Vallières, Martin - Pas vraiment, selon des agences de notation de crédit comme DBRS, une firme torontoise aguerrie en finances publiques.
Même que selon sa grille d'analyse, qui cible les besoins financiers nets des gouvernements, Québec s'aligne vers un déficit d'au moins 6,4 milliards pour son exercice 2008-2009.
C'est presque deux fois plus que le déficit de 2,7 milliards comptabilisé par DBRS pour l'exercice précédent, terminé en avril 2008.
Et ce, avant même les effets négatifs attendus du ralentissement économique et de la crise financière sur les finances publiques. Mais pourquoi de tels écarts entre l'analyse de DBRS avec les "déficits zéro" affichés dans les documents budgétaires de Québec?
La principale explication tient à la façon de comptabiliser les dépenses d'immobilisations des gouvernements.
"Parce que nous analysons leurs besoins financiers, nous comptons leurs dépenses d'infrastructures au fur et à mesure qu'elles sont payées, au lieu de les étaler sur plusieurs années comme le font leurs comptables", résume Éric Beauchemin, analyste principal chez DBRS.
Ces dépenses comprennent surtout les projets de rénovation et la construction d'infrastructures publiques: hôpitaux, écoles, routes et transports collectifs.
À l'instar des entreprises qui achètent des équipements, les gouvernements peuvent étaler leurs dépenses d'infrastructures en quelques années consécutives, selon les normes comptables.
Et ce, même si les frais liés à ces projets d'infrastructures sont payés par les gouvernements au moment de leur réalisation, en majeure partie par emprunts.
À Québec, les dépenses d'infra- structures étaient prévues à 8,9 milliards lors de son dernier budget.
C'est presque deux milliards de plus qu'en 2007-2008, et presque deux fois plus qu'il y a quatre ans.
Or, le gouvernement n'inscrit à son budget courant que la portion annuelle d'amortissement de ses dépenses d'infrastructures, sous prétexte qu'il s'agit d'actifs devant servir le public et l'économie durant de nombreuses années.
La majeure partie restante des dépenses d'infrastructures de Québec - presque six milliards - se retrouve alors financée en tant que fonds requis au gouvernement durant son exercice courant.
Ça contribue aussi en bonne partie au déficit financier net d'au moins 6,4 milliards auquel s'attend DBRS au gouvernement du Québec, pour 2008-2009.
Ce financement s'ajoutera aussi à la dette provinciale, malgré l'impression contraire que suscitent des énoncés budgétaires à "déficit zéro" des gouvernants québécois.
Pas unique au Québec
Cette situation de déficit financier courant n'est pas unique au gouvernement du Québec, souligne-t-on chez DBRS.
L'Ontario et la Colombie-Britannique y sont déjà, pour 3,2 milliards et 1,4 milliard respectivement. Ces deux provinces dépensent aussi beaucoup en infrastructures publiques ces années-ci.
Par ailleurs, Éric Beauchemin de DBRS reconnaît de bonnes notes à Québec pour sa rénovation comptable, enfin au pair avec les autres provinces.
Aussi, dit-il, le gouvernement québécois a démontré une "meilleure discipline budgétaire" depuis quelques années, même s'il demeure de loin le plus endetté des 10 gouvernements provinciaux.
D'ailleurs, c'est ce que M. Beauchemin surveillera le plus lors de l'énoncé de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, mardi prochain.
"Est-ce que le gouvernement Charest conservera une discipline budgétaire malgré le contexte politique? D'autant que son budget fait face à une conjoncture détériorée qui réduit ses revenus fiscaux, à commencer par le très volatil impôt sur les profits d'entreprises."
À lui seul, l'impôt corporatif était prévu à hauteur de 4,59 milliards au budget québécois pour 2008-2009, soit 7,2% des revenus totaux.
Lors du précédent cycle baissier de l'économie et de la bourse, entre 2001 et 2003, ces revenus d'impôt corporatif de Québec avaient chuté de plus de 500 millions en quelques trimestres à peine.