Tommy Chouinard et Denis Lessard - D'habitude allergique à l'interventionnisme de l'État dans l'économie, le chef de l'ADQ, Mario Dumont, a exigé hier que la Caisse de dépôt et de placement s'emploie à protéger les «fleurons» de l'économie québécoise contre l'appétit des sociétés étrangères.
Il reproche à la CDP, mais aussi au gouvernement Charest, d'être restés les bras croisés pendant que Bell et Alcan étaient avalées par des consortiums de l'extérieur de la province.
Cette sortie a fait bondir le premier ministre Jean Charest. Le chef libéral accuse M. Dumont de vouloir «jouer au Monopoly» avec le «bas de laine» des Québécois.
La collision frontale entre les deux chefs politiques survient à une semaine de la reprise de la session parlementaire qui, promettent les trois partis, portera justement sur le développement économique du Québec.
À l'issue d'une réunion du caucus de son parti, hier, Mario Dumont s'est montré inquiet par les prises de contrôle étrangères d'entreprises québécoises. «Je n'ai jamais senti la Caisse de dépôt aussi absente que cet été alors que Teachers s'est porté acquéreur de Bell, et Rio Tinto, d'Alcan, deux grands sièges sociaux de Montréal», a-t-il affirmé.
De son côté, le gouvernement Charest a agi en «spectateur» pendant que le Québec perdait le contrôle de «deux gros morceaux» de son économie, a-t-il ajouté.
Mario Dumont, qui s'est toujours montré réticent face à l'interventionnisme économique de l'État, croit que le gouvernement doit envoyer un «signal» à la CDP, selon lequel il «se soucie du contrôle de l'économie et de la présence de sièges sociaux à Montréal». La Caisse devrait, quant à elle, être plus active pour protéger la propriété québécoise des entreprises. Elle peut le faire sans «jouer au cowboy avec les épargnes des Québécois» et sans tomber dans «l'interventionnisme à l'extrême», estime Mario Dumont.
«Personne ne souhaite voir la Caisse se lancer seule à l'aventure dans n'importe quoi. Personne ne souhaite voir la Caisse exagérer dans le sens inverse et intervenir tous azimuts puis tout racheter. () Ce qui est attendu de la Caisse, c'est une participation pas toute seule dans son coin, avec d'autres acteurs québécois soucieux d'un Québec plus fort économiquement.»
Mario Dumont nie remettre en question l'indépendance politique de la CDP ou vouloir changer son mandat, celui d'obtenir le meilleur rendement possible.
Jean Charest est persuadé du contraire. «Mario Dumont est en train de dire qu'il est prêt à jouer au Monopoly avec l'argent durement gagné par les retraités du Québec», a lancé le premier ministre, qui participait lui aussi à une réunion du caucus de son parti hier.
Le mandat de la Caisse est «parfaitement équilibré», selon lui. «On a changé le mandat de la Caisse pour qu'elle agisse dans l'intérêt des citoyens qui ont déposé leur bas de laine dans cette caisse», a soutenu M. Charest. Au début des années 2000, le PQ avait joué avec le mandat de la Caisse «avec des résultats désastreux», a-t-il ajouté.
Selon Mario Dumont, la «négligence» du gouvernement Charest ne s'est pas seulement manifestée dans la perte de contrôle des entreprises d'ici. Il a accusé les libéraux d'être responsables du «long et lent» déclin de l'économie québécoise. De «peuple exportateur», le Québec est passé à un «peuple importateur» sous les libéraux, a illustré M. Dumont. Le Québec a enregistré un déficit commercial de 8,4 milliards l'an dernier.
Le chef adéquiste exige du gouvernement une nouvelle stratégie économique, notamment pour venir en aide aux secteurs forestiers et manufacturiers.
Jean Charest a balayé d'un revers de main les attaques de son adversaire. Le taux de chômage est pourtant à son niveau le plus bas des 33 dernières années, a-t-il plaidé. Selon lui, la plus grande réalisation de son gouvernement est «la performance économique du Québec». Pour le premier ministre, les bonnes nouvelles économiques que reçoit le Québec actuellement sont autant de mauvaises nouvelles pour Mario Dumont.
Le chef adéquiste a récemment approuvé l'intervention de Québec dans le dossier de l'Alcan à Jonquière, a indiqué M. Charest. Or, il s'en prenait à la stratégie du gouvernement hier. «C'est une girouette. Il y a autant de Mario Dumont qu'il y a de jours dans l'année», a lancé Jean Charest.
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