Presque neuf mois après le référendum illégal d’autodétermination, retour sur la question catalane dans les Chroniques de Jacques Sapir avec Christophe Barret, historien et auteur d’un récent ouvrage sur le sujet.
Les indépendantistes catalans ne font plus la une des journaux de notre côté des Pyrénées, mais les divisions mises en lumière par le référendum du 1er octobre dernier sont loin d'être résolues, et les plaies, dans un camp comme dans l'autre, loin d'être refermées. Sous tutelle et avec un leader en exil, la Catalogne n'en a pas moins donné aux indépendantistes une majorité au parlement régional, et élu un proche dudit Carles Puigdemont au poste de président de la Généralité. En quelques années, ce mouvement transpartisan semble avoir conquis une base solide dans la société, qui fait s'entrechoquer les principes de légitimité et de légalité. La Catalogne serait-elle aux avant-postes des stratégies populistes en Europe, ou bien le camp indépendantiste n'est-il qu'un agrégat de différents mécontentements sans véritable vision commune? Cette crise est-elle simplement conjoncturelle, ou annonce-t-elle une vague profonde et d'autres épisodes sécessionnistes sur le Vieux Continent?
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent l'historien Christophe Barret à l'occasion de la sortie de son livre La Guerre de Catalogne (Éd. du Cerf, 2018).
Selon Christophe Barret, «la montée de l'indépendantisme en Catalogne est un effet de la crise de 2008 et du divorce qui s'est produit entre les classes moyennes et l'offre politique traditionnelle. Aujourd'hui, l'indépendantisme est le seul objet politique identifié aux yeux d'environ une moitié des électeurs catalans. Je place le mouvement indépendantiste dans la lignée des populismes. Quand je dis "populisme", ce n'est pas un gros mot, c'est un terme de sciences politiques qui désigne le fait d'opposer un "nous", le peuple, et un "eux", les élites au pouvoir.»
Pour Jacques Sapir, «chez les unionistes, il y a une espèce de malaise à gauche, ou peut-être de malentendu, sur la question de la souveraineté nationale et de la souveraineté populaire; et symétriquement, à droite, il y a un malaise sur la notion de légalité et de légitimité. La question, c'est de savoir comment on tranche. Doit-on trancher en choisissant une hiérarchie des légitimités, ou alors doit-on reconnaître cette autre légitimité, quitte à discuter et peut-être à passer des compromis avec elle? On est face à deux légitimités qui s'opposent, c'est toute la complexité de la situation.»