Changement de garde nécessaire au Bloc québécois

2bce96edb0d27528d988528ffcb6b587

« Les membres ont choisi la promotion de l’indépendance, les démissionnaires ont choisi un retour à la formule convenue et éculée de la défense des intérêts du Québec. »

Depuis quelques années, il semble que le Bloc québécois se cherche et hésite entre deux avenues. Bien malin est celui qui sait de quoi demain sera constitué, surtout en politique, mais nous avons déjà vu des partis politiques plus stables que le Bloc. En fait, faut-il le rappeler, la vague orange fut le tournant dans l’histoire récente de ce parti. Le choc fut brutal et ce n’est que maintenant, avec la démission du caucus de 7 députés sur 10, que l’on peut prendre la pleine mesure des événements : le Bloc tourne définitivement la page sur son passé. L’agonie aura duré sept ans et l’ère Duceppe est terminée.


Avant ce moment décisif et depuis sa naissance, la défense des intérêts du Québec était le cheval de bataille du Bloc. Ce ne fut jamais un secret pour personne qu’il était inutile de chercher à améliorer ce que l’on souhaite défaire, mais on y alla quand même. C’est cet abus de logique qui causa la vague orange. Le temps des prières était terminé, c’était le moment de l’action, se sont dit les électeurs québécois en votant pour le NPD. Noble illusion en vérité ! Mais toujours est-il que cette vague, cet inévitable point de rupture, causa un certain désenchantement au sein des troupes bloquistes. En clair, les plus timorés sont rentrés chez eux et ceux qui voulaient l’indépendance ont continué à travailler. Parce qu’il en est ainsi pour toutes les causes et tous les mouvements : quand les temps sont durs, il n’y a que les plus déterminés qui persistent et qui continuent.


Dynamique ordinaire


C’est cette dynamique ordinaire qui a amené Mario Beaulieu à la tête du Bloc en 2014. Et on connaît la suite, son leadership fut immédiatement contesté par le camp Duceppe, alors toujours présent au Bloc. Celui-ci arriva alors en grand sauveur pour régler un problème que ses partisans avaient contribué à créer en minant la crédibilité du chef démocratiquement élu. Puis les eaux ont coulé, les vents ont soufflé et de nouveaux membres au Bloc ont continué à prendre le relais de ceux qui partaient, mais l’ère Duceppe n’était pas encore terminée. En mars 2017, Martine Ouellet était élue chef et par acclamation, parce qu’il n’y avait personne d’assez fort pour aller l’affronter. Et en ce lundi 26 février 2018, lors de leurs démissions, un des sept mutins, Luc Thériault, nous apprenait bien candidement qu’à peine 72 heures après l’élection de Ouellet, ces mêmes élus étaient déjà ligués contre elle. La promotion de l’indépendance allait être remplacée par des coups de couteau dans le dos pour garder le contrôle sur le parti. À deux reprises, les membres ont choisi un chef clairement indépendantiste, on l’oublie parfois. Et il y a Duceppe, qui n’était jamais bien loin. Ce n’est pas sans raison qu’il avait appuyé Coderre lors des dernières municipales. C’était pour rester dans l’actualité, pour être vu dans le camp des vainqueurs.


Tout ça n’a strictement rien à voir avec la personnalité, bonne ou mauvaise, de Martine Ouellet, mais bien avec des élus qui ne sont plus en phase avec le parti pour lequel ils se sont présentés. Les membres ont choisi la promotion de l’indépendance, les démissionnaires ont choisi un retour à la formule convenue et éculée de la défense des intérêts du Québec. Tout le monde aime la tarte au sucre, d’ailleurs. Et c’est bien un point central des analyses que l’on peut lire à gauche et à droite qui attribue le déclin du Bloc à sa prise de contrôle par les indépendantistes alors que, dans les faits, c’est la faillite de la stratégie de la défense continuelle des intérêts du Québec qui causa la montée du NPD. À force de revendiquer sans arrêt et surtout sans menacer, on finit par trahir sa position de faiblesse. Et rien à voir, toujours, avec tous les superlatifs que l’on peut lire ces jours-ci à propos de Martine Ouellet, qui est probablement aussi égocentrique que la moyenne des chefs de partis politiques.


Les souverainistes ont rarement été aussi divisés. Sans doute faut-il remonter jusqu’à la démission de Parizeau en 1984 suite au « beau risque » de Lévesque pour trouver quelque chose d’un tant soit peu comparable, au regard de l’unité du mouvement.


> La suite sur Le Devoir.



-->