Le premier ministre Philippe Couillard s’est dit préoccupé par les « effets secondaires »de la réforme fiscale du gouvernement Trudeau à l’issue de la rencontre avec ses homologues.
« Ça m’a interpellé quand j’ai vu que pour beaucoup de femmes entrepreneures, c’est leur seul moyen d’avoir un congé de grossesse rémunéré ou que pour que les entrepreneurs de petites entreprises, c’est leur seul fonds de retraite », a-t-il dit.
« On ne parle pas seulement de gens très riches là-dedans. On parle également de gens vraiment de la classe moyenne qui font des sacrifices pour leur entreprise. »
Il a enjoint le gouvernement Trudeau à saisir l’occasion présentée par cette réforme pour éliminer les obstacles au transfert familial des entreprises comme l’a déjà fait le Québec.
« En région, chez moi, quand quelqu’un vend son entreprise à une personne qui n’est pas reliée, qui n’est pas de la région, le plus souvent l’entreprise va quitter la région et on va perdre des emplois et de l’activité économique », a-t-il raconté.
Il a tenu à préciser qu’il était d’accord avec le but poursuivi par Ottawa de rendre le système fiscal plus équitable.
La réforme fiscale du gouvernement Trudeau est loin de faire l’unanimité auprès des provinces. Certains premiers ministres avaient déjà signalé leur désaccord avant le début de leur rencontre à Ottawa mardi.
La présentation du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, à laquelle ils ont assisté en a rassuré quelques-uns. Celui-ci a indiqué que sa réforme respecterait cinq principes à la lumière des consultations menées auprès de la population par son ministère depuis le mois de juillet.
« J’étais ravi d’entendre M. Morneau dire que sa réforme n’allait pas toucher les entreprises familiales, le transfert des fermes d’une génération à l’autre, qu’il allait s’assurer que les femmes entrepreneures puissent économiser pour leur congé de maternité et que tous les Canadiens ont besoin de flexibilité lorsqu’il est question de leur retraite », a énuméré le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, qui avait exprimé de sérieuses réserves la semaine dernière.
« C’était important d’écouter, mais en même temps de considérer ce que nous avons entendu », a affirmé le ministre Morneau à la sortie de la période des questions.
Le gouvernement prévoit une ébauche de projet de loi au cours des prochaines semaines.
La Saskatchewan est toutefois demeurée sceptique.
« Nous espérons avoir été entendus et nous souhaitons que le ministre Morneau fasse les changements appropriés pour que sa réforme soit juste et équitable non seulement pour les grandes entreprises, mais également pour les fermes familiales et les professionnels de la santé », a souligné le vice-premier ministre de la Saskatchewan, Don Morgan.
Ses propos ont fait écho à ceux du premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, qui demandait au gouvernement Trudeau plus tôt dans la journée de carrément faire marche arrière allant jusqu’à accuser le gouvernement Trudeau d’avoir lancé une « lutte des classes ».
« Le dialogue est malsain et il est blessant. Sinon, comment expliquer que l’optimisme des entrepreneurs ait diminué en même temps dans les dix provinces ? » avait-il dit.
« Ce sont des propositions qui n’aident pas. Elles créent de l’incertitude et l’incertitude n’est pas une bonne chose lorsque l’on tente d’attirer des investisseurs. »
Plus nuancé, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a répété qu’il espérerait qu’Ottawa trouve le bon équilibre entre les inquiétudes des entrepreneurs et celles d’autres contribuables qui demandent une meilleure équité fiscale.
La réforme fiscale présentée par le ministre Morneau en juillet suscite de la grogne parmi les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME), les agriculteurs et chez certains professionnels comme les médecins.
Elle vise à mettre fin aux avantages fiscaux utilisés injustement, selon lui, par de riches propriétaires d’entreprises en empêchant la création de sociétés privées dans le strict but d’économiser de l’impôt.
Cette pratique de plus en plus répandue permet aux entrepreneurs et à certains professionnels de fractionner leur revenu entre les membres de leur famille même si ceux-ci ne travaillent pas pour eux.
Le gouvernement Trudeau est engagé dans une guerre de communication avec l’opposition conservatrice qui estime que les petits entrepreneurs et les agriculteurs sont visés par la réforme.
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