Détérioration des services aux aînés

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Actualité québécoise 2011

par Jacques Fournier
_ organisateur communautaire retraité
Depuis quelques mois, les médias font état d’histoires d’horreur dans certaines résidences pour aînés : manque d’hygiène, négligence dans les soins, nourriture de piètre qualité, unilinguisme anglais de certains préposés, etc. Comment en sommes-nous arrivés là ?
C’est parce que le gouvernement Charest a décidé de privatiser par la porte d’en arrière certains services qui étaient autrefois offerts par les Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Auparavant, il fallait deux heures, puis ensuite deux heures trente et maintenant ce sont trois heures de soins par jour qui sont requis pour être admis en CHSLD. Le gouvernement a tout simplement décrété ce changement de norme sans consulter. Où vont maintenant les personnes qui normalement auraient dû se retrouver en CHSLD ? Dans les ressources intermédiaires (RI) qui existaient auparavant en petit nombre mais que le gouvernement a maintenant mis « à contrat » en grand nombre pour les personnes ayant besoin de deux heures trente à trois heures de soins par jour. L’Agence de Montréal avait décidé de limiter les RI à 40 lits chacune mais l’entreprise privée avait prévu d’offrir des établissements de 90 lits : l’Agence a aussitôt accepté. Qui décide de l’organisation des soins au Québec ? L’entreprise privée.
Pourquoi le gouvernement favorise-t-il les RI ? Parce qu’une place y coûte en moyenne 35 000 $ par an (1), comparativement à 60 000 $ pour une place en CHSLD. Comment cela est-il possible? Les employées des RI sont mal payées (à peine plus que le salaire minimum, souvent même sous le seuil de la pauvreté), elles sont souvent moins bien formées et elles sont en moins grand nombre que dans les CHSLD. La politique néo-libérale du gouvernement Charest est claire : il tolère et encourage l’accroissement des écarts de revenus entre les riches et les moins nantis en multipliant les emplois sous-payés. Tout cela sur un fond de discours catastrophiste : « Nous sommes en déficit, il y a de plus en plus de vieux, on n’a pas les moyens », alors que de nombreuses études, dont celles de l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS), entre autres, montrent qu’une taxation appropriée générerait des fonds suffisants pour offrir des services publics de qualité à toutes et à tous.
Incidemment, une autre recherche récente, menée par Margaret McGregor et Lisa Ronald de l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), démontre qu’il y a davantage de chances d’avoir des services de moins bonne qualité dans les établissements privés de soins aux aînés, que dans les établissements publics.
Bien sûr, ce ne sont pas tous les établissements privés qui offrent des services de piètre qualité. Par hypothèse, on pourrait dire que 20 % des propriétaires sont plus attentifs à leur santé financière de leur compagnie qu’à la santé de leurs clients. Mais est-ce acceptable ? Si 20 % des restaurants du Québec servaient de la nourriture avariée, trouverions-nous cela acceptable ?
Dans ce dossier, il est important de bien définir ce qu’est la privatisation, qui n’est pas synonyme de facturation de la totalité des coûts à l’usager. Car même si certains services autrefois fournis par le public sont maintenant offerts par le privé (le gouvernement appelle cela le « faire faire »), l’usager, qu’il soit en CHSLD ou en RI, paie une contribution mensuelle qui varie en fonction de ses revenus, ce qui est équitable. La contribution de l’usager en CHSLD varie entre 1003 $ et 1637 $ par mois, celle de l’usager d’une RI oscille entre 1003 $ et 1150 $.
Par contre, comme la liste d’attente pour une place en CHSLD ou en RI est longue, les familles se découragent et décident alors parfois de placer leurs parents dans une ressource totalement privée, qui coûte les yeux de la tête (3000 $, 4000 $ par mois…). Il y a donc là une autre forme de privatisation forcée.
(1) Il faut cependant ajouter à ce coût direct les services professionnels (nursing, réadaptation, etc.) fournis par le CSSS aux usagers des RI.

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Jacques Fournier98 articles

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Organisateur communautaire dans le réseau de la santé et des services sociaux





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2011

    En effet, il y a beaucoup de sépulcres blanchis au Québec. Ou encore des autruches qui se mettent la tête dans le sable. Ou encore qui se grattent la tête, détournent le regard quand ils sont interpelés.
    Enfin ! c'est la Bête. Mais il me semble que la Bête était moins bête, il y a des décennies. C'est sans doute l'ouverture des foyers pour personnes âgées dans les années fastes de la révolution tranquille qui est en partie la cause de ce désintérêt pour les Anciens.
    Par contre, je connais des jeunes qui sont exemplaires.
    Je peux me tromper...

  • Raymond Poulin Répondre

    16 mars 2011

    Je serais tenté d'ajouter qu'un peuple qui se désintéresse de ses vieux n'est pas prêt à réaliser ni près de réaliser son indépendance, parce qu'il n'a pas le sens de la continuité. Pessimiste? Irréaliste? Peut-être, mais j'attends la preuve du contraire. J'espère, et je voudrais à tout prix, me tromper.

  • Raymond Poulin Répondre

    16 mars 2011

    Vous illustrez l’un des domaines où la désinformation, la malhonnêteté et l’indécence du gouvernement actuel du Québec battent des records, le domaine où il est le plus facile de tromper les Québécois. car beaucoup ne savent pas ou ne veulent pas s’occuper de leurs vieux, jusqu’à ce que ce soit leur tour d’être abandonnés. Et même s’ils voulaient s’en occuper, combien en ont les moyens? Voilà ce qui illustre magistralement à quel point notre gouvernement (était-ce vraiment différent sous un autre parti politique?) nage dans le cynisme. Un cynisme, faut-il le dire, qui arrange beaucoup de bonnes gens, sous couvert de ne pas savoir...