Climat toxique au parlement

Les foulards blancs réclament encore une commission d'enquête. Jean Charest de plus en plus exaspéré.

Enquête publique - un PM complice?


Québec — L'opposition péquiste, Québec solidaire et deux députés indépendants ont uni leurs voix hier matin devant le parlement pour demander une énième fois la mise sur pied d'une commission d'enquête publique sur la construction et le financement des partis politiques. L'Action démocratique a refusé de se joindre à eux, disant «refuser de jouer dans le film de Pauline Marois».
Peu avant 10h, la chef péquiste, flanquée à sa droite d'Éric Caire et à sa gauche d'Amir Khadir, a déclaré: «Nous mettons de côté nos différences idéologiques. Nous prenons tous place devant la maison du peuple québécois parce que la situation que vit le Québec est actuellement sans précédent.»
Les élus présents portaient un bout de tissu blanc au cou pour marquer leur combat: «C'est un signal qu'on veut avoir la lumière. Le blanc, c'est la lumière, c'est la clarté, c'est la pureté, a expliqué Mme Marois. C'est le souhait qu'on puisse voir clair à travers toutes les allégations qui sont faites actuellement.» Ils ont évoqué une motion qui sera déposée et débattue la semaine prochaine en Chambre et qui réclamera une fois de plus une commission d'enquête publique sur «l'ensemble des allégations liées à l'industrie de la construction, l'octroi de contrats gouvernementaux ainsi que sur le financement des partis politiques».
Les multiples allégations et les liens «de plus en plus troublants entre ces éléments et le financement du parti ministériel» ont créé un climat où l'ensemble des institutions québécoises se trouve «entaché». C'est toute la classe politique qui écope, a-t-elle expliqué, et seule une enquête publique pourrait corriger les choses. «Nous constatons l'inefficacité et le caractère restrictif des mesures de correction mises de l'avant par le gouvernement et nous subissons les conséquences, dans chacune de nos circonscriptions, de la colère, du dégoût et du dépit que suscite la crise actuelle», a déclaré Mme Marois.
Amir Khadir, de Québec solidaire, a soutenu que si M. Charest refusait encore de déclencher une enquête, ce serait la preuve que les grands collecteurs du fonds du parti le contrôlaient. M. Khadir et Mme Marois ont demandé aux députés libéraux de se désolidariser de leur parti et de leur chef: «Je suis persuadé qu'il n'y a pas beaucoup de députés libéraux qui sont à l'aise avec ce qui se passe actuellement. L'atmosphère est devenue très lourde. L'air est vicié au parlement pour tout le monde», a expliqué M. Khadir. Plus tard en Chambre, le Parti québécois a déposé une motion sans préavis dans laquelle il a nommé chacun des députés libéraux d'arrière-ban en les intimant «d'écouter le peuple du Québec et qu'ils exigent du premier ministre et des membres du Conseil des ministres la tenue d'une enquête publique sur l'ensemble des allégations liées à la l'industrie de la construction, à l'octroi des contrats gouvernementaux ainsi que sur le financement des partis politiques». Le gouvernement n'y a évidemment pas consenti. En conférence de presse, l'indépendant Éric Caire a déploré «qu'il y ait une partie de nos collègues qui, encore une fois, se refusent à écouter la population, à faire leur travail, leur travail de représentant».
Bien que d'accord avec une motion qui redemandera une commission d'enquête sur la construction, Gérard Deltell, de l'ADQ, a refusé de participer à la conférence de presse commune hier: «Il n'est pas question de jouer dans le film de Pauline Marois. Pauline Marois a passé la fin de semaine à dire [...] qu'elle était prête à renverser le gouvernement, puis là, elle nous arrive avec cette motion-là.» Lorsqu'on lui a demandé s'il était prêt à appuyer la motion si elle se transformait en motion de censure, M. Deltell a répondu: «On verra. C'est hypothétique pour le moment.»
Acrimonie
La période de questions qui a suivi la conférence des foulards blancs a illustré le climat lourd et délétère évoqué par tous. Avant même qu'elle ne débute, le président Yvon Vallières a réclamé que les députés d'opposition éliminent l'écharpe blanche parce que celle-ci pourrait «porter atteinte au décorum», a-t-il expliqué. Après une querelle de procédure, les foulards ont disparu.
Pauline Marois a accusé Jean Charest «de ne pas répondre à la population du Québec, de peur que des faits soient exposés au grand jour», ajoutant que «le premier ministre ne veut pas connaître la vérité et la dire, surtout aux Québécoises et aux Québécois».
Jean Charest a répondu que pour accuser, il fallait des faits. «Alors, quand le gouvernement lance une opération comme l'opération Marteau, l'objectif, c'est de faire exactement ça. [...] On a voté des lois, on a resserré les règles d'attribution des contrats, puis on a posé des gestes très concrets» pour cette raison, a-t-il expliqué.
Plus tard, Jean Charest a paru excessivement exaspéré par l'opposition. À une question de Louise Beaudoin, qui tentait de savoir pourquoi l'adoption du projet de loi 94 sur les accommodations raisonnables avait été reportée, il a répondu en attaquant cette dernière et le PQ sur un autre front. Il l'a accusé de vouloir ressusciter «à la première occasion» un projet de loi de 2007 «qui faisait deux catégories de citoyens au Québec», leur reprochant de «faire de la ségrégation au Québec». Devant l'insistance du leader péquiste Stéphane Bédard, qui prenait les journalistes à témoin, M. Charest a répondu avec une moquerie sur le physique de son adversaire: «On est habitués de le voir, avec sa tête de "slinky"... regarder la Tribune de la presse à tous les jours!» M. Bédard a réclamé des excuses. M. Charest a finalement retiré ses propos devant l'insistance du président Vallières.


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