Droits de scolarité : une hausse qui nuit beaucoup et rapporte peu

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012





Simon Tremblay-Pepin et Philippe Hurteau - Les auteurs sont chercheurs à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS).
Nombre d'étudiants débraieront dans les prochaines semaines pour protester contre la hausse des droits de scolarité. Le gouvernement refuse de les entendre, prétextant que cette hausse est nécessaire pour combler le «sous-financement» universitaire.
Notre institut a contesté ailleurs la réalité de ce « sous-financement ». Cependant, ce qu'on dit peu dans ce débat, c'est que cette hausse des frais rapportera en fait aux universités un montant minime, surtout en comparaison du tort important qu'elle causera aux étudiants.
Le plan de refinancement du gouvernement était on ne peut plus clair. Pour réunir les 850 M$ qu'il veut remettre annuellement aux universités, l'État investit 430 M$ et demande aux étudiants 332 M$, dont il réalloue une partie en aide financière; il prévoit donc, par la hausse des frais, envoyer seulement 265 m$ aux universités.
Or, les plus récentes estimations montrent que le gouvernement a sous-évalué le nombre d'étudiants qui auront recours au système d'Aide financière bonifié et a complètement oublié d'évaluer les coûts reliés au crédit d'impôt sur les droits de scolarité. Une fois qu'il aura payé les mesures qu'il met en place pour réduire l'effet néfaste des frais de scolarité sur l'accessibilité aux études, c'est 190 M$ que le gouvernement enverra aux universités grâce à la hausse.
Que représente ce montant? Presque rien. Pour le ministère de l'Éducation, cette hausse équivaudra à 1,2% de son budget de 15 milliards de dollars, voilà qui est fort modeste. Ces 190 M$ peuvent aussi être mis en relation avec les 375 M$ que le gouvernement québécois dépense chaque année afin de faire payer par la collectivité une bonne part des coûts de recherche de l'industrie pharmaceutique. Il dépensera donc le double de ce qu'il obtient des étudiants pour financer la recherche d'entreprises affichant des taux de profit fort avantageux.
Bref, la hausse des droits de scolarité imposée par le gouvernement n'ajoutera qu'une petite somme dans le budget des universités. En revanche, elle aura un impact bien réel sur les finances des étudiants et ce, malgré les mesures d'aide financière.
De graves conséquences
Première conséquence évidente : moins de gens iront à l'université. Dans un rapport paru en septembre dernier, le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études (CCAFE), rattaché au Conseil supérieur de l'éducation du Québec, affirmait que la hausse prévue causerait une baisse de l'effectif universitaire québécois de l'ordre de 2,5 %, soit d'environ 7000 étudiants. L'attrait grandissant des diplômes de cégep dont la fréquentation est presque gratuite pourrait avoir un effet encore plus important sur ce taux de fréquentation universitaire.
Mais ce n'est pas seulement le nombre d'étudiants qui diminuera, c'est aussi la provenance de ceux et celles qui ont accès aux études qui changera. Là où on augmente les droits de scolarité, on verra les moins bien nantis avoir de moins en moins accès à l'éducation. À titre d'exemple, à la suite d'une hausse importante des frais, la part des étudiants en médecine au Canada provenant de familles moins nanties a connu une baisse marquée de 10,3 points de pourcentage.
Ce type de conséquence était pourtant prévisible puisque les programmes d'aide financière sont généralement incapables de compenser efficacement les hausses de frais. En effet, les étudiants provenant de familles à revenus modestes craignent l'endettement et bien que certains secteurs d'études leur promettent des « taux de rendement » intéressant, ils croient que si un malheur leur arrive, ils pourraient bien ne pas compléter leurs études et se voir lourdement endettés sans moyen de rembourser. Ils sont souvent déjà pris à la gorge, ce que reflète le taux d'endettement des Canadiens qui frôle les 153% selon Statistique Canada.
L'hésitation des étudiants moins fortunés est d'autant plus raisonnable que partout dans le monde, on observe une croissance du chômage des jeunes. Aux États-Unis, on redoute même désormais l'éclatement d'une bulle spéculative autour de l'endettement étudiant.
En somme, pour une maigre augmentation des revenus des universités, le gouvernement causera un tort important à l'accessibilité aux études. Il participera aussi à mettre à risque bon nombre de ménages québécois en augmentant leur endettement, ce qui pourrait avoir à terme des effets délétères sur l'ensemble de notre société.


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