C’est avec nonchalance que nous apprenions il y a peu le départ de Christiane Pelchat, présidente sortante du Conseil du statut de la femme (CSF), pour un poste d’ambassadrice au Mexique, et l’arrivée de sa successeure, Julie Miville-Dechêne. Avec cette nomination, le gouvernement Charest semble avoir appris de ses erreurs. Ne vous méprenez pas ! Il ne s’agit pas ici de signer un chèque en blanc à la nouvelle venue, ni d’affirmer que les grandes orientations du CSF, n’envisageant l’égalité homme femme que du point de vue féminin, va connaître un tournant historique et… égalitaire, loin de là. Selon le CSF, l’égalité peut faire sa petite bonne femme de chemin sans réciprocité, une incohérence incroyable mais viscérale, qui ne dérange personne chez cet organisme vieillot qui s’est abstenu d’inviter des groupes d’hommes lors de sa récente consultation sur… l’égalité.
En fait, après la décapante Diane Lavallée et la gaffeuse en série qu’était Mme Pelchat, l’actuel gouvernement a choisi une communicatrice chevronnée, qui en prime présente une allure distinguée et conviviale. Quel changement ! Mais ne nous laissons pas distraire par le contenant; le contenu risque de demeurer strictement égal... à lui-même, même avec le sourire.
En 2011, quelle est la pertinence du CSF ?
Nombreux, dont moi, pensent que le Conseil du statut de la femme est devenu un organisme désuet et vermoulu, aussi pertinent que le poste de lieutenant gouverneur. Sans doute avait-il une raison d’être lors de sa fondation en 1973, sous le gouvernement de Robert Bourrassa, à la suite des pressions de la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Depuis, les gains des Québécoises se sont révélés si déterminants que, loin d’avoir fait reculer le sexisme, l’État québécois joue désormais à la chaise musicale avec cette déviance, préférant nuire aux intérêts légitimes des hommes et des garçons, en les faisant passer pour des privilèges dont ils devront faire leur deuil. Le concept usé à la corde de patriarcat oppresseur, source de tous les maux féminins, a bon dos.
Le vent tourne, toutefois. Il n’était pas jusqu’à l’une des anciennes présidentes du CSF, la péquiste Diane Lemieux, pour juger l’organisme obsolète dès 2008. La revueChâtelaine, sous la plume de sa rédactrice en chef d’alors, Diane Ravary, proposait la même année l’abolition pure et simple du CSF et son remplacement par un Conseil de la personne, beaucoup moins imposant, mais qui tiendrait également - et enfin - compte des problématiques masculines. Ce changement de cap avait déjà été envisagé dès 2004 par Michelle Courchesne, alors ministre à la Condition féminine, quand elle avait vainement tenté de réformer le CSF en Conseil de l’égalité. Si elle avait alors été obèse, Mme Courchesne aurait rapidement réintégré sa taille actuelle devant les pressions qui l’ont obligée à aller de l’arrière avec son projet. Pas de pouvoir, le lobby féministe ?
Une présidente qui joue le jeu…
D’entrée de jeu, Julie Miville-Déchêne (JMV) donnait le ton de sa présidence en déclarant dans le Journal de Montréal du 6 septembre que « La pauvreté des femmes et le chômage des immigrantes la touchent tout particulièrement. » Un tel propos, sexiste, trahit une ignorance certaine ou délibérée de la réalité de la pauvreté de la part d’une journaliste dont on serait à priori en droit de s’attendre à mieux. Elle n’est pas la seule à souffrir d’aveuglement volontaire : sa consœur ministre à la Condition féminine, Christine St-Pierre, elle-même ancienne journaliste d’expérience à la SRC, a démontré son manque de rigueur et d’éthique à plus d’une reprise depuis son arrivée en politique.
En faisant une telle déclaration, la nouvelle présidente se comporte délibérément comme si la situation des femmes n’avait pas bougé depuis 1973. Pourquoi la pauvreté des femmes serait-elle plus préoccupante que celle des hommes quand le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale révèle qu’il existe davantage d’hommes que de femmes chômeurs et assistés sociaux ? Comment ne pas parler de pauvreté au masculin quand ces derniers représentent près de 75 % de tous les itinérants ?
Chaque 8 mars, on nous ressort la même statistique périmée datant du début des années 90 à l’effet que le revenu moyen des femmes ne représenterait que 70 % de celui des hommes, sans jamais préciser que de nombreuses femmes préfèrent travailler à temps partiel, ce qui fausse les résultats. On omet également de préciser que ces dernières se montrent plus sélectives, plus difficiles que les hommes, dans le choix d’un travail. Toujours selon Emploi et Solidarité sociale, elles seraient 80 % à avoir choisi leur secteur d’activités contre seulement 20 % chez les hommes, ce qui démontre que chez ces derniers, le rôle de pourvoyeur prime sur les aspirations personnelles.
Quand nous renseigne-t-on qu’une majorité avoisinant les 90 % d’hommes occupe les emplois à risque tels que monteurs de lignes, pompiers, soldats et que l’augmentation de policières à près de 25 % des effectifs est largement attribuables à des critères d’admission moins sévères que pour leurs collègues masculins ? JMV donnera-t-elle suite à la lubie de Pelchat de militer en faveur d’un quota de 40 % de travailleuses de la construction ?
Si elle veut se faire aimer des maisons d’hébergement et des Calacs, Mme Miville-Dechêne devra continuer à faire semblant que la violence conjugale demeure un phénomène exclusivement masculin. Elle devra persister à faire la sourde oreille à toute revendication en faveur de maisons d’hébergement pour hommes et pour leurs enfants, et faire comme si elle n’avait pas entendu les recommandations du vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, quand il affirmait dès 2008 que les maisons d’hébergement pour femmes étaient sur financées, sous fréquentés et n’étaient soumises à aucune redditions de comptes !
La nouvelle présidente pourra aussi ignorer que, après avoir attendu jusqu’en 1999 avant de recenser les signalements de violence conjugale subie par des hommes, Statistique Canada révélait en 2005 que 546 000 hommes étaient victimes de ce fléau au pays. Elle pourra détourner le regard de cette récente enquête de l’Institut de la statistique du Québec qui nous apprend que 3,9 % d’hommes ont rapporté au moins un événement de violence physique au cours des cinq dernières années en comparaison de 2,9 % de femmes, ce qui représente 70 200 hommes et 52 600 femmes respectivement.
Après avoir, comme ses prédécesseures, mis la piètre performance académique des garçons sur le compte des stéréotypes culturels et des pères absents, à qui l’on refuse la garde partagée ou exclusive dans 80 % des cas, JMV pourra affirmer que, si les besoins en santé et en services sociaux sont moins financés pour les hommes que pour les femmes, c’est que les hommes n’ont pas de problèmes, ce qui explique sans doute qu’ils représentent plus de 80 % des suicides : le bonheur tue. Ce faisant, elle conservera des rapports harmonieux avec la FFQ et la quinzaine d’instances féministes qui ont fait tabletter en 2005 le rapport Rondeau qui dénonçait le manque de ressources pour les hommes en crise. « Living is easy with eyes closes, misunderstanding all you see », chantait Lennon en 1967...
Le blog de la présidente
Au fait, dans son souci de constater, « sur le terrain » les déboires de la condition féminine, JMV a annoncé qu’elle mettrait un blog à la disposition du public. Après avoir dû insister auprès du CSF pour en obtenir les coordonnées, une employée m’a finalement répondu que « cette perspective d’échange devrait prendre forme au fil des prochains mois. » Espérons que, dans ce cas précis, la nouvelle présidente ne détournera pas son attention...
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé