Drôle de «révolution culturelle» – point de vue d’un indépendantiste

Chronique de Gilbert Paquette

Il est intéressant d’examiner les récentes interventions de Lucien Bouchard dans une perspective souverainiste, en regard de l’analyse déposée cette semaine par le comité mandaté par le ministère québécois des finances. Le troisième et dernier rapport du comité consultatif sur l’économie et les finances publiques rejoint l’analyse des « lucides » de 2005. Il vise manifestement à préparer l’opinion à une soi-disant « révolution culturelle » qui commencerait avec le prochain budget du Québec.
Vision comptable
Ces interventions ont en commun une vision essentiellement comptable de l’avenir du Québec qui cherche à se donner l’allure d’un « nouveau » projet de société. Maintenant que les banquiers ont créé une crise économique, maintenant que les gouvernements sont venus à la rescousse, il faut payer les pots cassés, à Québec comme à Ottawa.
Convenons tout de suite avec le comité que le statu quo n’est pas une option. Il faut d’urgence empêcher le solde budgétaire du Québec de s’emballer. Au rythme actuel des dépenses, on passerait d’un déficit de près de 5 milliards en 2009-2010 à plus de 11 milliards en 2013-2014 (p. 23). Bien qu’il faille éviter une croissance rapide de la dette, cela n’implique pas toutefois qu’il faille ramener le déficit à zéro à la fin de cette période comme le propose le comité. Dans le Devoir du 16 février dernier, l’économiste Louis Gill a montré que les engagements bruts ou nets de toutes les administrations publiques au Québec restaient bien en deçà de la moyenne de l’OCDE.
Le rapport du comité est particulièrement fragile lorsqu’il regarde au delà de 2013-2014 jusqu’à 2025-2026. Il postule que les changements démographiques entraineront une baisse des revenus du Gouvernement du Québec, la croissance économique passant de 2,2 % à 1,4 % en fin de période.
Malgré cela, le comité juge que « les moyens mobilisés par le gouvernement à partir de 2008-2009 sont largement suffisants » (p. 34), et il ne recommande aucune autre mesure de stimulation de l’économie pour les prochaines 15 années ! Au contraire, il prône une diminution drastique des dépenses gouvernementales et une augmentation des tarifs des services publics plus fortes (scénario 4) que dans le plan gouvernemental de l’automne 2009 (scénario 3).
Bref, on nous suggère à un gouvernement largement impuissant gérant le budget collectif en mode décroissance sans le moindre projet collectif à l’horizon. Drôle de « révolution culturelle » !
Un grand absent du débat – le fédéral
Chose étonnante, tout en écartant la souveraineté de l’écran radar, le comité exclu toute analyse de l’autre moitié de notre situation budgétaire : le budget fédéral. De ce côté, on suppose que rien ne va changer d’ici quinze ans. Or le gouvernement fédéral fait face à un déficit pour 2009-2010 que l’on évalue à plus de 50 milliards, la part du Québec correspondant à 20% de ce total.
Ce déficit dépasse de 16 milliards$ celui de 1992-1993, suite à quoi le gouvernement fédéral avait « pelleté » son déficit dans la cour des provinces entrainant des coûts sociaux élevés que les provinces ont du gérer. Lucien Bouchard s’en rappelle surement. Avec un tel trou budgétaire, s’imaginer qu’Ottawa ne coupera pas éventuellement dans ses transferts aux provinces est de l’ordre de la naïveté.
N’en déplaise aux résignés il y a un lien direct entre notre situation de dépendance politique et la problématique des finances publiques du Québec. Après avoir dépensé sans compter pour redresser l’industrie automobile en Ontario et financer les pétrolières de l’ouest, le gouvernement fédéral va vouloir refiler une part de la facture aux provinces. On peut imaginer à quel point les scénarios provinciaux évoqués plus haut s’effondreront comme un château de carte.
Ce qu’on pourrait faire à moyen terme
Accordons d’abord que rien ne sera facile du côté des finances publiques, mais examinons les moyens additionnels que nous donnerait un État québécois complet.
S’il y a une chose qu’a démontrée la crise économique actuelle, c’est l’importance de l’État. Sans l’État et ses investissements massifs pour renflouer l’économie, nous allions vers la catastrophe. L’unité et la cohérence de l’action de l’État pour catalyser les moyens d’une société sont primordiales. Un État souverain ayant le double du budget de la Province de Québec aurait une marge de manœuvre plus grande pour faire face aux crises budgétaires.
La duplication des services entre les deux paliers de gouvernements, source de dépenses inutiles et incohérentes, était évaluée à 2,7 milliards $ par an dans le rapport Legault de 2005 sur la base des chiffres de 1994-95. Elle s’élève probablement autour de 4 milliards $ maintenant. Par ailleurs, le comité Léonard du Bloc québécois a identifié quelques 2 milliards de dollars de coupures possibles dans notre part du budget fédéral annuellement. Un Québec souverain pourrait aussi réduire les 490 milliards de dollars projetés dans la défense au cours des 20 prochaines années, la part du Québec revenant à quelques 5 milliards $ par année. Les avantages accordés aux pétrolières de l’ouest et la fin de la mission en Afghanistan ajouteraient d’autres milliards d’économies dont la liste pourrait s’allonger. On aurait surement là de quoi financer les universités au lieu de refiler la facture aux étudiants.
Je refuse tout scénario fondé sur un maintient de la dépendance politique actuelle du Québec au delà de 2012. Je n’attends rien d’autre du Gouvernement actuel que de faire des ajustements à court terme. Je souhaite que le Parti québécois fasse porter la prochaine élection sur un véritable projet de pays, intégrant le contrôle des finances publiques et l’investissement dans l’emploi et le développement durable. Nous devons nous donner les moyens d’un pays pour entrer dans l’économie du 21ème siècle. Là est clairement notre avenir.
Gilbert Paquette
_ Président des intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
_ Ex-ministre dans le Gouvernement Lévesque

