Cas de déportation de Léon Mugesera, des brèches de la barbarie.

Présumé coupable et condamné à une mort lente et certaine

Tribune libre

Vous n’avez pas lu le texte de Robin Philpot, il n’est jamais tard. Le voici : http://www.vigile.net/Leon-Mugesera-quelques-precisions.
Au Rwanda, la torture, la dégradation humaine et la peine capitale existent bel et bien, derrière les vitres tintées en ville et sous les feuillages touffus de bananiers en régions. Au Rwanda, on fait ce qu’on ne dit pas, on dit ce qu’on ne fera pas et on ne montre jamais ce qu’on fait qu’on ne dit pas. La justice au Rwanda existe, en deux grands formats. Des Rwandais jouissent de la justice, d’autres subissent une criminalité institutionnalisée. Mon beau-frère Emmanuel, un activiste des droits universels, en garde des séquelles. Sa femme et ma sœur Domina en a également fait les frais. Après une détention de seulement 2 ans, elle compte ses jours à vivre. Je n’irai pas dans les détails. L’ex-candidat à la députation J.B Sindikubwabo ne survivra pas de la prison, dit un ami à Kigali qui dénonce vertement son emprisonnement gratuit. J’arrête de rappeler les cas, tellement ils sont des milliers qu’évoquer un fait tort à tous les autres. Nous sommes nombreux qui avons des parents ou des amis qui subissent la destruction maligne et lente des prisons du Rwanda, sous un voilage de justice reconstructrice ou réconciliatrice.
Les cas d’horreurs de la justice au noir du Rwanda sont rapportés par bien des témoins ayant survécu de ses prisons. Le père Guy Theunis en parle, comme une fiction. L’avocat américain Peter Erlinder peut en témoigner. Aucun prisonnier politique ne sortira des geôles rwandaises en possession de ses facultés. Juste pour illustrer ce propos, considérons les cas de l’ancien président Bizimungu Pasteur, de l’évêque Misago, et biens d’autres qui sont réduits au silence et à l’inaction, «ibimungwa» ou des morts vivants comme dit la ruse rwandaise.
Au Rwanda et du Rwanda, ceux qui voient une justice à l’œuvre ne voient pas les pratiques criminelles dont d’autres sont victimes. Ou plutôt font-ils semblant de ne rien voir. Pour avoir des amis et des parents torturés, morts ou entrain de mourir dans les prisons «mouroirs» du Rwanda pour des allégations de crimes qu’ils n’ont jamais commis, je me demande comment au Canada, cette triste réalité peut être ignorée par des gens libres et ouverts d’esprit. Les journalistes canadiens, les agents de l’immigration et de la coopération, voire des procureurs et des juges, devraient aller à l’école des réalités rwandaises, avant de poser des gestes malheureux et irrécupérables.
Cependant, Mugesera n’attendra pas pour connaître la sentence d’une condamnation aveugle, irresponsable. Après demain, le Canada lui reconnaîtra sa dignité d’Être humain, ou l'enverra au dépotoir, comme un «déchet» pour reprendre le président rwandais Kagame. «Ceux qui fuient le Rwanda, sont des déchets», dit-il publiquement en kinyarwanda.
Il y a anguilles sous roche ! J’ai la difficulté à comprendre le Canada. Comment l’ex-champion des Droits de l’homme, puisse cautionner obstinément un régime champion des crimes contre la vie et les droits humains. Les fosses communes sont là, au Rwanda comme en RDC. Et nous sommes là à pouvoir en témoigner. Pendant des années, des politiciens canadiens ont qualifié nos témoignages de «vraisemblables légendes». Aujourd'hui les Nations Unies ont levé le voile et accréditent nos cris dans un rapport d’enquêtes dit «rapport mapping». Une cartographie des fosses communes à la charge du régime de Kigali est ébauchée. Et ce n'est pas tout. Pourquoi le canada semble vouloir livrer à leurs fossoyeurs des fugitifs qui ne demandent que justice? Est-ce pour nous dire que nous ne pouvons espérer une justice pour les nôtres qu’auprès de leurs bourreaux?
