Capitalisme de droite

Actualité internationale 2012



Le Forum économique mondial de Davos s'est ouvert hier sur fond de déprime. Lorsqu'on est prompt à proclamer la mort imminente du capitalisme à l'occidentale, et que le modèle de référence projeté s'inspire d'une économie dirigée à la chinoise, on peut comprendre à quel point cette crise qui perdure depuis 2008 fait mal. Et que ses conséquences potentielles soulèvent des craintes parmi ceux par qui cette crise est venue. Le capitalisme occupe le banc des accusés le temps de plénières de quelques jours dans une ville alpine de la Suisse. Sans discernement ni sensibilité pour ces autres modèles économiques qui ont su se distancer d'un capitalisme de droite ayant démontré ses limites dans cette crise.
La crise financière de 2008, et sa transformation en crise de la dette souveraine en décembre 2009, occupe l'essentiel des débats de ce 42e rendez-vous annuel des principaux dirigeants et financiers internationaux de la planète. Et tout semble être mis sur la table si l'on se fie aux grands thèmes retenus pour l'édition 2012: «Risques globaux en 2012: les graines de la désillusion», «Réparer le capitalisme» ou encore «Le capitalisme du XXe siècle est-il en train de flouer la société du XXIe siècle?». Or, quand l'avertissement d'une mort imminente du capitalisme occidental est lancé par un dirigeant d'un fonds d'investissement américain venant de recevoir un dividende annuel de 134 millions, on peut comprendre que de telles rencontres ne servent, finalement, qu'à alimenter le cynisme. Mais pour la présente édition, il appert que les chantres du capitalisme commencent à comprendre... jusqu'à la prochaine édition.
Dans une entrevue à l'agence Associated Press, le fondateur de ce forum, Klaus Schwab, a réitéré sa foi dans le libre marché. «Mais le libre marché doit servir la société», a-t-il martelé, sans autres nuances. Tout au plus dénonce-t-il, dans son envolée, les excès et le peu d'inclusion du système capitaliste. D'où l'importance, à ses yeux, de placer l'ordre du jour de la présente édition du Forum sous le thème général de l'éthique et de la morale dans le monde des affaires et dans la communauté politique. Il craint les conséquences d'un conflit intergénérationnel provoqué par des gouvernements contraints à payer les dettes actuelles au risque de compromettre les dépenses de programme futures.
Selon le rapport ayant préparé le terrain à ce Forum économique mondial de Davos, les inégalités croissantes figurent parmi les plus grands risques mondiaux. Loin devant la corruption généralisée, le terrorisme ou encore l'éclatement de la zone euro, la grande disparité des revenus et la concentration de la richesse constituent désormais les principales menaces, dont les grands mouvements sociaux de l'an dernier (printemps arabe, indignés et Occupons Wall Street) ne sont que les premières manifestations.
Il aura fallu quatre ans de crise pour se rendre compte que la sacro-sainte croissance économique ne peut plus faire fi des valeurs environnementales et sociales. Pendant ce temps, au Brésil, les militants réunis à Porto Alegre rappellent que les pertes colossales provoquées par les excès de ce capitalisme sont partagées par beaucoup et les bénéfices de la croissance, par très peu. «Que l'économie réelle se lève!», lance-t-on.
Si le statu quo est mis en cause, on s'entend pour dire, à Davos, que le capitalisme à l'occidentale a un futur, qu'il peut apprendre de ces échecs massifs. Mais la pensée de droite est clairement visée dans ce procès intenté contre le capitalisme en cette première journée des plénières. Il est évoqué que le capitalisme à l'occidentale est particulièrement menacé, du moins ce modèle anglo-saxon accordant une prépondérance à un système financier casino, contribuant à l'élargissement des inégalités de revenu et produisant son lot d'exclus. On reconnaît au passage les ratés d'un système basé sur le laisser-faire et le libre marché, soit autant de concepts de droite empruntés au néolibéralisme et ayant contraint les économies occidentales à évoluer de crise en crise.
On regarde avec envie ce capitalisme d'État tel que pratiqué en Chine et dans certains pays émergents de l'Amérique latine, tout en prédisant que ces modèles d'économies dirigées vont bientôt être confrontés à leurs limites naturelles, comme ce fut le cas pour le communisme. Mais pour finalement tendre vers le «capitalisme compatissant», qui introduit dans son modèle les notions d'équité, de régulation et d'arbitrage entre filets sociaux et croissance.
Ainsi, après quatre années de crise, on s'en remet à une notion de «compassionate capitalism» qui n'est pas sans ressembler au célèbre «compassionate conservatism» des républicains, plaidé sous la présidence George W. Bush. Avant que l'éclatement de la bulle des subprimes ne provoque la crise de 2008.


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