Power Corp. / Quebecor

C’est la guerre !

En lançant une telle attaque contre l’empire Desmarais, Quebecor joue gros

Chronique de Richard Le Hir

Cette fois-ci, il n’y a pas à s’y tromper. Quebecor vient de partir en guerre contre Power Corp. Pour preuve, le dossier de deux pages que le Journal de Montréal consacre aujourd’hui à l’empire Desmarais en page 10 et 11 (quatre articles : Les contacts politiques de Power Corp., Power de retour dans l’énergie http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/actualites/national/archives/2010/10/20101023-084200.html , Des tentacules de Power autour du monde, L’Omertà Power; un seul de ces quatre articles est disponible dans l’édition web), auquel il faut rajouter une chronique plutôt cinglante de Richard Martineau intitulée « Le Jupon dépasse » http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/chroniques/richardmartineau/archives/2010/10/20101023-081500.html .
À lire Richard Martineau, on comprend que la goutte qui aurait fait déborder le vase serait le sans-gêne avec lequel les journalistes de La Presse commentent les problèmes de relations de travail du Journal de Montréal tant dans leur journal que sur les ondes de Radio-Canada, cette dernière se faisant le complice de La Presse pour dénigrer son concurrent.
Dans tous ses articles qui visent Power, le vocabulaire est choisi pour blesser. Martineau va même jusqu’à prétendre que La Presse et Radio-Canada sont de mèche en raison de l’idéologie politique qui les lie : « Pourquoi une institution PUBLIQUE comme Radio-Canada (qui est censée représenter TOUS les Canadiens) permet à une ENTREPRISE PRIVÉE (La Presse) de pourfendre son compétiteur direct (le Journal de Montréal) sur SES ondes ? Y aurait-il une entente commerciale entre ces deux joueurs ? À moins que ce soit leur idéologie politique qui les lie... ».
Ou alors cette phrase de Mathieu Turbide : « Au cours des dernières années, les investissements de Power Corporation dans Total ont été pointés du doigt par plusieurs groupes des droits de l'homme et organismes environnementaux. On reproche notamment à la pétrolière de faire des affaires en Birmanie, où sévit une dictature militaire. » Et un peu plus loin Turbide cite un universitaire qui condamne ce genre de pratique.
Et comment être plus blessant qu’en adossant le mot Omertà à Power dans un titre d’article ? L’omertà, c’est la loi du silence de la mafia. En associant omertà à Power, le journaliste suggère que Power est une mafia, ce qui à tout le moins n’est pas très flatteur pour Power. Décidément, la mafia est partout ces temps-ci.
En lançant une telle attaque contre l’empire Desmarais, Quebecor joue gros. Il est vrai que l’image de Power est amochée, comme je le soulignais d’ailleurs récemment dans un article intitulé « Le cas Desmarais », mais il n’y a pas de doute que celle de Quebecor souffre aussi de la prolongation du conflit au Journal de Montréal. Il y a cependant une grosse différence entre les deux. La diversification géographique de Power lui permet de s’aliéner l’opinion publique québécoise, et même de financer La Presse à fonds perdus à même les profits qu’elle réalise dans d’autres activités. En jargon financier, on appelle ça de l’interfinancement, une pratique courante dans les grandes multinationales, et notamment chez les pétrolières.
Quebecor, dont le gros des activités est désormais concentré au Québec depuis la faillite de Quebecor World, dépend largement pour ses succès financiers de la sympathie des Québécois à son endroit, et essentiellement des Québécois francophones. C’est sans doute pour cette raison qu’elle se sent particulièrement touchée par les attaques de Power qui se trouve à miner son soutien chez les francophones.
Tout ceci laisse présager un règlement prochain du conflit au Journal de Montréal. Comme son père avant lui, Pierre-Karl Péladeau va devoir comprendre qu’il y a parfois des profits auxquels il est préférable de renoncer, et des pertes qu’il faut savoir assumer. Ce n’est pas un hasard si la convention collective des journalistes du Journal de Montréal était la meilleure de l’industrie. Pierre Péladeau ne s’y était certainement pas résigné par altruisme. S’il avait fini par y consentir, c’était par stratégie. Plus familièrement, il avait compris de quel côté son pain était beurré.
De plus, il faut s’attendre également à d’autres réalignements stratégiques d’importance chez Quebecor. Je prends peut-être mes désirs pour des réalités, mais quelque chose me dit que la dernière phrase de Martineau, « À moins que ce soit leur idéologie politique qui les lie... », laisse présager des développements intéressants.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2010

