Dette américaine: «le défaut de paiement n'est ni économique ni financier, il est politique»

Barack Obama a appelé ce lundi au compromis, demandant «un accord le plus large possible» avec les républicains.

Crise mondiale — crise financière





Barack Obama avec le président républicain de la chambre des représentants John Boehner et la leader de la minorité démocrate Nancy Pelosi, le 10 juillet 2011 à la Maison Blanche. (AFP Mandel Ngan)


Par VALENTINE PASQUESOONE - 14.294 milliards de dollars. En mai dernier, le montant de la dette publique aux Etats-Unis a atteint une limite: celle du plafond autorisé par les parlementaires, situé à 12.294 milliards de dollars. Alors que le président Barack Obama a proposé, en avril dernier, un plan de réduction du déficit de 4000 milliards de dollars en dix ans, les républicains ont décidé d'y renoncer, préférant négocier sur une base plus réduite - de 2000 à 3000 (sic) dollars.
Pendant ce temps, le doute persiste sur la stabilité de l'économie américaine. Dans une interview donnée ce dimanche à la chaîne de télévision américaine ABC, Christine Lagarde, fraîchement nommée à la tête du FMI, a fait part de ses inquiétudes quant aux conséquences d'un éventuel défaut de paiement aux Etats-Unis: "des hausses des taux d'intérêt, des contrecoups énormes sur les Bourses, et des conséquences véritablement déplorables" pour l'économie américaine, comme mondiale. Le Congrès a jusqu'au 2 août pour voter le relèvement du plafond de la dette.
Blocage plus politique qu'économique
Sur un plan purement technique, la possibilité d'un défaut de paiement paraît peu envisageable aux Etats-Unis. "L'Etat américain peut toujours continuer à se financer auprès de sa banque centrale, la Réserve fédérale" analyse Jean-Marc Daniel, professeur à l'ESCP. Selon l'économiste, il n'existe pas, en principe, de limite technique à la création de monnaie; la Réserve fédérale étant là pour apporter des fonds. Actuellement, "le défaut n'est ni économique ni financier aux Etats-Unis, il est politique" juge t-il. "La seule limite interviendra quand l'inflation aura, à terme, entraîné une hausse du prix du pétrole trop insupportable".
Contrairement à certains pays européens comme la Grèce, aucune contrainte juridique ne pèse sur le rachat de la dette publique aux Etats-Unis. Pour Jean-Marc Daniel, la Réserve fédérale serait "prête à racheter cette dette mais ne le peut pas pour l'instant", faute d'un accord entre Démocrates et Républicains au Congrès. "La Grèce s'est trouvée limitée par les clauses du traité de Maastricht. Aux Etats-Unis, c'est le blocage politique qui pèse" juge l'économiste.
La raison de ce blocage? Parmi d'autres, la volonté du président américain, annoncée en avril dernier, de réduire le déficit de 4000 milliards de dollars en dix ans: "Les républicains refusent cette échéance, jugeant qu'Obama ne la connaît pas" explique Jean-Marc Daniel. Une autre confrontation concerne cette fois l'augmentation des impôts, comme solution au financement de la dette: refus catégorique du côté des républicains.
Le statu quo politique, un classique américain
Moins d'un an avant le début de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012, le compromis est d'ordre, malgré l'apparent mauvais état des négociations. Peu de risque de blocage donc, tant les risques électoraux sont grands. Aujourd'hui, ni les républicains ni les démocrates ne souhaitent porter la responsabilité des conséquences d'un défaut de paiement dans leur pays. "Un défaut de paiement paraît vraiment improbable. Sur le plan politique, on arrivera à un dénouement: nous sommes en période électorale, aucun des deux clans ne veut prendre le risque d'aller à la catastrophe" explique François Durpaire, historien et spécialiste de l'Amérique du Nord. "Ils peuvent se dire 'Les Américains vont nous faire payer électoralement'.
Devant les inquiétudes liées au blocage actuel au Congrès, l'historien répond en parlant d'"un jeu normal de la démocratie américaine", celui du "check and balance": "Le blocage est quelque chose de courant aux Etats-Unis. C'est aussi la démocratie américaine qui veut ça. Il faut convaincre chaque sénateur, chaque député" analyse t-il.
D'ici deux à trois semaines, François Durpaire voit les élus républicains céder sur le relèvement du plafond de la dette. "On tient, mais nous finirons par trouver une solution. Ce n'est dans l'intérêt de personne de voir l'impact d'un blocage" juge de son côté le républicain Stuart Haugen. "On ne sait jamais quels résultats pourrait avoir un tel blocage, voire un défaut de paiement".
Coupes budgétaires en vue
Un blocage peu probable, mais qui ne se fera pas sans demande de compromis. "Les Républicains vont céder sur le plan financier, mais vont demander en retour des baisses dans les dépenses publiques, pour les deux prochaines années" prévoit Jean-Marc Daniel. "Cela peut entraîner des mesures telles que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur dix, ou des coupes dans les programmes de santé Medicaid et Medicare" analyse l'économiste. "Ce seraient eux, les premiers touchés".
Stuart Haugen envisage quant à lui une baisse des dépenses dans le secteur public (salaires et recrutement), comme première mesure pour réduire le déficit. Autre possibilité pour le républicain: utiliser certains fonds de réserve, notamment liés à la Sécurité sociale. "Il y a là de l'argent qu'on pourrait utiliser pour financer la dette".


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé