Poursuite de six millions de dollars

Écosociété remporte une petite victoire contre Barrick Gold

L'Affaire Barrick Gold vs Écosociété

Alexandre Shields - Une juge de la Cour supérieure a rendu récemment une première décision favorable à Écosociété, dans le cadre de la poursuite qui l'oppose à Barrick Gold. Une bonne nouvelle pour les auteurs du livre Noir Canada, après une année de procédures judiciaires éprouvantes.
Une décision rendue récemment en Cour supérieure dans le dossier qui oppose la minière Barrick Gold à la maison d'édition Écosociété et aux trois coauteurs de Noir Canada pourrait constituer une première reconnaissance juridique du «déséquilibre entre les parties». C'est du moins ce que concluent ceux qui sont poursuivis pour six millions de dollars par la multinationale.
Dans le cadre des interrogatoires hors cour, Barrick Gold cherchait une preuve de l'implication de William Sacher -- un des trois coauteurs de Noir Canada -- dans deux rassemblements d'opposants à l'entreprise minière tenus il y a quelques mois à Toronto. Ses avocats avaient déjà interrogé une documentariste à ce sujet, mais celle-ci n'avait pas divulgué d'«informations compromettantes» au sujet d'une possible implication de M. Sacher ni fourni de preuve en ce sens.
D'où la demande d'interroger un autre témoin présent à Toronto et dont le nom a été mentionné par M. Sacher. Barrick jugeait celui-ci «impliqué dans la commission préjudiciable à l'origine de son recours contre les défendeurs».
La Cour supérieure du Québec a toutefois rejeté la requête de ses avocats. Dans son jugement, la juge Guylène Beaugé insiste d'ailleurs sur le fait que «le Code de procédure civile ne permet pas d'interroger à l'infini jusqu'à ce qu'une partie obtienne toutes les informations qui lui semblent utiles pour préparer son procès».
«En outre, précise-t-elle, un tel procédé enfreindrait le principe de proportionnalité édicté à l'article 4.2. du Code de procédure civile, qui vise à assurer que la justice civile demeure un service accessible par la raisonnabilité des coûts et des délais.»
Pour l'avocat d'Écosociété, Normand Tamaro, la juge lance clairement le signal que «la procédure ne permet pas toutes les libertés» dans le contexte des interrogatoires hors cour. «La Cour dit que ça commence à faire. Il faut que les préparatifs du procès se terminent et il faut aussi avoir de la retenue et conserver les choses selon des proportions.» Or dans ce litige, «on parle d'une demanderesse qui a des budgets considérables et de défendeurs qui n'ont à peu près pas de budget».
Le résultat des interrogatoires hors cour, menés avant le début du procès, appartient à la partie qui les mène. Elle peut donc décider de rendre public ou non le contenu de ces interrogatoires. Alain Deneault, un des auteurs poursuivis, estime que Barrick a mené jusqu'à présent une vingtaine de journées d'interrogatoires, contre une demi-journée pour la défense.
Projet de loi utile?
Il y a maintenant un an que la publication de l'ouvrage Noir Canada: Pillage, corruption et criminalité en Afrique a valu à ses auteurs à Écosociété une poursuite de six millions de la part de Barrick et une autre de cinq millions de la part de la minière Banro. Cette dernière se déroule devant les tribunaux ontariens. M. Deneault déplore d'ailleurs l'énorme pression que doivent subir les personnes poursuivies en justice. «Nos vies sont en suspens. Depuis un an, l'essentiel de mon temps est consacré à ce dossier-là. Je ne fais que ça. C'est vous dire à quel point la chose peut être accablante.»
Et Me Tamaro est loin d'être convaincu que le projet de loi présenté par les libéraux pour s'attaquer aux poursuites-bâillons changera quelque chose. Le document déposé impose en effet de démontrer qu'une procédure est «frivole».
«La porte reste ouverte à tout recours dont on ne pourrait pas dire qu'il est "frivole", explique-t-il. Or il est extrêmement difficile d'établir qu'un recours est frivole. Par exemple, il ne me suffirait pas simplement de dire à la cour que Barrick est loi d'être certain de gagner, il faudrait que je démontre que c'est carrément frivole. Je ne serais pas plus avancé.»
«Ce n'est pas tellement difficile de faire la démonstration qu'un recours n'est pas frivole. Les tribunaux laissent la chance au coureur, parce qu'on part du principe qu'aller devant les tribunaux est un droit fondamental», ajoute l'avocat.


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