    Bravo pour cet article. Il est clair que les Desmarais utilisent La Presse contre Power Corp avec la bénédiction de Radio-Canada. Malheureusement, ces méthodes ne me surprennenet pas tant les Desmarais les ont déjà utilisé en particulier contre les constructeurs canadiens qui se font accuser de tous les mots par La Presse...
    http://journalismeaucanada.wordpress.com/2010/09/29/qui-possede-andre-noel/

  • Archives de Vigile Répondre

    29 octobre 2010

    Québec contrôlé par POWER CORPORATION et JEAN CHAREST!
    http://www.youtube.com/watch?v=UCPEF8Vs7ek&feature=player_embedded

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2010

    Radio-Canada et Gesca devraient en fait fusionner sous une nouvelle appellation soit: "Radio-Gescanada", ce nouveau vocable tiendrait beaucoup mieux compte de la réalité.
    Jacques L. (Trois-Rivières)

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2010

    Feu Pierre Falardeau avait habitude de dire que la vrai convergence des médias au Québec se trouvait ailleurs que dans la cour de Québecor. Pour la voir véritablement il fallait plutôt regarder du côté de Power Corporation et Radio-Canada. Il avait bien raison. Au fait Radio-Canada ou Radio-Gesca? Blanc bonnet, bonnet blanc.
    Jaqcques L. (Trois-Rivières)

  • Michel Laurence Répondre

    23 octobre 2010

    « Pourquoi une institution PUBLIQUE comme Radio-Canada (qui est censée représenter TOUS les Canadiens) permet à une ENTREPRISE PRIVÉE (La Presse) de pourfendre son compétiteur direct (le Journal de Montréal) sur SES ondes ? Y aurait-il une entente commerciale entre ces deux joueurs ? À moins que ce soit leur idéologie politique qui les lie… » Richard Martineau
    Martineau est-il innocent ou fait-il seulement semblant de l’être ?
    Tous ceux qui écoutent Radio-Canada, tous ceux qui oeuvrent dans le domaine des communications et même monsieur et madame Tout-le-Monde savent bien, et depuis longtemps, que Radio-Canada et Gesca sont de mèche.
    C’est aussi évident qu’un gros bouton sur le bout du nez.
    Que l’Empire ait procédé, depuis des années, à une intégration verticale efficace (on ne peut pas nier l’évidence) n’autorise nullement Radio-Canada à faire de même avec Gesca - Power Corporation. Ce n’est pas la même chose. Il ne s’agit pas ici d’intégration verticale.
    Une société d’État qui s’allie à un des pires oligarques qui sévit au Québec et dans le monde, c’est inacceptable. Je ne comprends pas encore pourquoi personne n’a porté plainte au CRTC. (Tiens, ça me donne une idée.)
    Combien de temps les éminents journalistes de Radio-Canada ont-ils consacré à parler du lancement de « L’État Desmarais » de Robin Philpot ?
    Les grands journalistes d’enquête de la société d’État ont-ils déjà fouillé les exactions de Power et de Desmarais ?
    Il ne s’agit donc plus d’une simple alliance stratégique pour combattre l’Empire; il nous faut constater que Radio-Canada que les contribuables font vivre est maintenant inféodée à Power et à Desmarais.
    Je le répète, à quand une plainte au CRTC ?
    Michel Laurence
    Président provisoire du R.I.N.
    http://bit.ly/99MMPL

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    23 octobre 2010

    Merci pour ce texte.
    En toute circonstances il faut se demander en quoi cela sert notre cause. Et là on a la Total.
    Quand on assiste aux tirs groupés comme ceux là. c'est que la commande vient de haut, de très haut.
    J'a eu l'occasion de commenter ce conflit entre les deux empires qui avait connu des moments virulents suite au Sommet de Copenhague. Voici quelques lien qui en rendent compte:
    http://www.vigile.net/Gesca-La-Presse-Propagande-Total
    Et sur la plume la plus précieuse de Gesca-La Presse:
    http://www.vigile.net/Fauxglia
    JCPomerleau