Des manifestants se disant antifascistes sont passés à l'action, samedi, en bloquant à pied l'autoroute 15 Sud pour empêcher les membres du groupe identitaire Storm Alliance, qui dénoncent ce qu'ils appellent «l'immigration illégale», de se rassembler au poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle.
Les policiers ont rapidement réagi en déclarant la manifestation illégale et en procédant à l'arrestation du leader, Jaggi Singh.
D'autres manifestants s'étaient donné rendez-vous un peu plus loin, sur le chemin Roxham, à Hemmingford, où des milliers de demandeurs d'asile sont entrés de façon irrégulière au Québec, et tout près au poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle.
Dans une ambiance festive, les membres du groupe citoyen Bridges not Borders voulaient envoyer un message d'accueil aux demandeurs d'asile forcés d'entrer de façon irrégulière en raison de l'entente sur les tiers pays sûrs. Cette entente fait en sorte que si un demandeur d'asile arrive des États-Unis à un poste frontalier régulier, il est automatiquement refoulé.
Ce groupe d'une cinquantaine de citoyens des environs de Hemmingford effectue plusieurs démarches pour améliorer l'accueil réservé aux demandeurs d'asile. Ils leur apportent des vêtements chauds, leur souhaitent la bienvenue et ils militent en faveur d'une meilleure formation des policiers de la GRC chargés d'arrêter les immigrants irréguliers.
Le groupe identitaire Storm Alliance et d'autres organisations opposées aux politiques d'immigration du Canada avaient prévu de se rassembler au poste frontalier de Lacolle samedi. D'autres contre-manifestants invités par Solidarité sans frontières voulaient dénoncer le racisme de groupes qu'ils associent à «l'extrême droite» et faire la promotion d'une frontière «ouverte et accueillante».
Dans une vidéo publiée sur Facebook, le porte-parole de Storm Alliance, Eric Trudel présente le rassemblement de samedi comme un moyen de dénoncer «l'immigration illégale». Selon lui, les gouvernements dépensent trop d'argent pour «inviter du monde qui n'a pas besoin d'aide» au lieu de «nourrir et soigner les enfants du Québec».
Fait à noter, un autre groupe identitaire appelé La Meute a refusé de s'associer à la manifestation. Dans une publication en ligne, son porte-parole Sylvain Brouillette soutient que Storm Alliance se trompe de cible en visant les demandeurs d'asile.
Selon lui, «il est humain de vouloir ce qu'il y a de mieux pour sa famille», écrit-il en parlant des gens qui tentent d'entrer au Canada. La Meute considère que la véritable cible doit être le premier ministre du Canada Justin Trudeau qui «empêche la GRC de faire sa job».
De l'autre côté, le porte-parole de Solidarité sans frontières, Aaron Lakoff, estime que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour de nombreux réfugiés, alors que l'administration Trump continue d'intensifier sa rhétorique anti-migrants, selon lui.
Il suggère d'ailleurs aux membres de Storm Alliance d'adresser leurs récriminations au président Trump qui cause l'afflux de réfugiés, ainsi qu'au gouvernement Trudeau qui maintient l'accord sur les tiers pays sûrs.
«Moi, je suis ouvert à l'immigration. C'est normal que toute personne souhaite améliorer sa situation, mais l'entente sur les tiers pays sûrs empêche les gens d'entrer par les postes douaniers réguliers», explique-t-il.
Aaron Lakoff assure que tant qu'il y aura des regroupements de groupes identitaires qu'il qualifie de «racistes», les militants antifascistes seront là. «Chaque fois qu'ils vont essayer d'organiser une manif raciste à la frontière, on va être là pour les confronter pour dire c'est vous qui n'êtes pas les bienvenus avec votre message de haine», déclare celui qui s'implique avec Solidarité sans frontières depuis 2004.
Des agents de la Sûreté du Québec ont pris le contrôle des lieux très tôt, samedi, pour s'assurer que les deux groupes ne se rencontrent pas. Les manifestants de Storm Alliance doivent être escortés par l'autoroute 15 jusqu'au poste frontalier, alors que les contre-manifestants sont maintenus une centaine de mètres plus loin sur le chemin Guay.
D'après de récentes données, la Gendarmerie royale du Canada a intercepté 7300 demandeurs d'asile au chemin Roxham entre janvier et avril, cette année. Les autorités s'attendent à une augmentation importante de l'affluence avec le retour du beau temps. L'an dernier, 19 000 demandeurs d'asile sont arrivés par le chemin Roxham.
