Le potentiel réel reste à démontrer, mais le sous-sol des basses-terres du Saint-Laurent pourrait contenir plus de deux milliards de barils de pétrole de schiste. C’est ce qui se dégage d’une synthèse scientifique réalisée à la demande du gouvernement Couillard dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique de la filière des énergies fossiles.
Depuis l’éclatement de la « crise » du gaz de schiste, en 2010, il a été largement question du potentiel gazier du sud de la province, essentiellement entre Montréal et Québec. Mais la formation géologique qui renfermerait ces gisements, soit le shale de l’Utica, pourrait également contenir du pétrole de schiste. C’est ce type de pétrole qui est actuellement recherché sur Anticosti dans le cadre de travaux financés par l’État québécois.
Co-auteur du rapport « Géologie et potentiel en hydrocarbures des bassins sédimentaires du sud du Québec », le professeur Michel Malo, de l’INRS, estime qu’il existe bel et bien un potentiel de découverte de pétrole dans la formation de l’Utica. Le chiffre cité dans cette étude remise au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles il y a de cela quelques mois évoque d’ailleurs un potentiel de 1,8 milliard de barils. Mais cette synthèse consultée par Le Devoir se base aussi sur une étude publiée par la Commission géologique du Canada (CGC) l’an dernier. Cette dernière conclut que « les ressources potentielles estimées de pétrole » varient entre 0,78 et 5,24 milliards de barils, avec une « moyenne » de 2,3 milliards.
Aucun gisement n’a encore été découvert à ce jour, mais les zones propices à la présence de pétrole sont tout de même connues, si on se fie aux données scientifiques portant sur le shale de l’Utica.
Spécialiste des bassins sédimentaires du Québec, M. Malo, explique ainsi que la présence de gaz ou de pétrole dans le sous-sol dépend du degré de « maturité thermique ». Passé un certain stade, on se retrouve en présence de gaz. Mais dans la partie nord-est de la formation de l’Utica, soit grosso modo sur la rive nord du Saint-Laurent entre Portneuf et Beaupré, l’ingénieur géologue souligne qu’on se trouve dans la « fenêtre à huile ». « Il y a un potentiel que du pétrole soit encore présent dans la roche », fait valoir Michel Malo.
« Si j’étais une compagnie et que je recherchais du pétrole, j’irais explorer vers le nord-est », ajoute-t-il. L’étude produite par la CGC en 2014, intitulée « Caractéristiques géologiques et évaluation des ressources pétrolières du Shale d’Utica, Québec, Canada », évoque elle aussi le même secteur du sud de la province.
Des informations compilées par Le Devoir et présentant les 985 forages réalisés au Québec indiquent d’ailleurs que des travaux menés dans cette région depuis 50 ans ont permis de découvrir des « indices » de pétrole à Donnacona, Portneuf, Neuville et Québec. Un forage avec fracturation mené en 2009 par l’entreprise Junex à St-Augustin-de-Desmaures pour rechercher un gisement de gaz de schiste a même permis de produire une quarantaine de barils de pétrole.
Une autre zone s’étendant de part et d’autres du Saint-Laurent, entre la pointe est du Lac St-Pierre et l’île d’Orléans, pourrait renfermer des condensats qui peuvent être, dans certains cas, considérés comme du pétrole léger. Des forages menés dans le passé ont permis de déceler des « indices » de pétrole dans ces zones de la formation de l’Utica, notamment à Batiscan et L’Épiphanie.
Travaux à compléter
Michel Malo rappelle en outre que les analyses scientifiques des chercheurs de l’INRS et de la CGC qui ont permis d’identifier ce potentiel pétrolier ont été réalisées à partir d’une « méthode reconnue ». Il insiste cependant pour dire que plusieurs données manquent pour bien évaluer le potentiel pétrolier et gazier. « Avant la crise du gaz de schiste de 2010, il y a eu quelques forages. Et nous étions sur le point de savoir si le bassin serait productif. Mais tout a été stoppé, donc nous n’avons pas encore beaucoup de données pour nous permettre de chiffrer un éventuel potentiel. Nous étions encore trop tôt dans la phase exploratoire. »
Le shale de l’Utica qu’on retrouve ici est toutefois « assez semblable » à la formation géologique qu’on retrouve en Ohio, où on exploite déjà du pétrole et du gaz de schiste. « C’est l’équivalent du shale de l’Utica, illustre Michel Malo. On voit qu’il y a une bonne production de gaz et de pétrole. Ça pourrait être la même chose au Québec, mais il faudrait pour cela aller plus loin dans l’exploration pour confirmer le potentiel. »
C’est l’entreprise Junex qui détient les permis d’exploration couvrant les zones les plus propices à la découverte de pétrole de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent. Appelé à commenter l’intérêt de Junex pour d’éventuels projets d’exploration, Dave Pépin vice-président, Finances et Affaires corporatives, a simplement indiqué qu’« au plan géologique, il s’agit certainement d’un potentiel intéressant ». Junex dit toutefois vouloir concentrer ses efforts de recherche pétrolière sur le projet Galt, situé en Gaspésie, où l’entreprise dit avoir obtenu « d’excellents débits de production de pétrole sans avoir besoin de fracturer la roche ».
Du côté de l’Association pétrolière et gazière du Québec, on a dit ne pas avoir pris connaissance de l’étude menée par des chercheurs de l’INRS. On encourage cependant la « production locale » d’hydrocarbures.
Normalement, l’évaluation environnementale stratégique de la filière des énergies fossiles doit être complétée cet automne. Un projet de loi sur les hydrocarbures doit suivre. Les études environnementales lancées par les libéraux de Philippe Couillard sur cette filière indiquent clairement que le gouvernement a l’intention d’ouvrir toute grande la porte à l’exploitation pétrolière et gazière. Même le gaz de schiste est évoqué.
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