L’ex-ministre libéral David Whissell et un ancien haut fonctionnaire du Conseil du trésor spécialisé en éthique se sont inscrits comme lobbyistes auprès du gouvernement provincial pour l’obtention de contrats.
Le 1er avril, M. Whissell s’est inscrit au registre des lobbyistes pour une entreprise qu’il a acquise au début 2016, Groupe TBM, entre autres spécialisée dans les services-conseils en génie pour la gestion immobilière.
M. Whissell a été député libéral de 1998 à 2011. Il a démissionné de son poste de ministre du Travail dans la controverse en 2009. Jean Charest avait alors resserré les exigences éthiques de ses ministres et M. Whissell avait démissionné plutôt que de se départir de ses intérêts dans la société d’asphalte ABC Rive-Nord, mentionnée à maintes reprises lors des audiences de la commission Charbonneau.
La dénomination ABC Rive-Nord a disparu. Une nouvelle entreprise, Uniroc, détenue par M. Whissell et les mêmes associés, a été créée en 2012 pour «porter le flambeau» d’ABC Rive-Nord, lit-on sur son site internet.
Avec un pro de l’éthique
Mais c’est avec sa nouvelle société, Groupe TBM, à titre de plus haut dirigeant, qu’il s’est inscrit.
Avec lui, comme lobbyiste, on trouve entre autres Gilles Marchand. Jusqu’en avril 2015, ce dernier était directeur de la formation sur les marchés publics au Secrétariat du Conseil du trésor.
C’est donc lui qui était chargé de former les employés de la fonction publique sur le plan éthique ainsi que sur la gouvernance et l’octroi de contrats.
Le lobbying d’un an vise une trentaine d’organismes et ministères, dont le Secrétariat du Conseil du trésor.
Pas de cachettes
En entrevue, M. Whissell s’est montré étonné d’être interrogé à ce sujet. «Il n’y a pas de cachettes. Tu t’en vas où, avec ça?» a-t-il lancé.
Il nous a vite prévenus qu’il allait «être méchant» si un lien était fait entre cette inscription comme lobbyiste et un reportage récent de notre Bureau d’enquête sur un autre dossier où il avait jugé qu’il ne devait pas s’inscrire comme lobbyiste. Il n’y a effectivement aucun lien.
Groupe TBM est «une entreprise qui interagit avec beaucoup d’entreprises d’État, dit-il. On veut s’assurer de bien respecter les règles.
«Je suis un citoyen, poursuit-il. J’ai une entreprise. Je m’inscris au registre des lobbyistes. Je gagne ma vie.»
Le nom de M. Whissell est revenu à 37 reprises dans le rapport Charbonneau, mais il n’a jamais été invité à témoigner, même s’il voulait être entendu. Il a fait deux déclarations assermentées pour nier toutes les allégations d’ingérence politique et de conflits d’intérêts.
Des éclaboussures
- En 2009, alors que M. Whissell était ministre, Radio-Canada a révélé qu’ABC Rive-Nord avait obtenu deux contrats de gré à gré totalisant 800 000 $ et que la valeur des contrats octroyés à l’entreprise avait doublé depuis qu’il avait été nommé ministre en 2007. ABC Rive-Nord a aussi acheté une entreprise dirigée par un individu ayant des liens avec le crime organisé.
- Jean Charest défend M. Whissell, qui rappelle n’avoir participé à aucune décision de l’entreprise puisque ses parts de 20 % étaient placées dans une fiducie sans droit de regard. Le jurisconsulte de l’Assemblée nationale le blanchit, mais note une situation d’apparence de conflit d’intérêts. M. Whissell démissionne de son poste de ministre, mais demeure député jusqu’en 2011.
- La commissaire Charbonneau a mis en lumière qu’un urbaniste d’une filiale de Dessau, Christian Côté, avait «fait de la sollicitation pour le compte» de M. Whissell. L’urbaniste «a relaté avoir joué ce rôle à la demande de Whissell lui-même». Lino Zambito a affirmé que Christian Côté lui avait demandé un pot-de-vin de 50 000 $ contre l’octroi d’une subvention gouvernementale pour un projet. M. Whissell a démenti publiquement.
- Toujours à la commission Charbonneau, l’ingénieur Gilles Théberge a avancé qu’ABC Rive-Nord aurait fait partie de la collusion dans les contrats publics à Laval. Trois autres témoignages ont fait état d’une ingérence politique de M. Whissell. Il a nié catégoriquement par déclaration assermentée rendue publique.
- Le chef de cabinet de David Whissell était Alexandre Bibeau, fils de l’organisateur politique libéral et ancien vice-président de Loto-Québec, éclaboussé à la commission Charbonneau. Le fils a également été visé par le témoignage de Lino Zambito, ce qui l’avait exclu de la campagne au leadership de Philippe Couillard en 2012. Il a été réhabilité par la permanence du PLQ en janvier dernier.
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