La parution quotidienne de Vigile représente en soi un travail colossal. Je respecte énormément le travail de ses artisans. Il est le lieu de désaccords constants et il faut s’y attendre. Il y a quelques semaines j’ai publié quelques chroniques dont [L’utilisation de l’Affaire Michaud->33175] et [Nationalisme ethnique et nationalisme civique->33691]. Ces chroniques ont été écrites en réaction à plusieurs propos qui, je l’appréhendais, par effet d’entraînement, allaient dégénérer de façon exponentielle. Mon opinion personnelle c’est que c’est ce qui s’est produit.
Effectivement, j’ai eu le sentiment parfois de lire le pire. Le négativisme envers le Parti Québécois servant d’étendard, d’explication en explication véhémente, les enfilades ont mené à dresser un réquisitoire anti-israélien. Ne cherchez pas trop la logique, les échanges ressemblant souvent à un jeu de balle labyrinthique. C’est plus la norme que l’exception. Ceci n’est pas le propre de Vigile.
Dans la foulée d’un colloque impromptu sur la nécessité de remettre l’ethnicité à l’honneur, on a vu des textes apparaître dont celui d’Ivan Parent qui se rapportait au Protocole des Sages de Sion comme s’il s’agissait d’une source crédible. D’autres sources obscures se multiplièrent, souvent tirées de sites spécialisés dans la polémique anti-israélienne.
L’aberration s’est inscrite sur une trame antipéquiste évidente. On a retrouvé des thèmes comme le PQ vaste orchestrateur du détournement d’une cause, le nationalisme civique contraire avéré du nationalisme ethnique, d’autres encore. Étrange que d’identifier le combat indépendantiste à ces fixations, et carrément triste que certains veulent y greffer un combat contre le lobby juif.
Il s’agit là de dérives qui menacent la continuité de Vigile, pas en raison d’un vaste complot, juste parce que c’est stupide. Inutile de désavouer l’intervention du Comité Canada-Israël. Nous nous devons d’admettre que les textes incriminés sont faits sur mesure pour que les charbons ardents s’accumulent sur nos têtes. Au cours des mois de janvier et février, il y a eu répétition dans l’outrage, souvent dans des espaces à la une.
La stricte honnêteté me dicte de noter que je suis un ancien membre de l’Association Québec-Israël. Ceci dit, je ne suis pas téléguidé. J’étais alors tout jeune homme, il y a de cela trente ans, avant même mon entrée à l’université. Je me suis désisté en raison de conflit entre les membres de l’association Québec-Israël qui protestaient contre l’empiètement du Comité Canada-Israël.
Néanmoins la cause du rapprochement entre Québécois et Juifs est demeurée intacte dans mon cœur toutes ces années. Celle qui aura été une de mes plus grandes amies, la plus grande, je crois, était juive. Elle est décédée après une âpre lutte contre le cancer il y a trois ans. Les hasards de la vie ont voulu que je partage la vie de cette communauté et il est normal que je me sente un peu comme un des leurs. C’est dire que je suis émotif sur la question.
Ai-je été choqué par les propos qui ont été tenus sur Vigile au cours des dernières semaines? Oui. Je déteste que des gens qui ne sont pas antisémites soient traités d’antisémites. Aussi ai-je défendu monsieur Yves Michaud. Mais j’ai aussi dénoncé des intervenants qui, sous prétexte qu’ils sont la mouche de coche du mouvement indépendantiste, les empêcheurs de penser en rond, font feu des quatre fers avec un manque de discernement total.
L’autre texte condamné par le comité Canada-Israël qui rend le lobby juif responsable de l’affaire Michaud m’a également horripilé. Jean Charest voulait que monsieur Michaud soit condamné avant d’avoir été entendu. Le gouvernement s’est emballé dans sa crainte d’être déclaré complice d’un raciste. Voulant se prémunir contre cette accusation, le gouvernement est tombé dans le panneau et a condamné à la hâte. Quant à la communauté juive, autant que les autres québécois, dans la mesure où les propos rapportés semblaient corroborer l’accusation de racisme, elle a forcément éprouvé de l’inquiétude.
Il serait temps que l’on commence à se dire une chose à propos d’Israël : c’est une nation réelle faite de vrais gens qui ont souvent peur et qui se demandent en qui avoir confiance. Voir dans Israël uniquement un symbole d’oppression, c’est faire d’Israël le jouet de conventions polémiques dans un monde très polarisé sur la question.
Pour certains, la gauche surtout, Israël est le jouet de Washington. Pour d’autres, la droite, Israël est l’avant-poste de la civilisation. Même que la création d’Israël serait la phase annonciatrice d’un retour du Christ selon la droite religieuse. Quand Israël occupe la une, les positions se retranchent à gauche comme à droite. Ils suivent un alignement qui a souvent peu à voir avec l’empathie autant envers la population palestinienne qu’envers la population israélienne.
Les Israéliens se retrouvent avec des amis qui les aiment pour de mauvaises raisons et des ennemis qui les détestent pour de mauvaises raisons. Sera-t-on enfin capable de faire preuve de véritable empathie envers le peuple israélien et de démontrer un effort de compréhension sans se faire accuser de complicité contre la nation palestinienne?
Le simple énoncé : « J’aimerais bien qu’Israël vive en paix » paraîtra riche de sous-entendus et notamment d’un désaveu de la cause palestinienne. Le conflit israélo-palestinien en est un où la simple volonté de penser avec mesure paraîtra comme une agression par un camp ou par l’autre.
Le Comité Canada-Israël connaît assez les aléas de la couverture médiatique sur Israël et il sait que la mesure y est rarement au rendez-vous. C’est ce qui fait que les déclarations à l’emporte-pièce sont monnaie courante et qu’elles versent souvent dans l’antisémitisme. Cela arrive en Europe, aux États-Unis, partout et donc, cela peut survenir aussi sur des tribunes indépendantistes.
Des dérapages il y en a à la pelle et, malheureusement, au cours des dernières semaines, des liens malencontreux à des sites obscurs qui entretiennent des idées très arrêtées sur l’influence de la judéité assimilée à une franc-maçonnerie maléfique sont apparues.
Analyser le rôle que s’assignent les lobbys juifs fait partie de la liberté de pensée. Stipuler la présence d’une main noire sémitique qui noyaute les appareils de décision planétaires, c’est franchir une ligne qui ne relève plus de l’analyse des lobbys. Et puis, les Juifs aussi ont le droit de se représenter.
André Savard
Des dérives menaçantes
Il s’agit là de dérives qui menacent la continuité de Vigile, pas en raison d’un vaste complot, juste parce que c’est stupide. Inutile de désavouer l’intervention du Comité Canada-Israël.
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