Un commentaire laissé par L’engagé à la suite de l’article de Richard Le Hir paru sur cette tribune le 26 juin 2011 sous le titre « Échec d’un projet ou échec d’une génération? », m’a ramené plusieurs années en arrière! En voici d’abord un extrait :
« Le problème, c’est que les péquistes et les bloquistes ont été des « léninistes de l’indépendance » et ils ont cru qu’il était possible de faire l’indépendance en se dispensant d’une didactique, d’une transmission articulée, cohérente pour le peuple, ils ont fait l’impasse sur la nécessité d’expliquer l’impasse d’une manière populaire…L’échec de votre génération n’est pas tant dans le discours lui-même que dans le manque de persistance du travail didactique. »
J’étais en quatrième année de mes études primaires. J’avais à peine dix ans! Cette journée-là, notre professeur, un très grand monsieur, surmonté d’une toute petite tête, nous avait initiés à la proposition subordonnée. Aussitôt arrivé à la maison, emballé par mes nouvelles connaissances, je fis part à ma mère que nous avions appris, dans la journée, la notion de proposition subordonnée. Spontanément, elle me demanda alors en quoi consistait cette nouvelle notion. Bouche bée, je ne sus quoi répondre.
Beaucoup plus tard, lorsqu’à mon tour, je devins enseignant, je fus placé devant le même dilemme. Puis, l’expérience aidant, je me suis mis à réfléchir sur ces concepts et à les enseigner à mes élèves dans un esprit de «compréhension». C’est ainsi que la «subordonnée» devint une phrase dépendante, au même titre que mes élèves l’étaient, soient dépendants de leurs parents, tout au moins financièrement. Dans des termes semblables, je leur expliquai la notion de la proposition indépendante. Dès lors, je vis peu à peu des yeux s’agrandir et je sentis des oreilles plus attentives parce que les élèves se mirent à «comprendre» les concepts dont je leur parlais.
L’importance accordée par L’engagé à la « didactique » de l’indépendance rejoint celle que j’ai expérimentée avec mes élèves. Et, si je pousse plus loin ma réflexion, cette didactique jette toute la lumière sur la différence entre « apprendre » et « comprendre », une nuance fondamentale que les tenants de l’indépendance auraient sûrement avantage à exploiter!
En réalité, peut-être que si nous adoptions une telle approche didactique concernant le concept de l’indépendance, verrions-nous « peu à peu des yeux s’agrandir » et sentirions-nous « des oreilles plus attentives » parce que nos auditeurs se mettraient à « comprendre » le concept dont nous leur parlons!
Henri Marineau
Québec
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5 commentaires
Stéphane Sauvé Répondre
29 juin 2011Merci Monsieur Marineau, tout à fait d'accord avec vous et avec les commentaires qui vous ont été transmis, en particulier celui de L. Bertrand qui écrit:
"Ce ne sera qu’en mettant en commun les moyens (financement, militants, structure d’action politique, formation, médias de masse, etc.) que nous parviendrons à repartir le train vers l’indépendance."
De fait, et je continuerai de marteler ce clou jusqu'à ce qu'il entre, il est impératif que les forces souverainistes se donnent les moyens de connaitre et arrimer leurs offres et leurs besoins. Pour ce faire, nous avons besoin de ce portail central qui nous permette de se réseauter virtuellement et sur le terrain. CAP sur l'indépendance, est une bonne porte d'entrée.
Luc Bertrand Répondre
28 juin 2011Votre approche, monsieur Marineau, est logique et très séduisante, mais, malheureusement, faire la promotion de l'idée d'indépendance auprès des Québécois est considérablement plus difficile que d'expliquer concrètement un concept abstrait aux élèves de sa classe par un enseignant. Ce n'est pas pour rien que, après des débuts prometteurs dans les années 1960-1970, les appuis à l'indépendance n'ont augmenté que très lentement depuis le référendum de 1980.
