«Discriminatoire», le projet Marois

La Commission des droits de la personne juge que des dispositions de son projet de loi sur l’identité violent la Charte québécoise des droits et libertés.

Citoyenneté québécoise - Conjoncture de crise en vue

Tommy Chouinard - Une autre tuile s’abat sur la tête de Pauline Marois. La Commission des droits de la personne juge que des dispositions de son projet de loi sur l’identité violent la Charte québécoise des droits et libertés.


Interdire aux nouveaux arrivants de se présenter aux élections parce qu’ils n’ont pas une connaissance appropriée du français est une mesure « discriminatoire », estime le chien de garde des droits fondamentaux au Québec.
« Ça irait à l’encontre de la Charte que d’exiger la connaissance du français pour pouvoir exercer ses droits politiques », a expliqué à La Presse hier Ginette L’Heureux, porte-parole de la Commission.
« Des citoyens seraient exclus, discriminés à cause de leur langue. Pouvoir exercer ses droits politiques, pouvoir participer à la vie politique, c’est une chose essentielle, c’est au cœur de notre démocratie. »
En vertu de l’article 22 de la Charte, « toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d’une élection ». Avec l’article 10, la Charte fixe certaines limites aux conditions qu’une loi peut imposer aux citoyens pour être « habilités » et « qualifiés » à briguer les suffrages. « Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée (notamment) sur la langue », souligne la Charte.
« Une personne ne pourrait pas être empêchée de se présenter aux élections parce qu’elle n’a pas une connaissance appropriée de la langue française. Car cette personne serait discriminée dans ses droits politiques », a souligné Ginette L’Heureux.
La Commission des droits de la personne relève également qu’une autre disposition du projet de loi Marois contrevient à la Charte. Selon l’article 21, « toute personne », peu importe si elle maîtrise ou non la langue française, « a droit d’adresser des pétitions à l’Assemblée nationale pour le redressement de griefs ».
Cette semaine, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, s’est dite prête à soumettre son projet de loi à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La Presse en a envoyé une copie à l’organisme. Ginette L’Heureux a discuté du sujet avec le président, Gaétan Cousineau. « Ce que je vous ai dit, c’est la position de la Commission », a précisé Mme L’Heureux.
Alors que les critiques fusent de toutes parts depuis une semaine, le Parti québécois est monté au créneau de nouveau pour défendre son projet de loi.
« À mon sens, le projet tient la route et respecte la Charte. On a consulté des experts, des professeurs de droit constitutionnel », a affirmé le député Alexandre Cloutier, l’un des responsables du dossier identitaire.
Selon ce constitutionnaliste, « c’est raisonnable » de demander aux immigrants d’avoir une connaissance appropriée de la langue française pour obtenir la citoyenneté québécoise et se porter candidat aux élections.
CRARR et B’nai Brith
Au cours d’une conférence de presse à Montréal, le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) et l’organisation juive B’nai Brith ont qualifié de xénophobe le projet de loi sur l’identité québécoise. L’initiative du PQ est digne des partis d’extrême droite européens, selon eux.
« On trouve malheureux ces propos, a répliqué Alexandre Cloutier. J’ai un peu de difficulté à m’expliquer des propos qui m’apparaissent exagérés. Le projet de loi qui a été déposé, c’est un projet d’inclusion. » Le député a rappelé que ce projet comporte des mesures pour aider les immigrants à apprendre le français.
Sondage
Le PQ a trouvé un peu de réconfort dans les résultats d’un sondage Léger-Marketing publié hier. Pauline Marois semble avoir repris l’initiative du débat identitaire. Quelque 35 % des Québécois la voient comme la personne qui défend le mieux l’identité québécoise, contre 30 % pour Mario Dumont et 18 % pour Jean Charest.
Et 58 % des Québécois approuvent la mesure la plus controversée, celle prévoyant que les nouveaux arrivants soient obligés d’avoir une connaissance appropriée du français pour être éligible aux élections. « Qu’il y ait déjà 60 % des gens qui comprennent que, fondamentalement, on rejoint ce qu’ils sont et ce qu’ils désirent, ça fait du bien par rapport au concert de critiques », a déclaré le député Pierre Curzi, un autre responsable du dossier identitaire.
Dans l’ensemble, les Québécois sont toutefois divisés au sujet du projet de loi, révèle le sondage : 44 % l’approuvent, alors que 46 % s’y opposent.
Pauline Marois raillée par les libéraux
À l’Assemblée nationale, Pauline Marois a été une fois de plus la cible de railleries de la part des libéraux. La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, a décoché une flèche vers la chef péquiste après avoir commis un lapsus en répondant à l’une de ses questions. « Excusez-moi... Ça m’arrive de faire des fautes de français... J’espère que la députée ne voudra pas m’enlever ma citoyenneté », a-t-elle lancé.
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