Éloquent mais insatisfaisant

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau


(Québec) Si Henri-Paul Rousseau espérait clore la controverse sur la Caisse de dépôt par son discours de lundi midi devant la Chambre de commerce de Montréal, il se leurrait. Il suffisait d'entendre son prédécesseur, Jean-Claude Scraire, l'accuser de «tourner les coins ronds» sur les ondes de RDI immédiatement après son allocution pour comprendre que le débat n'est pas terminé, tout au contraire.
M. Scraire a conclu que M. Rousseau a utilisé les années qui faisaient son affaire pour illustrer ses propos, et qu'il a omis de répondre à plusieurs questions. Le critique péquiste François Legault a abondé dans le même sens.

Henri-Paul Rousseau devait être un professeur extraordinaire lorsqu'il enseignait à l'université. Tout en disant assumer la responsabilité des papiers commerciaux, il a trouvé le moyen de nous dire hier que grâce à sa gestion de risque et à la diversification des placements sous son administration, la Caisse s'était bâti un coussin supplémentaire de 15 milliards $ qu'elle n'aurait pas eu autrement. À l'écouter, on serait même porté à croire que tout compte fait, ça va assez bien à la Caisse de dépôt...
Souhaitons qu'il ait raison pour l'avenir. Mais ce qui est en cause dans la controverse actuelle, c'est le passé.
Or, la question fondamentale à laquelle M. Rousseau n'a pas répondu, c'est de savoir pourquoi la Caisse a acheté autant de papiers commerciaux. Dans un premier temps, il a fait valoir que l'institution n'avait pas acheté ces titres d'un seul coup, mais qu'elle en avait depuis une dizaine d'années. Il n'a pas donné la ventilation de ces achats de titres.
Dans un deuxième temps, il a expliqué qu'après les rendements fabuleux de 2003 à 2007, la Caisse de dépôt avait eu besoin de placer une partie de ses profits dans des liquidités, mais que les Bons du trésor, par exemple, étaient moins disponibles parce que le gouvernement fédéral avait réduit sa dette, donc ses émissions d'obligations. On s'est donc tourné vers les PCAA, dont la cote de crédit était élevée.
Jusque-là, l'explication tient la route, sauf que la Caisse n'était pas seule à rechercher des véhicules de placement après ses bonnes années financières. Les autres grandes fiducies comme Teachers en Ontario ont également eu des rendements fabuleux pendant les mêmes années. Pourquoi la Caisse de dépôt a-t-elle été la seule à mettre ses oeufs dans le panier des PCAA? Quel mécanisme décisionnel a mené à cette situation? On ne le sait toujours pas.
Comme il l'avait fait en commission parlementaire, en novembre 2007, M. Rousseau a blanchi le gouvernement Charest de toute ingérence ou influence dans les décisions de la Caisse. Il n'y a là aucune surprise et c'est probablement la vérité. Ce qui a choqué et continue de choquer les Québécois, cependant, c'est de voir les libéraux refuser de rendre des comptes politiques sur la Caisse devant une commission parlementaire, après avoir dénigré ou ridiculisé les cris d'alarme des adéquistes et des péquistes sur cette question en campagne électorale. C'est essentiellement ce comportement qui fait que le gouvernement Charest a perdu la bataille de l'opinion publique au cours des dernières semaines.
Les libéraux ont la majorité à l'Assemblée nationale. Ils ne sont donc pas menacés par cette controverse. Sauf que leur baisse de crédibilité diminue leur pouvoir moral dans la crise économique actuelle et risque de saper leurs efforts.
Qui plus est, ils pourraient bien en payer un prix politique aux élections complémentaires qu'ils devront déclencher dans Rivière-du-Loup, pour remplacer Mario Dumont. Une histoire à suivre.


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