CHUM - C'est à l'État de payer

CHUM

Le choix de l'humoriste Yvon Deschamps pour représenter le CHUM dans ses démarches de sollicitation auprès du public a suscité le sarcasme de certains commentateurs. Pourtant, l'erreur, ce n'est pas de faire appel à l'un des personnages les plus respectés des Québécois, mais de croire que des compagnies privées qui cherchent à payer le moins d'impôts possible vont sauter de joie à l'idée de verser 400 millions de dollars pour construire un hôpital appartenant à des intérêts privés.
Le CHUM fait encore parler de lui. Pour cause, puisque l'Agence des PPP n'a toujours pas choisi le consortium qui doit construire le bâtiment et l'administrer pendant 30 ans. Aux dernières nouvelles, aucun des consortiums en lice ne serait même capable de financer le projet. Pour que le PPP aboutisse, il faudrait donc que Québec garantisse une partie importante de la dette et, ce faisant, qu'il augmente la sienne d'autant. Si cette avenue est retenue, l'idée de construire en PPP deviendra beaucoup moins intéressante pour les contribuables, qui devront supporter le risque hypothécaire d'un complexe dont ils ne seront que locataires.
Ce revirement de situation était prévisible: il faisait partie des risques inhérents à la formule. En temps de crise, aucune entreprise privée n'a les reins assez solides pour emprunter à long terme sans garantie de l'État. Et même avec cette assurance, le consortium devra payer un taux d'intérêt supérieur, qui sera refilé aux contribuables à travers le loyer.
Jusqu'à ce jour, l'Agence des PPP a toujours soutenu qu'il serait plus avantageux de construire en PPP, mais jamais elle n'a fourni les données qui permettraient de le vérifier. Faute de transparence, la crédibilité de cet organisme public est nulle.
Parce que la préparation d'un projet en PPP demande deux années de plus qu'en mode traditionnel, la construction du CHUM tarde à débuter. Mais il y a autre chose: l'exigence posée par Québec de trouver 200 millions dans le secteur privé pour chacun des CHU menace la réalisation du projet.
Pour certains commentateurs encore frustrés par la décision de construire le CHUM au centre-ville et non à Outremont, c'est le manque de vision qui rend les hommes d'affaires réfractaires à l'idée de contribuer généreusement à la construction du CHUM. Si tel est le cas, ces fameux donateurs manquent sérieusement de jugement. D'abord parce que le déménagement du CHUM aurait créé un vide impossible à combler avant des décennies au centre-ville; ensuite, parce que l'arrivée du CHUM à la gare de triage d'Outremont aurait exigé des travaux gigantesques et le déménagement inutile de plusieurs pavillons de l'Université de Montréal, au coût d'un demi-milliard ou probablement davantage. Sans compter les dizaines de millions qu'il aurait aussi fallu investir à Notre-Dame pour desservir, seul, tout le secteur sud de Montréal.
Après le scandale immobilier de l'UQAM et le constat fait par l'Université de Montréal de son incapacité financière de seulement rénover ce qu'elle possède déjà (voir le texte du professeur Jean-Claude Marsan, ci-contre), il faut être aveugle et un brin hystérique pour continuer à défendre le projet d'une pseudomégapole de la santé à Outremont.
Si les entreprises de Montréal sont réfractaires à un financement volontaire du CHUM, c'est que cet hôpital n'appartiendra pas à la communauté, mais à un consortium privé. Mais c'est surtout qu'elles ont toujours répugné à contribuer, à la hauteur de leurs capacités, au financement des services publics. Dès le départ, l'idée de financer une aussi grande partie des deux Centres hospitaliers universitaires par des dons privés était mauvaise. Les Américains ont peut-être une longue tradition en matière de mécénat, eux qui paient peu d'impôts, mais chez nous, c'est à l'État que nous demandons de répartir les coûts des services publics de façon équitable, incluant les entreprises.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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