Qui persiste à affirmer que la dénonciation anonyme est une forme de courage ? Réfugiée dans l’anonymat, une femme vient de dénoncer sur Facebook le comportement sexuel présumé du chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, et les conséquences risquent d’être désastreuses pour lui.
L’affaire remonterait à 1999 dans la toilette d’un bar. Yves-François Blanchet aurait harcelé sexuellement une femme à qui il offrait de la cocaïne en échange d’une fellation.
Monsieur Blanchet a invité l’internaute en question à porter plainte auprès des autorités policières. Il se réfugie, comme son parti, dans le silence. À une exception près : le député Louis Plamondon, doyen de la Chambre des communes, qui se porte à sa défense. Le patriarche bloquiste ne craint pas l’anathème.
Malaise
Le malaise est palpable dans toute la classe politique. Le premier ministre Trudeau reste coi. Il préfère laisser sa ministre Mélanie Joly gazouiller aux victimes de harcèlement sexuel, « Je vous entends et vous comprends. Il faut du courage pour dénoncer. » Avec son chef, celle-là fait la paire.
Quant à Jagmeet Singh, il se dit « remué » parce qu’il a lu les journaux. « Toutes les allégations doivent être prises au sérieux », assure celui qui a déjà traité de « raciste » le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, à la Chambre des communes. Jagmeet Singh prétendait avoir vu « le visage du racisme » chez le bloquiste lorsque celui-ci avait rejeté la motion du NPD condamnant le racisme systémique au sein de la GRC.
Les conservateurs, eux, refusent de réagir. À Québec, le premier ministre, qui a déjà félicité des dénonciatrices qui sévissent sur les réseaux sociaux, fait maintenant appel à la prudence et souhaite que « les recours légaux soient pris ». Les oppositions PLQ, PQ et QS font profil bas. En fait, c’est motus et bouche cousue.
Il faut craindre pour le chef du Bloc à Ottawa. Sa performance politique a été remarquable jusqu’à ce jour. Les sondages le confortaient. Il tirait son épingle du jeu et son image au Canada anglais était positive.
Défoulement
Nous vivons une drôle de période. Le confinement dû à la pandémie entraîne un défoulement public de victimes supposées ou réelles d’agressions sexuelles, du viol aux propos graveleux. Des dizaines voire des centaines de milliers d’hommes en particulier doivent vivre avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.
De nombreuses personnes pour toutes les raisons du monde peuvent balancer le nom d’un agresseur sexuel ou des gens qui les ont offensées ou méprisées. Cela sans recourir aux institutions judiciaires, si bien qu’aucun citoyen n’est à l’abri d’une démolition de sa réputation.
La pureté n’existe pas. Les politiciens devenus parmi les plus mal aimés de nos sociétés atomisées sont des cibles aussi tentantes que vulnérables.
Il faut en conclure que le chef du Bloc québécois, un politicien talentueux, ne parviendra pas à s’extraire de ces accusations faites à visage masqué par une personne blessée peut-être, mais habitée par une volonté de vengeance. Or elle est parvenue à abattre son « agresseur », réel ou inventé, sans avoir à se soumettre aux procédures judiciaires.
À quand le suivant ?