise. Je parle de valeurs mobilières, du rapport fédéral de 1979 sur la question, de Multiple Access, de Frank Iacobucci, de Mary Dawson, de Lawson Hunter, de la Loi sur la concurrence, de BC Securities Commission, etc. Je parle de l'Affaires des conventions de travail et de Vapor. Je parle de ces clercs de la Justice qui écrivent les décisions des juges. Je parle de ce sous-ministre adjoint qui visite les juges de la Cour fédérale pour les menacer de faire appel...à la Cour suprême. Je parle de ce juge dont le fédéral payait les intérêts hypothécaires sur une base discrétionnaire. Je parle de ce rapport qui dort sur les tablettes du ministère des Affaires intergouvernementale, etc.
Maintenant, le PQ sera-t-il à la hauteur? On verra dans les prochains jours.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2013

    Disons que le fédéral s'y connaît en matière d'affirmation de ses pouvoirs et...d'acquisition de compétences nouvelles.
    Évidemment, la classe politique canadienne participe à l'élaboration des grandes orientations économiques du Canada. Il n'y a pas que la haute fonction publique et le grand capital. Mieux valait ne pas laisser d'ambiguïté.
    Enfin, il faudrait plutôt lire «the oil sands require».
    Mes excuses au webmestre pour les tracasseries.
    L. Côté

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    13 mars 2013

    Impressionnante documentation qui appuie ce qu'on pressent sourdement à chaque fois que les insultes fusent pour masquer la vérité.
    Parizeau aussi, me semble-t-il, militait en faveur d'exhiber nos inconvénients d'appartenir au Canada.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2013

    Voici ce que l'on pouvait récemment lire au sujet du pétrole de l'Ouest dans Oil Sands Bust, Maclean's, Feb., 11, 2013, p., 42 :
    «National Bank's Fournier (Pierre), estimates that shale producers can make money when oil prices are in the $60 to $70 range, about $20 less than what the oil sands requires».
    L. Côté

  • Laurent Desbois Répondre

    13 mars 2013

    Harper ? Cons., PLC, NDP, c'est du pareil au même! Sortons du Canada!
    "Si le Québec était indépendant..." - Bernard Drainville
    http://www.youtube.com/watch?v=jQR1zg0cTn0
    11 mai 2012 - Que ferait-on de différent dans le pays du Québec ? Réponse au ministre libéral Alain Paquet, qui pose la question à Bernard Drainville.
    Ce n’est pas mon pays ! Je ne m’y connais pas ! Tu l’aimes ce Canada ?

  • Laurent Desbois Répondre

    13 mars 2013

    23 bonnes raisons... et tellement d'autres encore !
    http://www.youtube.com/watch?v=iL7ac3VJ6Bs
    La conclusion à 3 min est superbe!!!

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2013

    Évidemment, le troisième pan du projet de gouvernance souverainiste concerne les infrastructures municipales et non la culture.
    On pourra dire que le Brent demeure plus cher que le pétrole de l'Ouest malgré le seuil de rentabilité élevé de ce dernier. Peut-être, mais le Brent est-il cher en raison de sa structure de coût intrinsèque ou en raison d'activités spéculatives sur les marchés? Ce n'est pas la même chose. Les coûts intrinsèques,ça ne baisse pas souvent. Si le pétrole de l'Ouest commence à être rentable à 85 $ ou 90 $, cela signifie que le Québec va payer son brut très cher. N'oublions surtout pas qu'en mars 2009, le WTI se transigeait à 35 $. Évidemment il y a la balance des paiements. Mais, il y a aussi la dépendance vis-à-vis de l'Ouest.
    Pierre Trudeau n'est pas le seul disparu parmi ceux qui ont participé au plan d'instrumentalisation de la Cour suprême au début des années 70. Bora Laskin, par exemple, est également décédé.
    L. Côté