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 mars 2010

    Avis important avant de croire Charest
    La situation financière du Québec n’est pas mauvaise comme dit la gang à Charest …qui veut faire peur aux québécois afin de se présenter comme «un sauveur nous est né»,qui veut avoir votre accord pour vider plus vos poches de contribuables.
    Voici des tableaux pour nourrir votre étude.
    http://www.oecd.org/document/3/0,3343,fr_2649_34573_2483907_1_1_1_1,00.html
    Un texte à lire
    http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2005RB-06.pdf

  • Gilbert Paquette Répondre

    1 mars 2010

    Cher M. Tellier,
    Je ne comprends pas en quoi vous avance ou nous avance de caractériser le PQ de telle ou telle façon. Organisons-nous entre indépendantistes pour faire partager l'idée d'indépendance par une majorité de Québécois et les partis politiques suivront bien.

  • Gilles Bousquet Répondre

    1 mars 2010

    M. Tellier, M. Lévesque avait choisi la souveraineté-association parce qu'il savait que le PQ ne gagnerait jamais une élection ou un référendum en suggérant simplement la séparation ou l'indépendance simple du Québec qui ne grimpe jamais à plus de 25 % quand on utilise le mot séparation qui est vraiment le bon mot quand on ne veut pas d'entente préalable avec le ROC, avant de faire du Québec, un pays.
    Quand un couple divorce, il ne dit pas : Nous voulons notre indépendance, il dit : Nous nous séparons. M. Marcel Chaput en 1961 se déclarait séparatiste, pas autre chose. Faut pas avoir peur des mots même quand ils semblent, à notre goût, un peu gros et que nous avons peur de faire peur.
    Votre indépendance pure, M. Tellier est bien légitime mais, les Québécois, à tort ou à raison, ont peur de ça à 75 % quand on leur pose la question froidement, un peu comme pour les Écossais qui voudraient même conserver la reine de leur colonisateur anglais, s'ils venaient à se séparer politiquement, quand même.

