J'étais en Australie pour un tournage. J'avais plusieurs jours de congé et je voulais en profiter pour visiter un des lieux où, au XIXe siècle, l'Australie étant la colonie pénitentiaire de l'Empire britannique, ses navires déchargeaient leurs cargaisons de prisonniers.
Près de Sydney, Canada Bay m'intéressait plus particulièrement. Le vaisseau Buffalo avait déchargé en 1837, parmi ses 144 prisonniers, après cinq mois de navigation, les patriotes du Haut et du Bas-Canada, 58 exilés qui avaient échappé à la potence érigée dans la cour du Pied-du-Courant, à Montréal. J'ai trouvé à Canada Bay une plaque commémorative sur laquelle était gravé un texte sur les «sacrifices consentis» par les patriotes exilés lors des troubles de 1837, texte que j'ai noté à ce moment-là «... les mesures adoptées par suite des rébellions dans les deux Canada ont marqué des étapes importantes de l'évolution du gouvernement responsable et de la démocratie parlementaire au Canada et en Australie...»
Combien serons-nous à la fête des patriotes, ce 15 février, de Québec à Sault-Sainte-Marie, à célébrer cette victoire arrachée dans le sang par nos ancêtres, les notaires, médecins, avocats, étudiants, cultivateurs et fils de cultivateurs qui ont formé le Parti politique des patriotes pour réclamer leurs droits, qui se sont heurtés à la corruption, à l'oppression d'un régime colonialiste et enfin à la plus impressionnante armée du monde, payant de leur vie une lutte par trop inégale? Combien y aura-t-il de femmes dans les rues, pour se rappeler ces épouses de patriotes, ces jeunes veuves qui fuyaient sur les routes avec leurs nombreux enfants, traquées, violées par les milices loyalistes (armées dit-on par les Molson, McGill et autres...) qui brûlaient et pillaient les biens des «terroristes»?
Mais la Cour pénale internationale n'existait pas au XIXe siècle et l'Empire britannique était tout-puissant! Alors que partout au monde les libérateurs des Nations, les Mandela, les Washington, les Havel, sont célébrés, au Canada la Journée nationale des patriotes est passée sous silence. Cette lutte qui, 30 ans plus tard en 1867 a produit une première Constitution (dont le Québec ne fait toujours pas partie...), représente une défaite douloureuse pour les «perdants» qui en ignorent l'importance historique... et une victoire honteuse pour les «gagnants» qui font mine de ne pas être concernés! Je n'ai pas l'intention d'ajouter au discours cynique et désabusé actuel, mais je m'en voudrais de ne pas mentionner que le texte que j'ai lu en 1988, au bord de la mer en Australie, sur cette plaque commémorative qui célébrait l'engagement et la lutte des patriotes de 1837, était signé par le très honorable Pierre Elliott Trudeau et daté de 1970, année où le même homme, appuyé par les administrations Drapeau et Bourassa, promulguait la Loi sur les mesures de guerre sous de fausses représentations, permettant à l'armée canadienne d'envahir le Québec, d'arrêter et d'emprisonner 450 personnes innocentes de tous horizons sociaux, décapitant ainsi les mouvements communautaires et d'opposition. Le même personnage qu'Ottawa a célébré en gratifiant de son nom notre aéroport international!
***
Guy Thauvette, Montréal
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé