Des écoles comme dans les «pays sous-développés»

Des enseignants dénoncent les conséquences des compressions budgétaires sur leurs élèves

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Il est temps de faire payer Couillard de sa poche pour les fournitures scolaires et les petits-déjeûners supprimés






Une vingtaine d’élèves défavorisés qui ne déjeunent plus le matin, un gymnase délabré aux paniers de basketball brisés depuis des mois, une enseignante qui débourse des centaines de dollars pour meubler sa classe; des écoles de Montréal s’apparentent à celles d’un «pays sous-développé», dénoncent des enseignants.




«On n’est pas dans un pays sous-développé! Pourtant, dans plusieurs écoles, les équipements et les installations sont désuets. Les enseignants doivent sortir de l’argent de leurs poches pour acheter du matériel, les craies sont comptées, etc. Ça n’arrête plus», s’indigne Catherine Renaud, présidente de l’Alliance des professeurs de Montréal.











Catherine Harel-Bourdon, CSDM




photo d'archives


Catherine Harel-Bourdon, CSDM







À bout de souffle




Les 79 M$ annoncés cette semaine par le ministre de l’Éducation pour rénover les écoles de la CSDM ne changeront rien aux situations décriées par les enseignants, selon l’Alliance.




«Cet argent servira à rénover les écoles, mais ce n’est pas ça qui va ramener les déjeuners pour les élèves défavorisés ou permettre l’achat de matériel pédagogique. Ce sont des budgets totalement séparés», affirme Mme Renaud.




«On ne parle pas d’un immense terrain de football dernier cri, mais bien des besoins de base qui ne sont pas comblés dans nos écoles. C’est devenu tellement accepté que les enseignants déboursent pour compenser le manque de ressources dans les écoles, que le gouvernement fédéral a créé un crédit d’impôt pour rembourser leurs dépenses en fournitures scolaires», illustre Mme Renaud.




Rendu à la moelle




Informée par Le Journal de ces différentes situations, la présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon, a admis que les écoles ont dû faire face à des «choix difficiles» dans les dernières années.




«Des coupes qui n’ont pas d’impact sur les élèves, il n’y en a plus. On a coupé dans le gras, on est tombé à l’os et on est maintenant à la moelle.»




«La situation financière de la CSDM est difficile. On a des choix à faire et on ne peut pas faire tout ce qu’on voudrait faire.»




Au cours des 4 dernières années, la CSDM a sabré 56 M$ dans ses budgets dans le but d’atteindre l’équilibre budgétaire. À cela se sont ajoutées des coupes de 28 M$ du ministère de l’Éducation.



Une prof pige dans ses poches





  • École primaire du Petit-Chapiteau

  • 450 élèves

  • Côte-des-Neiges













Véronique Dupire, enseignante en 3e année à l’école Petit-Chapiteau.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


Véronique Dupire, enseignante en 3e année à l’école Petit-Chapiteau.







Lorsqu’elle a pris possession de sa nouvelle classe de 3e année en septembre, Véronique Dupire n’a eu droit qu’à un bureau, des pupitres et des chaises en piteux état et une table pour les ordinateurs des élèves... sans ordinateurs.



Pour aménager sa classe qui a été installée dans une ancienne bibliothèque, l’enseignante affirme avoir dépensé des centaines de dollars et passé plusieurs heures à magasiner des fournitures scolaires et des livres dans des boutiques de biens usagés.











L’enseignante a déboursé des centaines de dollars pour acheter du matériel et des livres pour sa classe.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


L’enseignante a déboursé des centaines de dollars pour acheter du matériel et des livres pour sa classe.







«Il n’y a plus de budget pour l’ouverture de nouvelles classes. On se ramasse avec les restes des autres écoles. Heureusement, j’ai amassé beaucoup de matériel au fil des ans. Je sais depuis le baccalauréat qu’il manque de matériel dans les classes», lance celle qui cumule trois ans de métier.











La bibliothèque de la classe traîne au sol en attendant que les services techniques viennent la solidifier au mur.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


La bibliothèque de la classe traîne au sol en attendant que les services techniques viennent la solidifier au mur.







Quêter une commandite




Livres, matériel de bricolage, jeux de logique, bacs de rangement; Mme Dupire a dû se procurer énormément de matériel pour sa classe.




La bibliothèque usagée, qu’une amie lui a donnée, est couchée dans le fond de sa classe, faute de services pour la solidifier au mur. Pour pouvoir réaliser un projet avec sa classe, Mme Dupire a dû se tourner vers une épicerie pour obtenir une commandite de 1000 $, étant donné les budgets restreints de son école.











Véronique Dupire a hérité de matériel abîmé pour sa nouvelle classe.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


Véronique Dupire a hérité de matériel abîmé pour sa nouvelle classe.