  • Gilbert Paquette Répondre

    1 mars 2010

    Vous avez raison M. Giguère de souligne que la majorité des interventions des indépendantiste se limite à des propositions DANS le cadre du régime actuel. C'est le cas des commentaires de M. Tellier qui ont leur mérite car en tant que citoyen, on ne peut se désintéresser de solutions à court terme, mais il faut les traiter comme telles.
    Là où je ne marche carrément plus, c'est lorsque des analyses soi disant "lucides" justifient leurs propositions régressives par de fragiles analyses sur 15 ans, sans tenir compte des décisions que prendra l'autre nation avec la moitié de nos impôts que nous envoyons encore stupidement au fédéral et en faisant comme si l'indépendance n'allait pas survenir avant 15 ans. Le Québec doit devenir indépendant le plus rapidement possible, quand ce ne serait pour remplacer certains choix douloureux par d'autres où, utilisant une marge de manoeuvre accrue, nous pourrons véritablement nous mobiliser derrière nos propres priorités et nos propres valeurs. Vous avez raison M. Giguère de souligner que la majorité des interventions des indépendantistes portent sur des solutions proposés dans le cadre du régime actuel. C'est la critique du régime de dépendance politique qu'il faut illustrer au moyens des débats actuels.

  • Marie-Claude Tadros-Giguère Répondre

    1 mars 2010

    Ce que ça peut être rafraichissant de lire un texte qui met en perspective l'indépendance du Québec dans le cadre d'une "révolution culturelle" pétrie par des "lucides" dont plusieurs se prétendent indépendantistes. Ce ne sont pas les seuls. Combien de fois j'ai lu dans Vigile ou ailleurs des textes qui n'arrivent pas à sortir de l'optique "provincialiste", ce qui a pour effet de nous offrir des solutions étriquées, "corsetées", toujours à saveur "provincialiste". Ça s'appelle tourner en rond et malheureusement beaucoup de péquistes incluant plusieurs députés tombent dans ce panneau .Bravo M.Pâquet. Il ne devrait pas être permis pour un indépendantiste de s'exprimer sur quelque sujet que ce soit sans évoquer l'aspect d'un Québec souverain et ce que ça signifie..

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    Suggestions d’un gérand d’estrade
    Imposer, comme du revenu de salaire, les gains en capital que les dirigeants,administrateurs des sociétés publiques et privées encaissent avec la revente d’actions.
    Accorder aux contribuables une déduction fiscale sur les dépenses qu’ils effectuent en matière de construction, rénovation, entretien résidentiel, restauration.Pour demander une déduction fiscale, les contribuables devront forcément exiger des fournisseurs de services une facture. En produisant une facture, les fournisseurs de services seront automatiquement contraints de déclarer au fisc les revenus qu’ils cachaient au noir.
    Abolir 100 pourcent les subventions aux écoles privées
    Frais de garde de 12$ par jour
    La hausse de 3 cents/kwh du tarif d’électricité patrimonial
    Frais de 30$ par visite médicale,incluant l’urgence
    20 cents du litre d’essence pour les routes/ponts
    Avec un pacte entre le gouvernement et ses contribuables: pour chaque dollar puisé dans leurs poches, l’État doit réduire ses dépenses d’un dollar,chaque frais indexé annuellement.
    Pour autres suggestion ;
    « Plan d’actions stratégiques pour sortir le Québec du rouge »

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    Outre les gains mécaniques qui viendrait de l'élimination des coûts du dédoublements du système et ceux des arbitrages sur l'affectation des postes budgétaires, il faut aussi souligner les gains dynamiques.
    Les gains dynamiques résulteraient du fait, qu'en rapatriant l'ensemble de nos capacités d'agir on pourrait se doter d'une stratégie cohérente de développement en fonction de nos intérêts; à cet égard le système fédéral est dysfonctionnel , ce que même les fédéralistes ne peuvent nier.
    Il faut savoir que le bilan est la sommes des décisions prises ou négligées; et que donc, la cohésion du processus décisionnel est la clé de la productivité. C'est d'ailleurs ce qui fait le succès des pays d'Europe du Nord: La cohésion nationale.
    JCPomerleau