CHUM: Un danseur dans un couloir

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À qui Christian Paire sert-il de paravent pour que La Presse se porte ainsi à son secours ? Poser la question, c'est y répondre

C'est souvent en juxtaposant des nouvelles qu'on révèle l'existence de troublants paradoxes. Lundi, l'ancien directeur général du CUSM, le grand hôpital universitaire de McGill, a été arrêté au Panama, à la demande des autorités canadiennes qui l'accusent d'avoir accepté des millions en pots-de-vin de SNC-Lavalin. Il a en outre laissé l'hôpital qu'il dirigeait dans un état de grave délabrement.
Première juxtaposition. La semaine dernière, on apprenait que l'Assemblée nationale, dans une motion unanime, convoquait Christian Paire, le DG de l'autre grand hôpital universitaire montréalais, le CHUM, à comparaître devant la commission de la santé et des services sociaux. A-t-il touché des pots-de-vin lui aussi? Non. Son hôpital est-il à la dérive? Non, il ne fait pas de déficit.
Les parlementaires, à la suggestion de la CAQ, veulent le questionner sur d'autres crimes. Avoir fait passer le nombre de cadres de 335 à 359 entre 2007 et 2013, et augmenté de 16 000 heures le travail administratif cette année - ce qui donne 10 personnes. On lui reproche aussi son gros salaire, plus de 400 000$.
Je ne cherche pas à défendre M. Paire. Mais je cherche à comprendre. Sans être un spécialiste de la gestion hospitalière, j'ai du mal à m'indigner d'un gros salaire pour un gros poste. Et je ne me scandalise pas d'une hausse de 24 cadres, soit 7%, pour un hôpital qui se lance, semble-t-il avec succès, dans un projet colossal qui le force à repenser ses façons de faire.
Difficile de ne pas subodorer une chasse aux sorcières dont je ne connais pas l'origine. Des jaloux du CUSM? Une façon d'embarrasser Philippe Couillard qui l'a nommé? La mafia du ministère, irritée de ses critiques ouvertes du financement hospitalier? Mais il est clair que le fait qu'on ait confié ce poste à un Français y est pour quelque chose.
«Ce n'est pas parce qu'on vient d'un autre pays qu'on n'est pas supposé connaître la loi (la loi 100 sur le déficit budgétaire)», a lancé la députée caquiste Hélène Daneault, ajoutant qu'il «y a parfois des danseurs dans les couloirs qui empêchent les brancardiers de circuler librement», ce qui suggère qu'on lui reproche aussi l'intégration des arts à la vie hospitalière.
Deuxième juxtaposition. Pendant qu'on attendait M. Paire de pied ferme à Québec, on découvrait que le dossier électronique continue de piétiner. «Bonne nouvelle! clamait lundi un communiqué du ministère de la Santé. Le Dossier santé Québec s'implante progressivement partout au Québec». Mais il y a une autre façon de dire la même chose.
Après quatre projets-pilotes - Québec, Estrie, Lanaudière, Montréal - qui sont tous plus ou moins au stade du balbutiement, on étendra le balbutiement à l'ensemble du Québec. Car la lenteur de l'implantation est stupéfiante. À Montréal, après plus d'un an, on a relié un GMF sur 75, 0 clinique réseau sur une quarantaine, 0 urgence, 0 CLSC, 9 laboratoires sur 20, 8 imageries sur 28. Le seul truc qui marche, ce sont les pharmacies, 137 sur 434. Parce qu'elles sont privées et donc déjà informatisées. Et pourtant, le DSQ ne comprend que trois éléments, les tests de laboratoire, l'imagerie médicale et les médicaments. On est à des années-lumière d'un vrai dossier électronique.
Troisième juxtaposition. Le Conference Board publiait justement la semaine dernière une analyse comparative des régimes provinciaux de santé. Avec un B, le Québec est dans la moyenne. Mais il obtient un D pour l'utilisation d'un dossier électronique, en queue de peloton, très en retard sur le Canada, qui est lui-même en retard sur le reste de l'Occident. Voilà un vrai sujet de commission parlementaire. Mais on aime mieux parler d'un gros salaire ou d'un danseur dans un couloir.


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