Catalogne: le pire du pire?

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Les Catalans ont préféré ne pas voir que la volonté ne suffit pas et ont fait l'impasse sur l'effectivité

J’ai bouclé cet article hier, et ça bouge d’heure en heure en Espagne. Un scénario inimaginable il y a quelques semaines pourrait devenir réalité aujourd’hui.


Si des coups de téléphone de dernière minute n’ont pas lieu, le gouvernement de Madrid enclenchera l’activation de l’article 155 de la Constitution espagnole, jamais utilisé jusqu’ici, et mettra sous tutelle le gouvernement catalan.


Ses ministères stratégiques, sa police, sa télévision passeront sous contrôle de Madrid. Son parlement deviendra une coquille vide.


Pour la Catalogne, ce sera un recul de 40 ans.


Coincé


Madrid a imposé un ultimatum à Barcelone. Barcelone a dit non.


Coincé entre les souverainistes qui lui disent de freiner et les souverainistes qui lui disent de foncer, le président catalan Carles Puigdemont a refusé de renier la souveraineté, sans pour autant l’enclencher, tout en demandant un dialogue qui n’est jamais venu.


Comme le notait Marius Carol dans La Vanguardia, Puigdemont aura vécu, ces derniers jours, son moment Thelma et Louise, du nom du célèbre film : un ultime sentiment d’euphorie avant de plonger dans l’abîme.


La semaine dernière, Madrid avait déjà emprisonné pour sédition Jordi Cuixart et Jordi Sànchez, leaders d’Omnium et d’ANC, deux organisations souverainistes de la société civile.


Leurs opinions sont devenues un délit. Il y a de nouveau des prisonniers politiques en Espagne.


Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, n’a qu’une phrase à la bouche : «restaurer la légalité et l’ordre constitutionnel».


C’est une position simpliste qui enfonce l’Espagne dans la crise.


La démocratie doit reposer sur la loi, mais en autant que les citoyens y consentent et trouvent la loi légitime.


Si une loi rend la sécession impossible, mais que celle-ci est désirée par la majorité, alors la loi sert à nier la démocratie.


La revue britannique The Economist notait qu’il y a la justice formelle et la justice naturelle.


À court terme, on peut faire primer la première par la force. À long terme, nier la seconde ne fait que pourrir une situation.


La loi n’est pas non plus toujours synonyme de justice. La loi est une mécanique imparfaite qui, des fois, produit de la justice et, d’autres fois, des dénis de justice.


Élections


La question n’est pas de savoir si la souveraineté de la Catalogne serait une bonne ou une mauvaise chose. Ça se discute.


La question est de savoir si les Catalans ont le droit ou pas de prendre la décision qu’ils veulent.


À court terme, il faut espérer que des élections redistribuent les cartes.


À long terme, il faut des négociations constitutionnelles. Celles-ci devraient rendre difficile, mais possible un chemin légal vers l’indépendance du peuple catalan.


Pour le moment, les masques gisent au sol : les Catalans se font dire que cette Espagne, dans laquelle ils ne sont certes pas opprimés, est une confortable prison.