CHUM (2): Les coupables

CHUM


Dans le [livre qu'ils consacrent au fiasco du CHUM (1)->31514], Robert Lacroix et Robert Maheu sont trop indulgents envers le premier ministre Charest. Même si ce dernier était un enthousiaste partisan du site Outremont, suggèrent-ils, il ne pouvait résister à la fronde organisée par son ministre Philippe Couillard, qui militait sans relâche en faveur du site Saint-Luc et menaçait de démissionner.
Allons donc! Même quand sa cote de popularité est basse, un premier ministre a des pouvoirs énormes. Il a la main haute sur la nomination des ministres et sur tout l'appareil gouvernemental et il doit être capable de faire prévaloir son autorité sur des enjeux majeurs.
La démission de M. Couillard aurait fait les manchettes pendant quelques jours, puis son départ aurait été oublié aussi vite que la rétrogradation du vieux routier qu'était Pierre Paradis, dont les commentateurs ont discuté ad nauséam pendant deux ou trois semaines... avant de passer à autre chose.
Ce qui a manqué à Jean Charest, ce n'est pas la popularité. C'est ce petit ingrédient qui fait les vrais leaders et qui s'appelle le courage politique.
La lâcheté dont a fait preuve M. Charest, dans ce dossier, est encore plus frappante à la lumière des révélations de MM. Lacroix et Maheu, car en fait, le premier ministre était au départ encore plus engagé dans ce projet qu'on ne le croyait à l'époque.
M. Charest avait même dit au recteur Lacroix que c'était là «le plus beau projet qu'il avait reçu en plus de 20 ans de carrière politique?, et que «sa réalisation était dans le plus grand intérêt de Montréal et du Québec». En février 2005, alors que la cabale montée par le MSSS et la gogauche qui voulait un hôpital «près du vrai monde» (sic) commençait à faire effet, M. Charest espérait encore que le rapport positif de Guy St-Pierre et Armand Couture, les experts les plus crédibles du Québec en matière de grands travaux, réussirait à convaincre le ministre Couillard. Il avait même planifié une conférence de presse conjointe pour annoncer le choix du site Outremont.
La fronde se poursuivant, M. Charest disparut de la circulation. Quand s'ouvrit la commission parlementaire, le premier ministre participait à une conférence sur le fédéralisme à Bruxelles...
Cette commission, entièrement contrôlée par M. Couillard et la péquiste Louise Harel, farouche partisane du site Saint-Luc, exclut les groupes «dissidents» (médecins du CHUM, chercheurs en biopharmaceutique, etc.), et procéda à la démolition des témoignages favorables au site Outremont, même quand ils venaient des meilleurs experts et de la plus grande institution de recherche et d'enseignement du Québec. Le MSSS avait installé, dans un local jouxtant la salle d'audience, un «war room» où officiait une firme privée de relations publiques qui s'activait à manipuler les reporters.
Compte tenu de la démission du premier ministre, l'autre acteur majeur qui aurait pu faire dévier le cours des choses était le maire de Montréal. Mais Gérald Tremblay, bien que sympathique (en privé) au projet de l'université, est resté coi... pour finir par déclarer que la décision relevait du gouvernement du Québec! Bel exemple de lâcheté, de la part d'un édile qui prétendait faire de Montréal «une ville de savoir»!
Ce livre instructif retrace opportunément les manigances d'autres acteurs, comme l'ancien premier ministre Daniel Johnson, qui produisit un rapport honteusement biaisé en excluant délibérément des éléments déterminants, David Levine de l'Agence régionale du MSSS, habile manipulateur de coulisses, son prédécesseur Marcel Villeneuve, etc. Cet enterrement eut plusieurs parrains...
(1) Le CHUM, une tragédie québécoise, Boréal.


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