Il est clair que nous en sommes là parce que le monde refuse de faire ou recevoir la lumière sur ce qui s’est passé au Rwanda en 94 et depuis. Sans cette lumière, les gouvernements et les tribunaux continueront de commettre des crimes dits de droit. Il faudra tôt où tard tenir une commission Vérité sur le cas Rwandais, ici même au Canada. Nous y sommes nombreux témoins oculaires, lucides et objectifs pour aider à éviter les gaspillages d’énergies et de ressources dans des procédures de sorciers.
A un cheveu de la barbarie : présumer quelqu’un de «génocidaire»
Certains Rwandais se réjouissent de cette malheureuse décision. Ils sont dans l’erreur d’enfance. Même s’ils se croient proches ou de sympathie envers le régime de Kigali, cela étant de leur plein droit, ils ne devraient pas ignorer que d’autres Rwandais sont exclus, persécutés, tyrannisés par ce même régime. De plus, « nta byera ngo dee », rien n’est propre à 100%, dit un dicton rwandais. La sagesse rwandaise leur dira : « inkoni ikubise mukeba, uyirenza urugo », le bâton qui sert à frapper la concurrente, tu le jette loin par dessus l’enclos. On peut ne pas aimer la face de Mugesera, il ne s’agit pas ici d’aimer ou haïr, il s’agit de refuser l’injustice et l’acharnement dans l’ignorance.
Que signifie, que cache cet acharnement ?
Pour le gouvernement canadien, j’ai maille à comprendre. Pour certains milieux rwandais, Mugesera représente cette élite capable de contribuer à faire jaillir un jour la lumière sur les fosses communes et confondre tous ceux qui à date croient détenir seuls la vérité sur les tragédies du Rwanda et de l’Afrique des Grands Lacs. Ils pensent ainsi éliminer, un à un, les lampions. Ils se trompent, la vérité tardera mais fera surface.
D’autres devraient tirer un enseignement d’une erreur de rhéteur, à la charge de Mugesera. Comme lui en son temps, aujourd’hui des gens proches du régime de Kigali et d’autres ultra-légalistes au Canada excellent de zèles pour prononcer des discours « nationalistes », et se croient avoir plus de droit que « les Mugesera ». Sans vraiment réfléchir à fond sur ce dont ils parlent, ils clament : «pas d’empathie envers des présumés génocidaires». Si on devait appliquer leur médecine, on ne saurait pas vers quels pays les renvoyer. A eux et à nous tous je redis ceci : « Ne tuez pas le nationaliste Gitera, tuez ses frustrations » (dixit le Roi rwandais Rudahigwa en 1955-57)

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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1 commentaire

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    13 janvier 2012

    J'attire votre attention sur ceci:
    jeudi 12 janvier 2012
    L’assassinat du président Habyarimana : entre certitudes, interrogations et « enfumage »
    (...)
    Revenons-en donc aux seuls faits.
    Le 6 avril 1994 vers 20h 30, alors qu’il allait atterrir à Kigali, l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana fut abattu par deux missiles portables SAM 16 dont les numéros de série étaient respectivement 04-87-04814 et 04-87-04835 ; or, comme cela a été établi devant le TPIR, l’armée rwandaise ne disposait pas de tels missiles.
    La traçabilité de ces engins a été reconstituée : fabriqués en URSS, ils faisaient partie d’un lot de 40 missiles SA 16 IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant. Pour mémoire, Paul Kagamé et ses principaux adjoints étaient officiers supérieurs dans l’armée ougandaise avant la guerre civile rwandaise.
    (...)
    http://bernardlugan.blogspot.com/2012/01/lassassinat-du-president-habyarimana.html
    ...
    JCPomerleau