Les grandes oeuvres anticoloniales

Des sources culturelles où on peut continuer de s'abreuver

Nous continuons une lutte émancipatrice

Tribune libre

Au Québec, notre culture politique s’est nourrie au fil de nos combats de trois grands classiques de la littérature anticoloniale.
En premier et remontant à une autre génération d’indépendantistes s’identifiant à la gauche du spectre politique, il y a eu : «Portrait d’un colonisé » (Memmi, 1957). Ce livre nous en a appris beaucoup sur notre statut politique au Canada. À partir de l’Algérie, il nous a ouvert aux grandes luttes anticoloniales et nous a convaincu que des alliés du monde entier comprendraient nos objectifs de libération. René Lévesque s’en inspirait à Point de Mire. Nous avons aussi commencé à déduire de cette logique que le plus grand service que nous pouvions apporter à l’humanité meurtrie, c’était de la débarrasser d’un autre satellite de l’empire étasunien responsable, malgré qu’il n’ait pas eu de passé colonial, du maintien armé avec l’OTAN, de l’inégalité des nations en faveur des plus grands et des plus imposants de l’époque.
Puis, il y eu « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine » (Galeano, 1971). Là encore, notre esprit s’est imprégné de la dégradation des peuples qui, malgré de grandes luttes héroïques contre l’empiétement du capitalisme émergeant, se sont retrouvés subalternes d’autres nations d’où émanait une civilisation révolutionnaire beaucoup mieux armée et avec des capacités de conquêtes brisant les résistances autochtones à coup de canons. Des peuples entiers se retrouvaient ni plus ni moins qu’en situation d’esclavage. Jusqu’à aujourd’hui, notre solidarité s’est exprimée envers eux avec le sentiment d’une lutte commune contre l’impérialisme, et du Canada, et des États-Unis. Des liens se sont tissés, le plus souvent grâce à ces Québécois missionnaires, inspirés pour plusieurs par la Théologie de la Libération, et l’entraide s’est mis en place. Peu s’en souviendront, mais de ces initiatives sont nés les Rallye-Tiers-Monde, ces premières marches où on se faisait commanditer par ses oncles, ses voisins, ses amis, … pour recueillir et « envoyer aux pauvres » de quoi se consacrer à des projets de développement. La phrase clichée de cette époque était : « Plutôt que de donner un poisson pour se nourrir, il vaut mieux leur apprendre à pêcher ».
En abandonnant peu à peu ce paternalisme militant, on a enrichi nos connaissances des réalités des luttes anticoloniales qui semblaient des mêmes combats que les nôtre. On a découvert grâce à Fanon les séquelles que laissaient parmi les peuples soumis les conquêtes coloniales. C’était « les Damnés de la Terre » qui allaient nous ouvrir à toute la souffrance que nous prenions sur nous de soulager, tout en comprenant de façon de plus en plus évidente que notre responsabilité s’étendait jusqu’à soutenir activement les révolutions sans oublier que l’adversaire le plus exposé à nos coups devait être « notre propre impérialisme », le canadien, puisqu’à la source, notre lutte nationale se juxtaposait à celles du Sud.
Cette recherche d’une alternative à laquelle nous appelaient les plus vieux combattants du Québec libre devait porter un coup fatal aux responsables de ce gâchis planétaire, nos propres bourgeoisies et leurs transnationales. La révolution était à l’ordre du jour. Et le mal qui nous taraudait venait précisément de cette oppression que nous subissions en commun avec les peuples maintenant armés de la Terre. Les grandes manœuvres d’émancipation dans le monde nous fascinaient, car nous nous sentions une parenté avec elles, grâce à l’appel de nos compatriotes les plus radicaux. Qui n’a pas senti sur sa nuque le vent frais des révolutions a peine à comprendre cette frénésie qui nous habitait.
Il y a maintenant dans l’air d’un Québec, toujours cherchant et toujours picorant à droite et à gauche des graines d’émancipation politique, ces nouvelles embûches à notre avancement : je répéterai un cliché qui fait route côte à côte avec toutes ces volontés de rassembler en vue de la liberté conquise, le sectarisme.
J’aimerais bien rendre compte d’un autre livre du style de ceux présentés auparavant. Il s’agit de «L’Orientalisme » (Saïd, 1978) qui décrit la manière dont l’Occident perçoit l’Orient. C’est encore une source d’apprentissage qui nous ouvre les yeux sur notre propre condition. Sur l’opinion que nous nous faisons des autres. Sur celle que la situation postcoloniale nous impose parce que n’est toujours pas venue cette émancipation politique que nous prétendons tous offrir au peuple québécois. Nos chemins proposent des issus plurielles, mais elles devraient aussi nous imposer la plus grande unité possible sur une voie libératrice aux côtés des peuples du monde. Celle de notre indépendance qui est encore jugée par plusieurs comme tenant de sa propre stratégie. Les Québécois-e-s méritent mieux de leurs leaders indépendantistes que les luttes de pouvoir intestines qui minent nos rangs.
Je n’ai pas toujours eu cet appétit pour l’unité des forces souverainistes. Je me suis même déjà dit (sans être de ce fédéralisme qu’on cible à droite et comme plusieurs aujourd’hui le disent encore) que si le capitalisme survivait à l’indépendance, ce n’était pas utile de la faire. Il m’a fallu une certaine modestie pour finir par admettre que l’indépendance était une bonne occasion de faire reculer l’impérialisme sur le continent américain, que les droits collectifs respectés des Québécois pouvaient bien nous rapprocher du socialisme, un régime autrement plus démocratique que la démocratique libérale dont se drapent encore les Libéraux du Québec, la CAQ et certains Péquistes. Cette démocratie au Québec est dangereusement en déficit. Et un pouvoir socialiste bien compris pourra très bien en prendre le relai si les ouvriers québécois et leurs alliés veulent bien s’en charger.
L’Orientalisme n’est pas livre culpabilisant comme en parlerait sans doute l’extrême droite s’il devient populaire à gauche. C’est un livre qui expose au grand jour des réalités dont on doit tenir compte sur la voie de notre émancipation aux côtés de tous ces peuples de la terre qui réclament encore des avancés dans la recherche d’une indépendance pleine et entière comme 49 % des Québécois.


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