Les États-Unis se sont déclarés dimanche « prêts à riposter » aux attaques de drones la veille contre des installations pétrolières en Arabie saoudite, qui ont entraîné une réduction de moitié de sa production et provoqué une forte hausse des cours de l’or noir.
« L’approvisionnement en pétrole de l’Arabie saoudite a été attaqué. Il y a des raisons de croire que nous connaissons le coupable, sommes prêts à riposter en fonction des vérifications, mais nous attendons que le Royaume (saoudien) nous dise qui il estime être le coupable de cette attaque, et sous quelle forme nous devrons agir ! », a tweeté Donald Trump, qui faisait ainsi pour la première fois allusion à une éventuelle réponse militaire.
Dans un tweet précédent, le président américain avait « autorisé l’utilisation du pétrole de la Strategic Petroleum Reserve, si besoin, pour une quantité qui reste à définir ».
Dans les premières cotations lundi matin, les prix du pétrole étaient en forte hausse et gagnaient plus de 10 % : le baril américain de WTI augmentait de 10,68 % à 60,71 dollars et le baril de Brent de la mer du Nord montait de 11,77 % à 67,31 dollars.
Les rebelles yéménites Houthis, soutenus par l’Iran et qui font face depuis cinq ans à une coalition militaire menée par Ryad, ont revendiqué ces attaques contre les installations du géant public Aramco.
Il n’y a aucune preuve que cette « attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique mondial » soit venue du Yémen, avait commenté samedi le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, accusant l’Iran d’être à l’origine de l’attaque et assurant que les États-Unis allaient œuvrer pour assurer l’approvisionnement des marchés.
Téhéran a jugé ces accusations « insensées » et « incompréhensibles », par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abbas Moussavi, qui a laissé entendre qu’elles avaient pour but de justifier « des actions futures » contre l’Iran.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dont le pays est le grand rival régional de l’Iran, a assuré que Ryad était « disposé et capable » de réagir à cette « agression terroriste ».
Mais James Dorsey, expert du Moyen-Orient à la S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour, a estimé des représailles directes peu probables : « Les Saoudiens ne veulent pas d’un conflit ouvert avec l’Iran (...) Ils aimeraient que d’autres se battent pour eux, mais les autres sont réticents ».
Réduction brutale de la production
Les explosions de samedi ont déclenché des incendies dans l’usine d’Abqaiq, la plus grande pour le traitement de pétrole au monde, et sur le champ pétrolier de Khurais. Selon le ministère saoudien de l’Intérieur, les attaques n’ont fait aucune victime.
L’infrastructure énergétique saoudienne avait déjà été touchée par les Houthis, notamment en août et en mai, en représailles selon eux à la campagne de bombardement menée par Ryad contre des zones qu’ils contrôlent au Yémen.
Mais cette frappe est d’un autre ordre : elle a provoqué une réduction brutale de production de 5,7 millions de barils par jour, soit environ 6 % de l’approvisionnement mondial.
Cela pourrait ébranler la confiance des investisseurs dans Aramco, géant pétrolier qui prépare son introduction en Bourse. L’opération a été retardée plusieurs fois, notamment en raison de conditions défavorables.
Tandis que les marchés surveillent de près la réaction de l’Arabie saoudite, le PDG d’Aramco, Amin Nasser, a déclaré que « des travaux » étaient « en cours » pour rétablir la production.
Le prince Abdel Aziz ben Salmane, récemment nommé ministre de l’Énergie, a assuré qu’une partie de la baisse de production serait compensée par les stocks.
Un retour à la normale complet de la production pourrait prendre des semaines, selon Bloomberg News citant des sources anonymes.
Ryad, premier exportateur mondial de pétrole brut, dispose de cinq gigantesques installations de stockage souterrain qui peuvent contenir des dizaines de millions de barils.
Installations vulnérables
Lors d’un entretien téléphonique entre Donald Trump et le prince héritier, la Maison-Blanche a condamné les attaques contre des « infrastructures vitales pour l’économie mondiale ».
Mais la Maison-Blanche a fait savoir que M. Trump n’excluait toujours pas l’hypothèse d’une rencontre avec le président iranien Hassan Rohani malgré les accusations portées contre Téhéran.
L’envoyé de l’ONU au Yémen, Martin Griffiths, s’est déclaré « extrêmement préoccupé » par les attaques, également condamnées par des voisins de Ryad (les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït). Paris a exprimé sa « solidarité » avec Ryad.
Des ministres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), réunis à Jeddah, ont aussi condamné l’attaque. Il n’était pas clair si l’Iran était présent à la réunion de l’OCI, convoquée initialement pour examiner le plan du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’annexer des pans de la Cisjordanie occupée.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a condamné les attaques et appelé toutes les parties à « la retenue pour prévenir toute escalade », selon son porte-parole.
« Toute turbulence de ce genre ne contribue pas à la stabilisation du marché des hydrocarbures », a déclaré le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov au quotidien économique Vedomosti.