«Ce n’est pas normal qu’une enseignante doive débourser de sa poche. Mais on apprend à se débrouiller.»




L’enseignante affirme tout de même se trouver chanceuse: «J’ai une collègue qui n’a même pas de fenêtres dans sa classe.»



Les enfants ne déjeunent plus





  • École secondaire Honoré-Mercier

  • 566 élèves

  • Ville-Émard














Éric Fusinato, enseignant en éthique et culture religieuse à l'école Honoré-Mercier dans Ville-Émard, dénonce le fait que le service du petit-déjeuner offert aux élèves défavorisés a été coupé en raison des compressions budgétaires.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


Éric Fusinato, enseignant en éthique et culture religieuse à l'école Honoré-Mercier dans Ville-Émard, dénonce le fait que le service du petit-déjeuner offert aux élèves défavorisés a été coupé en raison des compressions budgétaires.





«On parle d’enfants qui ont besoin de manger le matin. C’est désolant. Je ne comprends pas», lance Éric Fusinato.




En 2006, l’enseignant en éthique et culture religieuse a créé un service de déjeuner offert au coût symbolique de 25 ¢ aux élèves dans le besoin, une «nécessité» dans cette école particulièrement défavorisée.




Toutes les fins de semaine, M. Fusinato «courait après les rabais» pour pouvoir offrir gaufres, bagels, fruits, jus et yogourt à la vingtaine d’élèves qui se présentaient à l’école le ventre creux. Du budget annuel de 4000 $ par année, il ne recevait que 1000 $ de l’école au moyen d’un programme ministériel, Agir autrement. Le reste de l’argent, il le sollicitait à des organismes de charité.




Austérité




L’an dernier, il a été remplacé par une surveillante du dîner sur le projet. Puis, l’école a mis fin au programme au mois de septembre dernier. «Quand je me suis rendu compte que le service avait été coupé, je n’en suis pas revenu. Ce n’est pourtant pas un gros montant, 4000 $», affirme M. Fusinato.




«C’est un effet direct de l’austérité. Je respecte la décision, mais ça m’attriste au fond de mon cœur.»




L’explication de la présidente de la CSDM Catherine Harel-Bourdon: «Il y a eu des coupes dans le budget du programme Agir autrement et l’école a dû faire des choix. C’est dommage. Mais la direction demeure à l’écoute. On ne laissera pas les enfants mourir de faim et on va pallier le problème si des élèves ont des besoins.»



Des paniers de basket dangereux





  • École secondaire Louis-Riel

  • 1261 élèves

  • Rosemont














Martin Leclerc, enseignant en éducation physique à l'école Louis-Riel.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


Martin Leclerc, enseignant en éducation physique à l'école Louis-Riel.





Plus de 1200 élèves doivent se partager un seul terrain de basketball à l’école Louis-Riel alors que la moitié des paniers sont brisés et que les autres ne sont pas sécuritaires.




Une situation qui enrage le professeur d’éducation physique Martin Leclerc. «Nous sommes cinq enseignants qui se partagent 55 groupes. Imaginez le casse-tête! Il n’est possible de jouer au basketball que dans un seul des quatre gymnases.»




Depuis deux ans, trois paniers de basketball se sont brisés. Leur mécanisme électrique ne fonctionne plus et il est impossible de les descendre du plafond. Un morceau de la structure d’un panier est même tombé sur le sol. Les paniers brisés sont attachés grossièrement avec de la corde dans le gymnase.











Des paniers de basketball brisés sont retenus par une simple corde dans le gymnase de l’école Louis-Riel. Près de la moitié d’entre eux ne sont plus fonctionnels.




photo SARAH-MAUDE LEFEBVRE


Des paniers de basketball brisés sont retenus par une simple corde dans le gymnase de l’école Louis-Riel. Près de la moitié d’entre eux ne sont plus fonctionnels.







« C’est dangereux »




«Un ingénieur de la CSDM est venu l’an dernier et il a découvert qu’il y avait un problème structurel sur tous les paniers. Ils ne sont pas sécuritaires. Tous doivent être changés, ce qui coûterait 80 000 $», explique M. Leclerc.




Or, l’école refuse de procéder à cette opération en raison de son manque de budget.
















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«Je pense que ça va choquer le monde d’apprendre que leurs enfants vivent dans un milieu aussi peu sécuritaire avec de l’équipement désuet. Les gymnases tombent en morceaux. Une pièce métallique s’est détachée de la structure du mur récemment. C’est dangereux.»




L’explication de la présidente de la CSDM Catherine Harel-Bourdon: «Ce n’est pas optimal. On le sait. Une mise aux normes est nécessaire. Dès qu’on va avoir du “lousse” dans le budget du mobilier des écoles, nous allons prioriser ce dossier.»







 




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