Colonisé à l'os

Tribune libre

En tant que québécois dont la patrie est sous la tutelle d’un autre peuple depuis 1759, c’est toujours fort intéressant, voire parfois surprenant, de voir comment les médias et les gouvernements, tant domestiques qu’internationaux, traitent des autres nations sous tutelle: Afghanistan; Haïti; Irak; Palestine; Tibet et tout récemment, le Yémen.
Souvent sans relief historique ou socio-économique, l’information segmentée et prédigérée sur l’état concret des lieux de ces pays sont souvent le reflet fidèle du vide des positionnements et de l’entendement débilitant de nos élites. Les interventions privilégiées par celles-ci les mènent aveuglément ou idéologiquement – au choix - à laisser croire qu’ils ont la formule adéquate pour venir en aide à ces pays perturbés par la mondialisation toute puissante dont ils sont aussi les agents.
Le problème avec ce genre de constat ou cette vision tronquée privilégiée par nos médias de masse et nos gouvernements fantoches, c’est qu’elle escamote, ni plus, ni moins, l’état précis des lieux, dans le sens de l’histoire bien humaine du peuple ou des peuples et empires impliqués, de même que l’incompétence programmée des appareils gouvernementaux imposés à ces demi états par les marchandages à portes closes des grandes puissances coloniales et post coloniales représentées par des organes comme le FMI et la Banque mondiale, ayant semé dans leur sillage violent et sanguinaire les graines de l’ignorance, de l’indigence et de la corruption.
Pour des considérations stratégiques ayant le plus souvent à voir avec de ressources végétales, minières ou pétrolières, l’aide proposée par les puissances exploitantes sous le couvert d’une fausse main tendue vise à subordonner davantage ces nations déjà des plus endettées, dont les oligarchies industrielles, calquées sur les empires anciens, se partagent et exploitent les ressources humaines impliquées de la même manière que les ressources naturelles qu’ils vont y chercher, jusqu’à l’épuisement, ce qui ne favorise en rien la prise en main ou le droit de disposer d’un peuple, que ça soit sur le plan alimentaire, économique ou culturel.
La déclaration d’indépendance du premier de janvier de l’an 1804 de Jean-Jacques Dessalines fut une première tout à fait révolutionnaire: elle donna naissance à cette première république d’esclaves affranchis arrachée à l’empire napoléonien qui y puisait son sucre et son indigo. À cette époque, battre, violer ou tuer un esclave était tout à fait banal ou sans conséquences pour un européen. Alors, Quand Dessalines ordonna l’exécution des français ou des blancs demeurant encore en Haïti, ceci suscita une vive réaction d’indignation des couronnes européennes et d’un pays esclavagiste voisin, les États-Unis.
Haïti est un pays marquée au fer rouge du catholicisme et par une succession de coups d’état en commençant par Dessalines lui-même, qui s’était fait proclamer gouverneur à vie par ses troupes. Il fut assassiné en 1806.
L’emprise de la couronne française sur cette nouvelle république d’Haïti ne cessa pas pour autant. En 1825, le roi Charles X réclamait par ordonnance 150 millions de francs or, exigés sous la menace d’invasion, somme ramenée à 90 millions de francs en 1835. Cette rançon prélevée par la France fut éteinte ou acquittée en 1972, selon certains.
À la fin du XIXe siècle, Haïti avait été progressivement recolonisé par une classe marchande, notamment des allemands; des français et des américains. Passés eux-mêmes de l’esclavagisme aux lois Jim Crow, les américains envahissent Haïti en 1915 sous le faux prétexte que le pays était dans un état d’insurrection permanente. Les américains voyaient surtout la présence allemande à Haïti comme une menace potentielle à leur hégémonie dans la région.
De toutes manières, ce n’est quand même pas un secret qu’Haïti est sous la domination américaine depuis bien avant la succession de papa et de bébé doc Duvalier, ces derniers, appuyés par les milices macoutes, veillèrent à instaurer un semblant d’ordre acceptable aux puissances occidentales avant et après la révolution cubaine.
On l’a vu très clairement dernièrement, l’aide américaine s’est rapidement imposée face aux autres pays soudainement aidants avec le récent tremblement de terre, ils y ont probablement flairé des nouvelles occasions d’affaires.
Par ailleurs, le scientologiste John Travolta est arrivé à l’aéroport de Port-au-Prince mardi de la semaine passée, l’avion qu’il possède et qu’il pilotait était chargé de médicaments, de nourriture et des ministres volontaires reconnaissables à leurs maillots jaunes, qui ont une façon très particulière de prodiguer des soins de santé avec leur méthode de guérison dite du «toucher», ce qui illustre abondamment que la misère et les désastres attirent leur lot d’absurdités.
Ceci dit, le grand-père du président Obama, nommé Hussein Onyango Obama, vaut la peine qu’on s’y attarde quelque peu. On dit du kényan Hussein Onyango Obama qu’aux alentours de 1910, il avait été un des premiers habitants de la baie de Kendu à venir en contact avec des anglais. Dès lors, on dit de lui qu’il adopta un mode de vie anglais avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de cette langue, en portant des vêtements européens et en ayant un souci particulier, même exceptionnel, pour son hygiène. Contrairement aux vœux de ses frères et de son père qui finit par le désavouer, il se met au service des anglais, chargé de corvées dans certaines opérations militaires au Kenya et en Tanganyika pendant la première guerre mondiale. Ensuite cuisinier et domestique pour des patrons britanniques, pendant la deuxième guerre mondiale, il avait été au service d’un officier britannique à divers endroits, de la Birmanie à l’Europe.
Pendant les années 1950, Hussein Onyango Obama est fait prisonnier six mois suite à une dénonciation pour avoir eu des liens avec le mouvement nationaliste kényan, accusation pour laquelle il fut éventuellement innocenté. Il aurait été torturé lors de cette incarcération.
Lourd héritage à refouler que tout ça pour un serviteur zélé de l’empire américain.
Daniel Sénéchal
Montréal


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