L’indépendantisme n’est pas majoritaire en Catalogne. Cependant, le manque de propositions politiques pour la région de la part du gouvernement de Mariano Rajoy et les actions judiciaires et policières contre le mouvement indépendantiste risquent d’augmenter la proportion de Catalans favorables à la sécession. La suspension de l’autonomie catalane annoncée par le gouvernement de M. Rajoy ne ferait qu’aggraver le conflit.
Le mouvement indépendantiste catalan a réussi à organiser des manifestations de centaines de milliers de personnes tous les ans depuis 2012. Cependant, le soutien à l’indépendance n’a pas dépassé le 50 % de l’électorat catalan. Au contraire, il demeure stable — entre 40 et 50 % — et les derniers sondages du Centre d’Estudis d’Opinió de la Generalitat montrent même une légère baisse du pourcentage d’indépendantistes.
Par ailleurs, les partis indépendantistes ont obtenu 47,7 % des voix aux élections régionales de 2015, qui avaient été conçues par le gouvernement catalan comme un plébiscite sur l’indépendance. L’alliance entre Junts pel Sí — la coalition formée par le Partit Demòcrata Català (PDCat) et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) — et le parti anticapitaliste Candidatura d’Unitat Popular (CUP) a permis à Carles Puigdemont d’avoir la majorité au Parlement régional et d’être élu président de la Generalitat, mais les partis opposés à l’indépendance ont obtenu plus de voix (52,3 %). Certes, le Oui à la création d’un État indépendant « en forme de République » a obtenu 90 % des voix exprimées lors du référendum d’autodétermination du 1er octobre dernier, mais ce résultat s’explique par le fait que la plupart des unionistes ont refusé de voter à un référendum qu’ils jugeaient illégitime, puisqu’il avait été annulé par la Cour constitutionnelle espagnole.
Rapport de force
Il y a cependant deux éléments qui pourraient modifier le rapport de force entre indépendantistes et unionistes : le manque de propositions politiques au camp indépendantiste de la part du gouvernement de Mariano Rajoy et les actions menées par la police espagnole et certains juges contre le mouvement indépendantiste, souvent qualifiées de « répression » par ce dernier. En effet, le référendum du 1er octobre a eu lieu malgré la saisie de millions de bulletins de vote par la Garde civile espagnole, la détention des fonctionnaires du gouvernement catalan qui coordonnaient l’organisation du vote et les violences commises par la Police nationale et la Garde civile contre les votants le jour du référendum. Malgré tout, plus de 2,3 millions de personnes y ont participé, ce qui constitue un chiffre impressionnant pour un référendum déclaré illégal et fortement réprimé… mais ce chiffre ne représente que 43 % de l’électorat catalan. Au-delà du manque de validité légale du vote, le nombre de voix pour l’indépendance a été similaire à celui obtenu par les partis indépendantistes lors des élections de 2015. L’indépendantisme demeure donc minoritaire en Catalogne, malgré la très forte mobilisation des partisans de la constitution d’une République catalane.
Il existe néanmoins un large consensus en Catalogne sur le droit du peuple catalan à décider s’il veut continuer à faire partie de l’État espagnol ou non : le « droit de décider » a le soutien de plus de 70 % des Catalans, d’après tous les sondages. Également, la majorité de l’opinion publique catalane a été scandalisée par les violences commises le 1er octobre par les agents de la Police nationale et la Garde civile déployés en Catalogne, ce qui explique le succès de la grève et les mobilisations convoquées le 3 octobre en signe de protestation contre la brutalité policière.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir