Enseignement religieux : un compromis comme la France?

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Laïcité — débat québécois

(Photothèque Le Soleil)

J'ai été très surpris de l'entrevue menée par Céline Galipeau, habituellement calme, avec Jean-François Lisée et son contradicteur, le vendredi 14 septembre, après la lecture des bulletins de nouvelles de Radio-Canada. Lorsque Lisée a proposé, sans état d'âme, un compromis comparable à ce qui existe en France à propos de l'enseignement religieux, madame s'est offusquée — «on s'est battu contre ça» — à plus d'une reprise, ce qui constitue, à mon sens, un flagrant délit d'objectivité. Je souhaite que des protestations parviennent au bureau de l'ombudswoman de la société d'État. Jamais, madame Galipeau n'aurait manifesté la même véhémence, à plus d'une reprise, si elle avait interviewé un représentant de la religion musulmane, par exemple.
Que proposait Lisée? La libération d'une plage-horaire (les vendedis matins) à l'école publique pour les Églises qui voudraient, à l'aide de leur personnel de catéchètes, transmettre la foi religieuse d'obédience chrétienne, soit celle de la majorité de la population de souche, tout en permettant aux autres confessions le même privilège, là où, j'imagine, le nombre le justifie. La laïcité serait sauve, comme en France où existe une telle libération des horaires de l'enseignement public.
Les parents désirant l'initiation religieuse de leurs enfants s'y sentent ainsi respectés par l'État, gardien de la neutralité de l'espace public, et sans que l'instance politique participe de quelque façon à la transmission d'un héritage religieux. Lisée fonde sa proposition sur la volonté majoritaire actuelle des parents catholiques et protestants qui ne fréquentent pas nécessairement les lieux de culte, mais souhaitent la transmission de leur héritage religieux à leurs enfants. Seule une minorité, si j'ai bien compris, opte actuellement pour l'enseignement moral, à la satisfaction apparente des parents agnostiques ou athées. La paix sociale est assurée.
Dangers de l'hyperémotivité
Lisée a bien saisi les dangers d'une hyperémotivité qui peut devenir explosive, à l'observation des interventions faites par le regroupement des parents dits catholiques devant la commission sur les accommodements raisonnables. Qu'adviendra-t-il si les parents n'ont pas la possibilité de transmettre leur foi par le biais d'un assouplissement du calendrier scolaire? L'éradication, à moyen terme, du sentiment religieux et des croyances (et non pas des valeurs) propres au credo catholique.
En France, la plus laïque de toutes les sociétés occidentales, l'accommodement proposé par Lisée ne fait pas de vagues. Parmi les avantages d'un tel aménagement pour le Québec, Lisée entrevoit, à terme, des bénéfices considérables pour l'école publique. Lentement, l'État se retirerait du financement (à hauteur de 40%?) de l'école confessionnelle privée, libérant des ressources pour améliorer le réseau public. Ce faisant, le Québec imiterait les autres provinces canadiennes où, à toutes fins utiles, le financement public de l'école privée n'existe pas.
Répondre aux voeux d'une majorité
J'ignore si Lisée est athée, agnostique ou chrétien. Je le sens par ailleurs profondément soucieux de répondre aux voeux d'une majorité. Qu'il devienne, en quelque sorte, un allié circonstanciel du cardinal Ouellet, voilà qui choque madame Galipeau, comme si le catholicisme d'obédience catholique, O horreur, n'avait pas fortement contribué à l'égalité des sexes, par exemple. Comme si les croyants de cette confession étaient méprisants à l'égard de leurs concitoyens non religieux.
Le mépris, sinon la haine du catholicisme, affiché sans retenue à travers les grands médias montréalais, soit dans de perverses séries télévisées, soit par le biais d'humoristes au goût douteux ou par les interventions planifiées des intellectuels et créateurs militants pour l'incroyance, devrait à mon sens respecter une trêve, si on veut éviter des secousses sociales qui ont perturbé d'autres collectivités. Au reste, il n'est pas très courageux de tirer sur une ambulance.
Dans la conjoncture actuelle, le christianisme ancestral a de très minces chances de se perpétuer, alors les chartes des droits reconnaissent aux confessions particulières l'usage de moyens de transmettre l'héritage. La génération des boomers ayant pris congé des lieux de culte, on voit mal comment peut se perpétuer autrement qu'en amendant le calendrier scolaire, une foi qu'on dit toujours vivante parmi les Québécois de souche.
Au train où vont les choses, sera-t-il possible pour les aînés en phase terminale de recevoir l'onction des malades, en toute discrétion, dans les hôpitaux public? À quand l'interdiction de célébrer à voix haute les beautés de la création dans les parcs provinciaux? S'agissait des croyances, il m'apparaît caricatural de vouloir reproduire le modèle soviétique...
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Serge Gagnon
Professeur à la retraite

Université du Québec à Trois-Rivières

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