Bienvenue à Montréal, M. Coderre

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Vox populi, vox Dei : Coderre, « T'es plein de marde ! »

Dur lancement.
Denis Coderre s'est enfin lancé dans la course à la mairie de Montréal hier, mais j'avais plutôt l'impression que c'était la course qui lui était rentrée dedans.
Son lancement a été bordélique. Une trentaine de manifestants du FRAPRU l'attendaient et deux hommes masqués se sont tenus derrière lui pendant tout son point de presse.
Denis Coderre a été déstabilisé. On le serait à moins quand on se fait crier au milieu de son discours : «T'es plein de marde !»
Denis Coderre n'avait pas le choix, il a été jusqu'au bout de son point de presse qui se tenait en face de l'hôtel de ville. Il ne pouvait pas annuler sans perdre la face ni engueuler les manifestants.
J'ai demandé à François Saillant, coordonnateur du FRAPRU, s'il ne se trouvait pas un peu cheap d'avoir gâché le lancement de Coderre. Il n'avait pas l'ombre d'un remords.
Saillant veut vendre la cause du logement social ; Coderre, lui, veut vendre sa candidature et son programme politique, quoique «programme» est un grand mot. Je ne verserai pas de larmes sur le lancement raté de M. Coderre, mais je ne lancerai pas non plus de fleurs à François Saillant, qui a fait preuve, admettons-le, d'une certaine cheaperie.
Ça joue dur, mais c'est à l'image de la politique municipale.
Le lancement anarchique de Coderre m'a fait penser à celui de Jacques Duchesneau en 1998. On le voyait comme le sauveur de Montréal. Il avait lancé sa campagne dans le grand hall de la gare Windsor. Au cours de la soirée, il avait reçu une tarte à la crème en plein visage. L'entartage était à la mode. Aujourd'hui, ce sont les manifestations et les hommes masqués.
Des révélations embarrassantes avaient entaché la campagne de Duchesneau. Pendant des mois, il avait traîné ses fantômes d'ancien chef de police. Il n'avait réussi à faire élire que trois candidats. Pierre Bourque, le maire méprisé, avait raflé le pouvoir avec 39 sièges.
Le même sort attend-il Denis Coderre ? Il devra vivre avec la lancinante question du financement des partis politiques et les rebondissements de la commission Charbonneau. À suivre.
***
Parlons des vraies affaires maintenant, le programme de M. Coderre. À la fin de son discours, je me posais des questions : qu'est-ce qu'il propose exactement ? Avec qui ? Où est son équipe ?
L'homme n'est pas facile à suivre. Il a dit qu'il ne voulait pas toucher aux structures, mais il a aussi affirmé qu'il y avait trop d'élus à Montréal. Sa coprésidente, Anie Samson, a ajouté qu'il fallait réduire le nombre d'élus et d'arrondissements.
Alors, on y touche ou pas, aux structures ?
Denis Coderre a créé un parti politique, qui n'est pas un parti politique, jure-t-il. Il est contre les partis, car ils sont responsables de la corruption. Fort bien. Sauf qu'il a déposé une demande au Directeur général des élections pour créer son propre parti, L'Équipe Denis Coderre, avec tous les avantages que ce statut va lui conférer, soit de substantiels budgets de recherche et de fonctionnement. Il ne peut pas «être et ne pas être» un parti politique. Ça devient shakespearien.
J'avais dîné avec Denis Coderre en février 2012. Il m'avait demandé, en me tutoyant gros comme le bras : «Tu penses-tu qu'on peut se présenter à Montréal sans parti politique ?»
Je lui avais poliment répondu que je n'étais pas sa conseillère politique, mais que Montréal n'était pas Québec et qu'un candidat ne pouvait pas gagner une élection dans son sous-sol avec 5000 $, comme l'avait fait la mairesse Boucher en 2005.
Son ignorance de la politique municipale m'avait renversée. Depuis, il a suivi un cours accéléré, mais visiblement, il a encore des croûtes à manger.
Exemple ?
«Personne n'ose en parler, a-t-il dit hier, mais nous avons présentement deux «Montréal», la ville centre et les 19 arrondissements et certains d'entre eux se comportent souvent comme des villes à part entière sans se soucier de la réalité des autres.»
J'ignore où était M. Coderre au cours des dernières années, mais la chef de l'opposition, Louise Harel, a abondamment parlé de ces deux Montréal schizophrènes. Elle en a même fait sa marque de commerce. Et François Legault a proposé deux fois de diminuer le nombre d'élus. Denis Coderre n'ose rien du tout. Et il étale son ignorance des débats qui ont secoué Montréal.
Quand un journaliste lui a demandé quelle était sa promesse la plus importante, il a répondu : «[Montréal doit être] une ville intelligente avec des citoyens intelligents où il y aura davantage de dynamisme et de fluidité.»
Sérieux ?
Je ne comprends pas ce que Denis Coderre veut faire de Montréal ni ce qu'il propose. Son programme est éparpillé, son message, confus.
***
Au début de son discours, il faisait beau, gros soleil, petite brise printanière, mais plus le point de presse avançait, plus le ciel se couvrait de nuages. Des nuages gris, lourds de pluie. Mauvais signe ? Peut-être.
Une chose est certaine, les prochains mois s'annoncent mouvementés. Comme on dit au hockey - moi qui déteste les métaphores sportives, contrairement à Coderre, qui inonde son fil Twitter de commentaires au ras des pâquerettes à chaque partie du Canadien - y'en aura pas de facile !


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