Enfin

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Sauve qui peut!

Les jours défilent avec la constance du métronome, souvent conduits par la main de politiques grossières et ignorantes, sans scrupules, béates de leurs triomphes à courte vue et qui se juxtaposent tristement, selon des lignes serpentines, sur un horizon de déconvenues.

Un grand portrait de nous est en train de se dessiner sans nous. Au quotidien, on ne le voit pas toujours bien. Il faut prendre le temps de se retourner, de regarder derrière, d’envisager les fragments dans la continuité de ce qui va à demain, pourquoi pas en commençant par observer cette semaine passée.

Premier tableau. Un gouvernement très provincial s’emploie à couvrir d’un noir opaque le droit du public à mettre en lumière les activités des compagnies minières. À Fermont, la mine Cliffs vient de fermer. Elle laisse aux Québécois le soin d’éponger ses dégâts. L’affaire est devant la Cour, mais la minière n’offre apparemment aucune garantie financière. Elle n’est pas la seule : le Québec compte déjà plus de 700 sites miniers délaissés. Les profits partis, les ennuis restent. Il faudra au moins un siècle et plus d’un milliard de dollars pour espérer décontaminer ces vieux sites abandonnés. Est-ce à cela que mène plus fort encore le nouveau « Plan Nord » ?

Deuxième tableau. Les priorités et les dépenses ont été réaffectées loin de l’université. Elles seront donc privées bientôt de centaines de cours. Le savoir est en chute libre. Que fait le ministre Bolduc ? Il plane, comme à son ordinaire. Nathalie Normandeau, l’ancienne vice-première ministre devenue animatrice de radio, plonge de son côté en vrille pour offrir son argent et son appui à une nouvelle poursuite contre Gabriel Nadeau-Dubois. Et on apprend que le premier ministre, qui ne souffle mot, fait réaménager son bureau pour 50 000 $. Le prix pour une décoration plus austère ?

Troisième tableau. Les prestataires du « bien-être social », cibles faciles, chair à canon, matière à ponction, en prennent à nouveau plein les dents. Qui ose encore parler de « bien-être » à l’égard de ces déclassés de notre société ? Un exemple : les toxicomanes qui se lancent dans une cure de désintoxication perdront dorénavant presque tout de leur allocation. Aussi bien dire qu’on les encourage à éviter de se refaire un monde. François Blais, mon ancien professeur de philosophie politique devenu ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, redit à sa façon que les pauvres sont coupables de l’être. Voilà bien une rengaine que nos puissants bedonnants n’en finissent plus de faire fermenter.

Quatrième tableau. Pour cause de proclamation de l’austérité, l’inspection des aliments et les visites-surprises dans les restaurants se feront au mieux par téléphone, du moins sur la Basse-Côte-Nord. Faut-il que cette région-là goûte encore plus à la misère ? Le bon vieux temps revient peut-être. Au début des années 1970, les libéraux de Robert Bourassa avaient dû avaler le scandale de la viande avariée : un témoin de la Commission d’enquête sur le crime organisé affirmait avoir recyclé plus de 400 000 livres de chairs impropres à la consommation pour les revendre à la population et financer parfois des élections.

Cinquième tableau, présenté cette fois du côté de la rivière des Outaouais. Faute de la peine de mort, la prison à vie est désormais envisagée comme son supplétif. Qu’il existe déjà dans notre système des modulations pour établir des distinctions entre les tueurs en série, les délinquants dangereux et les criminels d’autres types, les conservateurs n’en ont que faire : ferme, la prison le sera pour tous. L’Université de Montréal et le King’s College de Londres reconfirment pourtant que les psychopathes — 20 % de la population carcérale — ne réagissent pas aux punitions. Peu importe : pour soulager les poids qui pèsent sur le monde social, les populistes préfèrent les raisonnements légers.

Une haute vague sécuritaire emporte tout, y compris le jugement que l’on prête à Justin Trudeau. Bel ignorant de l’histoire de son parti, celui-ci ne s’insurge pas contre la volonté des conservateurs de faire en sorte de fermer les prisons à double tour sans distinction. Tout porte à croire, hélas, que les hauts taux d’intérêt manifestés à l’égard de Justin Trudeau ne tomberont jamais assez bas pour qu’il puisse rembourser le prix de pareilles bêtises.

Sixième tableau. Les conservateurs abandonnent l’idée de lutter pour favoriser l’égalité et se lancent à fond dans le durcissement des tensions. Il faut lutter par tous les moyens, plaident-ils, contre ce « grand mal » qui « descend sur la planète ». Les voici donc à idéaliser des services secrets qui auront désormais champ libre pour moissonner où ils veulent. « Ceux qui abandonnent la liberté pour la sécurité n’auront et ne mériteront ni l’une ni l’autre », disait à raison Benjamin Franklin.

Les dominations dont nous connaissons déjà les parfums nauséabonds se renforcent. Elles fusionnent dans un grand carambolage des idées humanistes sur lesquelles piétinent désormais quelques insectes décomplexés. Devant cette démolition générale qui est en train de s’opérer chez nous, il faut savoir choisir ce qui mérite d’être sauvé et défendu, et l’affirmer haut et fort au plus vite.

Avez-vous remarqué que les insultes pleuvent sur les Couillard et les Harper de ce monde sans guère arriver à leur tenir dessus ? C’est bien la preuve que les insultes ne suffisent pas, loin de là. Les charges sérieuses s’accumulent néanmoins depuis un moment et s’empilent à leurs pieds. Si bien qu’avec le temps, le niveau général finira bien par monter assez haut pour les submerger et emporter leurs idées au loin. Enfin.


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