Choisir de vivre ensemble

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»

Choisir de vivre ensemble. Voilà la décision collective que les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor nous encouragent à prendre pour l'avenir du Québec. Le premier ministre Jean Charest soulignait que leur rapport diffère de ceux auxquels les politiques sont habitués. Concilier profondeur, courage et pondération n'appartient pas à tous. L'intelligence avec laquelle ils s'adressent aux citoyens du Québec démontre un profond respect des valeurs démocratiques.
En ce sens, la pierre angulaire du rapport est constituée, me semble-t-il, par le chapitre IX qui aborde la délicate question des inquiétudes identitaires. Cette dimension psychosociale, par trop souvent occultée, reçoit ici l'importance qu'elle mérite sans que soient négligés les autres aspects sociaux, économiques ou politiques auxquels nous sommes davantage sensibilisés.
Insécurité
Les auteurs nous proposent de transcender les concepts d'identités ethniques et civiques en tenant des composantes symboliques et émotionnelles qui imprègnent la réalité des relations interculturelles. Appeler toutes les communautés à reconnaître les craintes qui les habitent pour s'affranchir de la peur de l'autre et dépasser le doute de soi fait preuve d'un courage peu commun.
Ce qui est différent nous insécurise. Nous le constatons bien quand nous voyageons dans des pays dont la culture diffère totalement de la nôtre. Le choc culturel éveille en nous un malaise provoqué par l'absence de références connues. Cette perte de points d'ancrage ne nous renvoie-t-elle pas à notre insécurité fondamentale, et toute personnelle, qui est habituellement masquée par la tranquillité d'esprit que nous apporte le fonctionnement routinier dans un monde familier depuis l'enfance?
Poids des inquiétudes
Nous acceptons volontiers les différences ethnoculturelles pour autant qu'elles ne remettent pas en question ce que nous sommes, et plus particulièrement les piliers culturels sur lesquels s'appuie notre sécurité. Ces non-dits dans les relations interculturelles sont préoccupants parce qu'ils recouvrent des besoins et des attentes plus ou moins conscients risquant de nous éloigner des principes démocratiques que nous chérissons.
À juste titre, les commissaires Bouchard et Taylor ont souligné le poids des inquiétudes identitaires et la possible dérive des solitudes communautaires. Comme la raison, les émotions et les croyances entrent en jeu pour brouiller les pistes d'une réflexion et d'une action pouvant mener à un certain consensus, ils ont élevé le débat au-dessus de mesquines considérations politiques en attirant notre attention sur les dimensions symboliques et émotionnelles qui touchent toute construction identitaire. Au-delà des différences de toutes sortes, ne nous rejoignons-nous pas en tant qu'êtres humains?
Confrontés à une problématique sociale et culturelle, nous sommes souvent portés à chercher des solutions rationnelles à une dynamique foncièrement émotionnelle. Le coeur ayant ses raisons que la raison ignore, parions que l'ouverture d'un tel chantier nous amènerait à faire des découvertes qui nous rapprocheraient. Pour mieux vivre ensemble, pourquoi ne pas choisir de tenter l'aventure? Merci Messieurs Bouchard et Taylor, pour votre clairvoyance.
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Yves Brissette, Montréal


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