Ce n'est pas avec une efface qu'on construit une mémoire collective. C'est pourtant le choix stupéfiant du gouvernement Harper, qui veut biffer le nom Champlain du plus important pont de Montréal.
Selon notre collègue Denis Lessard, le nouveau pont sera baptisé Maurice-Richard.
On imagine l'utilité pour la marque conservatrice de s'associer à ce héros national, surtout à quelques mois des élections. C'est plus populaire que de parler du péage... Mais cela crée une controverse inutile que ne mérite pas la famille du Rocket, connue pour son humilité et sa dignité.
Maurice Richard ne fut pas une simple vedette de hockey. Il a transcendé son sport. Ses exploits ont démontré que les francophones pouvaient gagner. Il a symbolisé le réveil d'une nation, à l'aube de la révolution tranquille. Il mérite donc une infrastructure importante pour l'honorer. Mais cela ne doit pas s'accomplir en effaçant un autre nom, surtout pas celui de Champlain. Cette logique de la soustraction est une énorme bêtise.
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Champlain n'est certes pas inconnu, mais il est peut-être méconnu par rapport à son importance. Comme s'il ne s'inscrivait que dans la succession de noms propres et de dates formant le degré zéro de notre conscience historique.
Ce fut pourtant une figure capitale, encore plus que Cartier et Maisonneuve. Il n'est pas que le fondateur de Québec. On le qualifie aussi de père de la Nouvelle-France.
La France voulait avant tout s'y enrichir avec le commerce. Explorateur et cartographe curieux, Champlain voyait plus loin. Il rêvait d'une Amérique francophone et voulait peupler ce territoire. Il a traversé près de 30 fois l'Atlantique pour défendre ce projet, mais il se butait à la myopie de la France, comme le raconte Serge Bouchard dans son essentielle série Les remarquables oubliés (à laquelle Radio-Canada a malheureusement mis fin).
C'était aussi un humaniste pour son époque. Même s'il voulait convertir les «sauvages», il s'intéressait sincèrement à eux. Il a noué des alliances avec les Algonquins, Montagnais et Malécites, et les a aidés dans les guerres iroquoises. Il incitait aussi ses collaborateurs à apprendre leurs langues, et même à mêler leur sang pour créer un nouveau peuple.
Champlain a aussi joué un rôle dans la naissance de Montréal. Après Cartier mais avant Maisonneuve, il y a érigé une «place Royale», qui allait plus tard contribuer à la création de Ville-Marie.
Il est donc logique que le pont menant à la plus grande ville francophone d'Amérique porte son nom. Car c'est en bonne partie lui qui a rendu possible l'aventure francophone en Amérique, à laquelle ont contribué plus tard plusieurs grands personnages, comme Maurice Richard.
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