BIBLIOTHÈQUES SCOLAIRES

Charge à fond de train contre Yves Bolduc

«Irresponsable» et «incompétent»: les critiques fusent de toutes parts

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Y a-t-il vraiment trop de livres dans nos écoles?

Le ministre de l’Éducation Yves Bolduc a été attaqué sur tous les fronts après avoir déclaré au Devoir que les bibliothèques scolaires étaient assez garnies et qu’il ne voyait aucun problème à ce que les commissions scolaires coupent dans l’achat de livres. Il a été traité « d’irresponsable », « d’incompétent » et « d’ignorant » sur plusieurs tribunes.

Les critiques sont venues tant du monde de l’éducation, du marché du livre que des partis d’opposition. Même le premier ministre Philippe Couillard l’a contredit, donnant ainsi au Parti québécois (PQ) des munitions pour suggérer au ministre Bolduc de démissionner.

« Depuis le début de l’été, depuis l’histoire des primes, on juge que la crédibilité du ministre et ses manquements de jugement font en sorte que la seule solution qui reste est de démissionner, a affirmé Véronique Hivon, la porte-parole du PQ en matière d’éducation supérieure. Pour un ministre de l’Éducation, ses déclarations dépassent l’entendement. Il remet en cause la valorisation du livre, de la lecture, du savoir. Or, il devrait en être le défenseur. »

La Coalition avenir Québec remet aussi en question les compétences du ministre Bolduc, qui avait pourtant promis de ne pas toucher aux services aux élèves. « Le ministre s’est posé en défenseur de l’autonomie des commissions scolaires, mais il a fait preuve d’irresponsabilité en agissant comme tel », a indiqué Jean-François Roberge, le porte-parole de la CAQ en matière d’éducation.

Québec solidaire trouve aussi que le discours du ministre est « hallucinant »,alors que le livre doit être au coeur du projet éducatif. « Suggérer de ne plus en acheter est une ineptie en plus d’une méconnaissance de la réalité de nos écoles. »

Le PM corrige le tir

Le premier ministre Philippe Couillard a tenté de corriger le tir en contredisant son ministre, qui trouvait que l’achat de nouveaux livres n’était pas essentiel. « C’est vrai que les commissions scolaires doivent faire leurs choix. Mais entre nous, je pense qu’il y a d’autres choix à faire. […] L’important, c’est qu’il y ait de nouveaux livres disponibles », a-t-il noté en insistant pour dire que « la base de notre éducation est la qualité de notre langue, qui s’obtient notamment par la lecture ».

À travers le tourbillon de critiques,le ministre Bolduc a nuancé ses propos, vendredi après-midi, en précisant qu’il n’y « a jamais assez de livres » dans les bibliothèques. Mais dans un contexte budgétaire difficile, il continue de marteler que les commissions scolaires auront des choix difficiles à faire.

Cette rectification est loin de faire taire le milieu de l’éducation, outré et scandalisé que le ministre ait pu « déconsidérer la lecture en milieu scolaire ». « Le ministre trouve de l’argent pour les tableaux blancs interactifs [TBI], mais décrète que les écoles ont assez de livres ! », s’est indignée Nathalie Morel, vice-présidente à la vie professionnelle de la Fédération autonome de l’enseignement.La Centrale syndicale du Québec (CSQ) et ses fédérations trouvent aussi que le ministre Bolduc est « déconnecté de la réalité du milieu et manque de vision ». Elles lui demandent de se rétracter et d’exiger des commissions scolaires de ne pas couper dans les budgets des livres.Elles suggèrent par le fait même de relire le Plan d’action sur la lecture à l’école mis sur pied en 2005.

Longue disette

Dans ce plan, le gouvernement s’était engagé à investir 16 $ par élève dans l’achat de livres, soit 9 $ provenant de Québec et 7 $ des commissions scolaires. Cette mesure visait à rattraper le retard des bibliothèques scolaires victimes d’un sous-financement criant depuis les années 1990. En 1998, par exemple, les bibliothèques scolaires recevaient environ 5 $ par élève, alors qu’en 2003, ce n’était plus que 3,75 $. De plus, le Québec ne comptait que 21 bibliothécaires dans 72 commissions scolaires en 2006.

Il aura fallu attendre jusqu’à 2008 pour que la vapeur soit renversée. Bien que l’on compte maintenant une centaine de bibliothécaires qualifiés dans les écoles, une quinzaine de commissions scolaires n’en avaient toujours pas en 2013, selon une enquête de la FPPE-CSQ.

La table de concertation du livre, qui regroupe plusieurs organisations de libraires, d’éditeurs, de distributeurs et d’auteurs, réclame donc au ministre de l’Éducation de rétablir le financement dédié pour l’achat de livres pour permettre aux bibliothèques scolaires de continuer de se renflouer et d’assurer la survie de toute la chaîne du livre. Elle rappelle au ministre Bolduc que ses propos envoient un « message dévastateur » aux élèves, à leurs parents et à tous ceux qui luttent pour faire de la lecture un outil de réussite scolaire.

L’Association pour la promotion des services documentaires scolaires abonde dans le même sens en demandant à Québec de maintenir les subventions, voire de les bonifier. Elle signale au passage que les incitatifs à la lecture permettent aussi de lutter contre le décrochage scolaire et l’analphabétisme.

Selon la Fondation pour l’alphabétisation, 49 % des Québécois âgés de 16 à 65 ans ont des difficultés de lecture. Alors, lorsque le ministre dit « qu’il n’y a pas un enfant qui va mourir de ça et qui va s’empêcher de lire, parce qu’il existe déjà des livres [dans les bibliothèques] », l’Association des écrivains pour la jeunesse lui répond : « Aucun enfant ne va mourir, bien heureux, mais tous les enfants seront privés d’une essentielle nourriture de l’esprit. »


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