«En mon âme et conscience»

on est au bord de l'invraisemblable et de la mauvaise foi

La colère de Lise Payette

Ces mots ont été prononcés par Jean Charest en conférence de presse, mercredi de cette semaine, après qu'il eut déclenché des élections pour le 8 décembre prochain et donné rendez-vous aux journalistes sur le bord du fleuve, à Québec. Avec l'air de dire «Amenez-en des questions, ça ne me fait pas peur», il a affirmé, la main sur le coeur, qu'il fallait un gouvernement stable pour faire face à la tempête qui nous menace... et que ça justifiait tout à fait sa décision de tenir de nouveau des élections dans l'espoir d'obtenir un mandat fort et surtout majoritaire, bla bla bla, bla bla bla. C'est à ce moment-là que j'ai compris que l'histoire, celle qui marque pour la vie, celle qui venait de bouleverser les États-Unis, ne nous ferait pas l'honneur de remonter vers le Nord cette année.
Mercredi, c'était le lendemain de l'élection de Barack Obama comme président des États-Unis, lendemain aussi de la formidable vague de fierté et d'espoir qui venait de déferler sur ce pays, si mal en point, que personne n'y croyait plus. Les gens avaient pleuré partout dans les rues parce qu'un jeune politicien noir venait de prendre l'avenir de tout un peuple sur ses épaules et qu'il leur parlait de courage et de sacrifice avec une passion que personne n'avait entendue auparavant. Pendant près de deux ans, la durée de la campagne électorale américaine, Obama n'a toujours parlé qu'avec franchise et humilité.
Nous avons tous retenu quelques mots d'Obama, des phrases, que nous allons garder précieusement parce qu'elles disent bien ce qu'est cet homme et vers quoi il veut aller. Devant le succès qu'il pouvait presque toucher du doigt, il aurait certainement pu déraper et devenir terriblement suffisant. Ce ne fut pas le cas. Ce n'est toujours pas le cas.
Les mots de Barack Obama que je l'ai entendu répéter souvent et que je retiendrai pour toujours sont les suivants: «I am not a perfect man. I will not be a perfect president...» Des mots que j'ai trouvés très rassurants dans la bouche d'un être humain, brillant peut-être, mais néanmoins humain, qui se propose seulement de faire de son mieux, qui s'engage à donner le meilleur de lui-même et qui promet de penser à ses citoyens chaque jour qu'il vivra à la Maison-Blanche. Pas de mots vides, pas de phrases creuses, pas de mensonges pour justifier n'importe quoi, juste la vérité. Une matière si rare en politique que nous avions oublié que c'était possible.
La douche d'eau froide
Jean Charest n'est pas de la même trempe. C'est bien dommage pour nous. En l'écoutant pérorer en ce début de campagne électorale, alors qu'il expliquait laborieusement aux journalistes et au public pourquoi il y a un OUI dans son slogan de campagne, je me disais qu'il fallait être fait fort pour être Québécois. Il faut aimer se faire prendre pour une valise (ou est-ce une sacoche?) pour écouter des réponses loufoques à des questions légitimes posées par des représentants de la presse, des réponses qui pourraient souvent faire l'objet d'un spectacle Juste pour rire tellement on est au bord de l'invraisemblable et de la mauvaise foi. Jean Charest se trouvait drôle. Il en remettait sans aucune gêne. Il étalait sa suffisance comme de la confiture sur une tartine. Des deux côtés à la fois.
Je ne sais pas si c'est la «dépression économique» qu'il faut craindre au Québec dans les semaines qui viennent ou bien plutôt la «déprime» que va entraîner l'omniprésence de nos politiciens habituels jusque dans notre soupe. Quand on entend Jean Charest reprendre ses vieilles rengaines, on se dit que «trois paires de mains sur le gouvernail», contrairement à ce qu'il dit, c'est probablement ce qui nous rassurerait le plus en cas de tempête.
Partout dans le monde, l'arrivée de Barack Obama comme chef du gouvernement américain fait en sorte qu'on ne fera plus jamais de la politique de la même façon. Il est et il sera un modèle pendant longtemps, pour des générations à venir. Partout dans le monde, des politiciens se penchent sur son parcours, son message, sa capacité de communiquer avec des foules et de le faire dans la dignité et le respect, toutes des informations qu'ils essaieront d'intégrer dans leur propre démarche. Il faudra se hisser à la hauteur d'Obama si on espère gagner la confiance de ses concitoyens partout dans le monde. Excepté ici.
Attachez vos ceintures, car «en son âme et conscience», Jean Charest s'apprête à nous resservir la même vieille salade que la dernière fois. Il n'y a jamais rien de plus semblable à Jean Charest que Jean Charest lui-même.
La seule façon de survivre, c'est de se dire que ça ne va durer qu'un temps. À nous de décider combien de temps... Laissons les politiciens entre eux. Quand ils vont se retrouver devant des salles vides, ils vont trouver ça moins drôle. Ce serait une bonne leçon pour eux. Il est temps qu'ils sachent qu'Il n'y a plus d'abonné au numéro qu'ils vont composer.


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