Le Québec se targue de miser sur une économie verte, mais il négocie cet important virage à l’aveugle, ont fait valoir écologistes et représentants du milieu des affaires jeudi lors de la dernière journée des consultations publiques de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.
Unissant leur voix au service de SWITCH, l’Alliance pour une économie verte au Québec, le directeur principal d’Équiterre, Steven Guilbeault, et le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, ont incité le gouvernement à profiter de la réflexion en cours pour « prendre une orientation forte en matière d’écofiscalité ». Ce terme désigne l’ensemble des instruments économiques qui encouragent les bonnes pratiques environnementales ou découragent les activités nuisibles en s’appuyant sur les principes d’utilisateur-payeur ou de pollueur-payeur.
« Le Québec a déjà posé des gestes, il fait déjà de l’écofiscalité, mais ce qu’on souligne, c’est qu’il n’y a pas vraiment de plan de match », explique M. Guilbeault. À titre d’exemple, la province participe, avec la Californie, au premier marché du carbone en Amérique du Nord et a mis sur pied un plan d’action sur les véhicules électriques, mais elle peut faire plus et mieux en se dotant d’un système cohérent, avance-t-on.
« Quand on parle d’un plan de match, c’est de faire en sorte qu’au Québec, on développe davantage d’expertise pour prendre les meilleures décisions, mais aussi qu’on adopte une approche globale qui inclut autant la fiscalité municipale, provinciale que fédérale », précise M. Dorval.
Dans son mémoire, SWITCH recommande donc la création d’un comité d’experts en matière d’écofiscalité qui pourrait conseiller le ministère des Finances à court, moyen et long terme. « Aucun gouvernement au Québec n’a, à ce jour, mené de réflexion d’envergure sur l’apport et le rôle de l’écofiscalité », conclut-on dans le document.
Mesures concrètes
Même si le travail de réflexion reste à faire, SWITCH apporte de l’eau au moulin en soumettant une série de mesures concrètes. L’Alliance recommande entre autres d’étudier les opportunités que représentent les péages et la tarification des stationnements pour tenir compte des impacts de l’étalement urbain et du transport routier.
Elle propose également la mise en place d’un programme de bonus-malus, qui récompense l’achat de véhicules peu énergivores (bonus) et pénalise celui de véhicules polluants (malus). Cette idée qui refait surface périodiquement permettrait de réduire de 6,5 millions de barils de pétrole la consommation québécoise en 2020, concluait cette semaine une étude réalisée pour le compte du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec. La France a emprunté cette voie en 2008, mais a dû procéder à des ajustements lorsqu’elle a constaté que les montants versés en bonus surpassaient les recettes générées par les malus.
Parmi les autres pistes soulevées, SWITCH suggère la mise en oeuvre d’une « redevance foncière » pour compenser l’ensemble des coûts associés à l’urbanisation. Cette mesure obligerait les promoteurs à verser une redevance pour tout projet immobilier établi sur une terre agricole ou un milieu naturel. Elles les inciteraient par conséquent à privilégier les terrains déjà « développés ».
En plus des arguments de SWITCH, la commission présidée par le professeur de fiscalité de l’Université de Sherbrooke Luc Godbout a entendu les arguments de syndicats, de groupes patronaux et d’associations en tout genre depuis le 20 octobre. Elle devrait remettre son rapport final d’ici la fin de l’année.
COMMISSION SUR LA FISCALITÉ
Écologistes et gens d’affaires forment une alliance inhabituelle
Les deux groupes plaident en faveur d’un régime d’écofiscalité, suggérant des mesures concrètes à mettre en oeuvre rapidement
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