Bellemare et Fava, des connaissances de longue date

Commission Bastarache


Des années avant la commission Bastarache, qui les met au devant de la scène, les deux hommes ont représenté des parties opposées dans un dossier d'accident du travail et de maladie professionnelle.
Le 15 septembre 2004, Daniel Gagné, ouvrier spécialisé dans la pose de ciment, ressent une violente douleur aux épaules. Ce matin-là, comme les jours précédents, il a levé une masse pendant deux heures pour enfoncer des tiges dans le sol. Puis, l'après-midi, à genoux, le dos fléchi, il a étendu du ciment pour faire un trottoir, dans la région de Québec. Il n'est pas jeune: 58 ans. Voilà des années qu'il fait ce travail. Soudainement, il ne peut plus lever les bras.
Il s'adresse à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour toucher des indemnités. Son employeur, le Groupe Macadam, s'y oppose. Le principal actionnaire du Groupe Macadam est la famille de Franco Fava, qui se trouve actuellement au coeur des travaux de la commission Bastarache sur la nomination des juges.
Bellemare intervient
En 2006, Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice, représente Daniel Gagné devant la Commission des lésions professionnelles (CLP). Malgré l'avis de son propre médecin, la CSST avait refusé d'indemniser l'ouvrier. Me Bellemare fait casser cette décision. Après deux tentatives, le Groupe Macadam a réussi, en mars dernier, à payer seulement 18,5% des prestations versées au travailleur.
En apparence anodins, ces faits en disent long sur les personnalités de Marc Bellemare et Franco Fava. Tel un Don Quichotte moderne, Me Bellemare se bat depuis des années pour simplifier les recours des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Son nom figure dans pas moins de 165 décisions de la CLP.
Il est devenu ministre de la Justice dans un seul but: implanter ses réformes. Ses tentatives ont provoqué une levée de boucliers. Déçu, il a démissionné au bout d'un an, en 2004, et a repris son travail d'avocat. Franco Fava, qui a représenté le patronat au conseil d'administration de la CSST pendant 21 ans, était l'un de ses opposants.
Le «laxisme» de la CSST
Neilson inc., la principale entreprise de la famille Fava, se retrouve elle aussi régulièrement devant la Commission des lésions professionnelles. En 1993, M. Fava a dénoncé le «laxisme» de la CSST: selon lui, un ouvrier de la construction pouvait tripler son salaire en se déclarant blessé ou victime de maladie professionnelle.
Deux ans plus tard, M. Fava a fait adopter une nouvelle politique à la CSST avec le représentant de la FTQ-Construction, Jean Lavallée. Dorénavant, les inspecteurs devaient prendre rendez-vous avec les patrons des usines et des chantiers plutôt que de faire des visites-surprises. Ils devaient sensibiliser les employeurs au respect des normes plutôt que de les pénaliser pour des infractions. En trois ans, le nombre de poursuites est passé de 1256 à 308, et les amendes perçues, de 587 625$ à 182 207$.
Au cours des rares entrevues qu'il a accordées, M. Fava a minimisé l'importance de ses interventions. Il n'a joué aucun rôle dans la nomination des juges, a-t-il dit. Tout au plus a-t-il recommandé la nomination de Gérard Bibeau, le plus haut fonctionnaire du gouvernement du Québec. Quel pouvoir exerce-t-il véritablement? A-t-il été l'un des fossoyeurs des réformes entreprises par Marc Bellemare? Quel accès a-t-il au bureau du premier ministre? M. Fava, qui n'a pas répondu à notre demande d'entretien, aura l'occasion de répondre à certaines de ces questions à la commission Bastarache.

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André Noël30 articles

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André Noël a étudié en géographie à l'Université de Montréal et en journalisme à Strasbourg. Après avoir été rédacteur à la Presse canadienne, il est entré à La Presse en 1984. Il a toujours travaillé dans la section des informations générales, où il a mené des enquêtes très variées.





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