Christian Dufour est une personnalité singulière de notre paysage intellectuel.
Depuis la fin des années 1980, dans plusieurs ouvrages marquants, parmi lesquels on trouve Le défi québécois (1989), il a développé une pensée politique originale, qui s’appuie sur sa lecture de l’histoire du Québec aussi intéressante que contestable. Refusant de se laisser étiqueter souverainiste ou fédéraliste, il se veut résolument nationaliste et attaché à un pouvoir québécois, essentiel au maintien du fait français en Amérique.
Dans Le pouvoir québécois menacé : non à la proportionnelle, son nouveau livre, il revient sur les grands thèmes qui ont marqué son parcours intellectuel.
Pouvoir
Mais surtout, il reprend de manière frontale un combat qu’il a mené dans les médias depuis une quinzaine d’années : celui contre la réforme du mode de scrutin. Plus exactement, Christian Dufour s’oppose à la proportionnelle, dans laquelle il voit une tentation chimérique, qui pourrait coûter très cher au peuple québécois.
Ceux pour qui la réforme du mode de scrutin va de soi devraient le lire. Ils pourraient en sortir secoués.
Au cœur de son argument, on trouve l’idée que le mode de scrutin actuel favorise la majorité historique francophone et confirme son contrôle sur la vie politique.
Ceux qui regardent cette préoccupation de haut, comme si elle était désuète ou indigne, font preuve d’un snobisme théorique qui se retourne contre leur peuple. Faut-il rappeler la situation géopolitique très particulière du peuple québécois en Amérique du Nord ? Christian Dufour se fait ainsi le promoteur d’un réalisme stratégique plus que bienvenu.
Christian Dufour nous invite à considérer que notre mode de scrutin nous a bien servis et pourrait globalement nous servir encore. Même s’il est d’origine britannique, les Québécois se le sont approprié pour exprimer leur volonté collective, et sont parvenus à progresser en en faisant un bon outil à leur service.
Les Québécois le connaissent spontanément et savent comment l’utiliser. Ils l’ont confirmé en revenant aux dernières élections au bipartisme, pour congédier le gouvernement libéral antinationaliste de Philippe Couillard.
Plus encore, le mode de scrutin permet la formation d’un pouvoir politique fort, indispensable au maintien d’une petite nation francophone comme la nôtre en Amérique. Inversement, au nom de la représentation de toutes les nuances idéologiques qui composent une société, on peut en venir à la fragmenter à un point tel qu’elle deviendra politiquement impuissante. Les petits partis enfermés dans leur système idéologique rigide sont moins portés au compromis que les partis-coalitions. L’exemple de Québec solidaire est là pour nous en convaincre.
Legault
La démocratie ne doit pas se retourner contre la capacité de décision collective d’un peuple. Au terme de son ouvrage, Christian Dufour interpelle le premier ministre. « François Legault voudra-t-il que son nom reste dans l’histoire du Québec comme celui du premier ministre qui aurait infligé à la majorité francophone une deuxième réforme de nature constitutionnelle diminuant son poids politique, après la Constitution que Pierre Elliot Trudeau a imposée à cette même majorité en 1982 ? »
François Legault pourrait bien ne pas être insensible à cet argument.