Brexit: la double méprise

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À l'origine, un manque délibéré de transparence






Comme on pouvait le prévoir, quelques jours après le vote des Britanniques en faveur d’une sortie de l’Union européenne, les places boursières se stabilisent.




Le calme revient et on peut recommencer à réfléchir serei­nement.




La suite n’est pas claire. Le leadership des deux grands partis britanni­ques a été décapité. Le camp du départ semble surpris par sa victoire.




Dans le reste de l’Europe, certains prônent un divorce rapide, alors que d’autres veulent temporiser.




Ce qui est certain, c’est que les dirigeants européens ne pourront plus continuer comme avant.




Dans une récente entrevue au Figaro (28 juin), le philosophe britannique Roger Scruton apporte un éclairage intéressant sur ce qu’il s’est passé.




À 72 ans, Roger Scruton est une figu­re centrale de la philosophie moder­ne.




Guerre




Fondamentalement, dit-il, les Britanniques ont voté contre le fait d’être de plus en plus subordonnés à des règles qui leur sont imposées de l’exté­rieur.




Tout le projet européen repose, poursuit Scruton, sur une double méprise. Pour comprendre, il faut remonter aux débuts de l’affaire.







Dans l’histoire, le nationalisme a été au moins autant un facteur de paix qu’un facteur de guerre.









Les gens qui ont conçu le projet euro­péen, Jean Monnet en tête, sortirent complètement traumatisés de la Seconde Guerre mondiale. On peut les comprendre.




Pour eux, la cause première de la guerre, ce fut l’État-nation et le nationalisme, c’est-à-dire un système politique européen dans lequel les rapports dominants sont ceux entre des États dont les frontières délimitent des populations internes aux traits culturels similaires.




De leur point de vue, être favorable à l’État-nation, c’était forcément être nationaliste, et être nationaliste, c’est forcément être plus ou moins hostile aux autres nations.




Il fallait donc travailler à abolir les frontières et le sentiment national afin de faire émerger progressivement une nouvelle identité collective européenne.




Le problème, dit Scruton, c’est non seulement que l’État-nation était «la partie la plus essentielle de notre héritage politique», mais que, dans l’histoire, le nationalisme a été au moins autant un facteur de paix qu’un facteur de guerre.




Certes, Hitler était un nationaliste forcené, mais quand Churchill a organisé la résistance de l’Angleterre face à l’Allemagne, sur quel sentiment plus que tout autre s’est-il appuyé? Sur le patriotisme des Anglais.




J’ajouterais que la remarque vaut pour les Russes.




Après que les troupes allemandes se furent enfoncées profondément en territoire soviétique, Staline est sorti de sa torpeur et a entrepris de mobiliser son peuple.




A-t-il évoqué la grandeur du communisme? Non, il a évoqué la résistance russe de 1812 à l’invasion napoléonienne et décrété que la lutte contre Hitler serait une «Grande guerre patriotique».




Il savait pertinemment quelles étaient les vraies cordes sensibles, les vrais ressorts de la mobilisation popu­laire.




Identité




La deuxième méprise, dit Scruton, c’est que les peuples, eux, pensaient que le projet européen était essentiellement économique, qu’il visait surtout à élargir et à faciliter le commerce.




Quand ils ont compris qu’il s’agissait en fait de changer carrément la façon dont ils se percevaient, ils ont commencé à rechigner.




Ils se sont d’autant plus braqués qu’on ne leur a jamais demandé clairement s’ils voulaient renoncer à ce qu’ils sont.



 




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