Collusion et corruption - D’abord rembourser

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Mission impossible. L'argent a déjà disparu, dépensé ou redistribué. Tout remboursement acculerait les entreprises à la faillite

La pression se fait de plus en plus forte sur le gouvernement Marois pour qu’il entreprenne de récupérer l’argent de la collusion dans les contrats publics de construction. L’exercice est aussi essentiel qu’il sera délicat. D’une part, il faut imposer des standards moraux aux entreprises fautives sans, d’autre part, mettre en péril leur survie et par là même les emplois de plusieurs centaines d’ingénieurs, techniciens et ouvriers.
Un cri du coeur a été lancé plus tôt cette semaine par des employés de Dessau, cette firme d’ingénieurs qui régnait en maître sur la ville de Laval. Devant la commission Charbonneau, elle a avoué ses fautes pour ensuite entreprendre un ménage au sein de sa haute direction. Les frères Sauriol, qui la dirigeaient, ont démissionné dans l’espoir d’obtenir un blanc-seing de la part de l’Autorité des marchés financiers et de pouvoir remporter de nouveau des contrats publics. Ce fut peine perdue. Il lui faut poursuivre plus à fond son ménage, ce qui la laisse pour plusieurs mois avec un carnet de commandes presque vide et des employés qui craignent de tout perdre.
Le gouvernement Marois a refusé de se soumettre à ce qui a été reçu comme un chantage émotif. Ses priorités sont autres que de sauver les victimes collatérales du scandale de la collusion. À ses yeux, l’urgence consiste à restaurer la confiance du public dans les institutions et celle des acteurs économiques dans un système d’attribution de contrats reposant sur une réelle libre concurrence, ainsi que la réputation du Québec à l’étranger. Pour cela, il n’a qu’un seul message : tolérance zéro.
L’appel à l’aide des employés de Dessau ne peut être totalement ignoré. Le secteur de la construction constitue un écosystème qu’il faut protéger. Il est de l’intérêt même de la société québécoise de préserver sa vitalité. Au fil des dernières décennies s’est développée une expertise autour d’entreprises et de firmes de génie-conseil qui ont engendré une activité économique importante avec des milliers d’emplois ici et à l’étranger.
Certaines, comme SNC-Lavalin, Dessau, Cima +, SM, sont des entreprises phares qu’on ne peut laisser aller. On ne peut les laisser faillir. Comme on le dit à propos des grandes banques, certaines sont « too big to fail », ce qui ne doit pas signifier que l’État doive les sauver à n’importe quel prix et n’importe quel compromis.
La responsabilité première de maintenir cet écosystème revient aux entreprises elles-mêmes. D’abord en faisant un ménage sans attendre que la police vienne le faire à leur place en arrêtant des dirigeants fautifs. Elles doivent revoir leurs règles de gouvernance. Surtout, elles doivent accepter la responsabilité de leurs actes et remettre à l’État les sommes spoliées, ou tout au moins l’enrichissement qui leur en est resté. Sans cela, on ne pourrait leur apporter le soutien dont certaines auront besoin pour se réorganiser juridiquement et financièrement. Les contribuables québécois ne permettraient pas qu’il en soit autrement.
Très ferme sur les principes, le gouvernement Marois a semblé se préoccuper peu de l’avenir de ces entreprises jusqu’ici. Plusieurs sont fragilisées, à commencer par le navire amiral qu’est SNC-Lavalin. Il serait temps qu’il dise ce qu’il entend faire. Sera-t-il prêt à considérer une forme d’amnistie conditionnelle qui passerait en premier lieu par un remboursement des surprofits réalisés grâce à la collusion ? On sait qu’il s’agit de plusieurs milliards, possiblement de 30 à 50 milliards sur 15 ans. On ne pourra tout retrouver. L’important n’est toutefois pas là. Il s’agit plutôt d’ouvrir la porte à un contrat social, et éthique, qui soit mutuellement avantageux aux entreprises et aux contribuables pour assurer la survie du secteur du génie-conseil et de la construction.


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