La promotion de l'indépendance du Québec constitue un processus où, contrairement au travail de l'enseignant, les pédagogues ne contrôlent pas ou très peu les intrants.
Dans tout processus, il y a cinq intrants: le personnel, les matériaux, les outils, l'environnement et les procédures. Dans votre exemple, vous possédez manifestement les qualifications nécessaires à votre emploi d'enseignant et vos élèves disposent ou devraient disposer des connaissances et aptitudes minimales nécessaires pour comprendre vos explications (facteur personnel). La matière enseignée (facteur matériel, ici un service plutôt qu'un bien tangible) est très bien documentée et les auteurs des ouvrages scolaires suivent l'évolution du sujet (le français ou la grammaire). Le MEQ et votre commission scolaire (facteur ressources) devraient vous fournir le matériel pédagogique approprié ainsi que le soutien (psychologues, orthopédagogues, etc.) nécessaires à la réussite de vos élèves (bien sûr, il y a eu la réforme de l'enseignement et les coupures que l'on sait dans le domaine de l'éducation). Les outils (séminaires de formation, cours spécialisés, etc.) devraient, en principe, vous être accessibles. Enfin, le milieu de l'éducation, comme tout ce qui touche aux services publics, est passablement bien (trop?) réglementé (facteur procédures). Par contre, je dois sympathiser avec vous pour le facteur environnement, la trop longue culture de nivellement par le bas, le phénomène des "enfants-rois" et les taux de diplomation désastreux ayant toujours discrédité le rôle des enseignants auprès de l'opinion publique.
Lorsqu'on passe à l'idée de l'indépendance du Québec, alors, là, on change complètement de registre. Du point de vue environnement, nous avons à peu près tout contre nous, l'indépendance d'une province comme le Québec étant considéré illégal par les lois et toutes les institutions publiques (politique, droit, etc.), de là tous les moyens que se donne le fédéral et l'establishment économique et financier qui le contrôle pour combattre tout ce qui grouille, grenouille ou scribouille autour de la souveraineté du Québec.
Malgré que le facteur matériel (raisons de faire l'indépendance) nous donne grandement raison, ce sont les moyens (personnel, outils) qui nous font cruellement défaut. Le personnel le plus capable de convaincre les gens et d'établir les preuves objectives pour favoriser notre option (professeurs de science politique, économie, histoire, etc.) sont restreints aux travaux de recherche de leur employeur et leur enseignement est limité à leurs étudiants, quand il n'est pas dissous dans un programme qui ne laisse que très peu de place à la question de l'indépendance du Québec. Les politiciens, on l'a vu, à part de rares exceptions comme Bourgault, Parizeau ou St-André, sont essentiellement préoccupés par leur élection et leur promotion au sein de l'appareil gouvernemental. Nous avons d'excellents auteurs dans différentes publications (revue L'Action nationale, site Vigile.net, Éditions du Québécois, journaux partisans - Le Québécois, L'Aut'Journal, La Presse québécoise du RPS, Le Boucan, etc.), mais la diffusion de leurs textes est limitée aux militants indépendantistes. Quant à la question des procédures, celles-ci ne font pas consensus et leur efficacité est compromise par le contrôle médiatique exercé par les fédéralistes. La difficulté de garantir la loyauté des militants empêche la diffusion de matériel stratégique ou confidentiel en dehors des cercles indépendantistes et même entre organisations indépendantistes. La difficulté d'obtenir du financement empêche la création de moyens de communication de masse et limite considérablement l'envergure des actions prises pour tenter de réveiller la fibre nationaliste des gens ordinaires.
Les seuls moyens de conscientisation qui peuvent passer outre la censure médiatique sont, selon moi, la présence de députés ouvertement indépendantistes non attachés à un parti politique conventionnel (i.e. un parti pratiquant strictement la politique provinciale avec la ligne de parti) - Amir Khadir en est la meilleure illustration -, un regroupement de tous les militants, moyens de communication et de financement dans un organe commun (afin de créer un média national avec une perspective indépendantiste - journal, station de télévision ou de radio - et, le plus rapidement possible, fonder un nouveau parti indépendantiste, fondre ensemble ceux déjà existants sous une nouvelle bannière - celle du PQ étant à toutes fins pratiques détruite - ou, à défaut, un établir un pacte entre les partis existants afin de ne pas diviser le vote indépendantiste) ou des manifestations ponctuelles planifiées et rassembleuses visant à resouder le "vivre-ensemble" de la nation québécoise.
Si le Parti québécois (sous Pauline Marois ou quiconque d'autre) refusait de joindre cette coalition indépendantiste ou cherchait à la récupérer à son compte, tous les dirigeants des organisations indépendantistes devront nécessairement s'asseoir ensemble sans lui pour établir une stratégie commune d'ici la prochaine élection, qu'elle ait lieu cet automne, en 2012 ou en 2013. Ce ne sera qu'en mettant en commun les moyens (financement, militants, structure d'action politique, formation, médias de masse, etc.) que nous parviendrons à repartir le train vers l'indépendance.
Quant au "projet de société" ou de "contrat social", ce sera à la nouvelle constitution québécoise de définir les valeurs et idéaux de la société québécoise libre. Tous devront également comprendre que les politiques publiques, qu'elles soient de gauche, de droite ou de centre, ne pourront être efficaces qu'une fois Ottawa rayé du portrait politique. Il y aura nécessairement un repositionnement ou une redéfinition des partis politiques, de la carte électorale (représentation) et du mode électoral une fois réalisée notre indépendance.
Christian Montmarquette Répondre
27 juin 2011« Le problème, c’est que les péquistes et les bloquistes ont été des « léninistes de l’indépendance » et ils ont cru qu’il était possible de faire l’indépendance en se dispensant d’une didactique, d’une transmission articulée, cohérente pour le peuple..» - HM
Vous reconnaitrez avec moi Monsieur Marineau, qu'après plus de 40 de niaisage cette situation de manque de diffusion d'information et d'éducation politique est de deux choses l'une :
Soit,
Ces indépendantistes sont des parfaits deux de pique, qui n'auront même pas compris en près d'un demi siècle, qu'il faut expliquer au gens quels sont les avantages et les tenants et aboutissants de l'indépendance pour qu'ils l'appuient...
Soit,
Ils n'ont pas éduqué et informer les citoyens sur la question nationale en toute connaissance de cause, parce qu'ils ne tiennent qu'aux votes des indépendantistes et pas du tout à l'indépendance elle-même.
Dans les deux cas, vous conviendrez avec moi que ça fait assez dure merci pour des gens qui se croient capable de créer un pays.
Christian Montmarquette
QS-Montréal
L'engagé Répondre
27 juin 2011Merci,
Vous avez très bien saisi ma pensée et vous l'exprimez justement d'une façon «didactique». L'indépendance est une bonne idée, il n'y a pas de doute là-dessus, mais ce n'est pas une idée aussi facile à comprendre qu'on le prétend.
Et c'est un changement de perspective durable que cet enseignement doit provoquer, changement devant être assez fort pour renverser 250 ans d'une norme sociale qui nous a imposé une vision diminuée de nous-mêmes.
Les indépendantiste acceptent ainsi la vision figées des fédéralistes au lieu de mettre en place une structure pour favoriser l'apprentissage.
Archives de Vigile Répondre
27 juin 2011Le concept de l'indépendance pure dont nous parlons, est la séparation. Séparer le Québec du Canada...sortir le Canada du Québec, rien de plus clair.
Nous pourrions dire à nos jeunes : Pour les raisons x, y et z, le Québec devrait sortir le Canada du Québec pour devenir un pays séparé, autonome et indépendant sans aucune subordination du ROC ni d'aucun autre pays. C'est le programme du PQ et de Québec solidaire, aux dernières nouvelles.