Le voile « dit islamique » occupe une place disproportionnée dans le débat sur la laïcité au Québec. Pourtant, il a été porté des milliers d’années avant l’émergence de l’islam.
Le voile « dit islamique » a fait son apparition dans les médias occidentaux lors de la crise du foulard, en France, en 1989.
Un père, d’origine marocaine, y fréquentait une mosquée salafiste. Du jour au lendemain, il décida de défier la loi sur la laïcité et ordonna à ses deux petites filles (de 10 et 13 ans) de se présenter à l’école avec un foulard.
Une crise sans précédent va secouer la France.
Les islamistes ne tardèrent pas à monter au front, lors d’une manifestation monstre. Leur banderole qui ouvrait la marche disait : « Le voile est notre identité ».
De l’autre côté de la Méditerranée, le roi du Maroc, Hassan II, également commandeur des croyants, avait envoyé un message clair au père des petites filles, via son ambassade à Paris. Il y disait en substance trois choses :
1. Il n’existe pas de foulard « islamique » ;
2. Entre le foulard et l’éducation, choisissez l’éducation ;
3. La loi du pays est la loi. Respectez la loi française.
Pour les islamistes, cet événement de 1989 est un moment fondateur de la lutte qu’ils mèneront en Occident pour ériger le voile « dit islamique » en carte d’identité politique, puis en « signe religieux ».
Et pour légitimer leur revendication, quoi de mieux que le Coran. En effet, plusieurs versets du Coran font mention du voile, dans des contextes très différents. (À lire, mon texte « Voile : les femmes musulmanes ne sont pas un groupe monolithique », La Presse, 14 janvier 1994.)
Voile et prostitution
La source principale sur laquelle ils se basent encore aujourd’hui, pour faire du voile « dit islamique » un droit fondamental au même titre que la liberté de religion, est le verset 59 de la sourate 33 « Les coalisés ».
Révélé en 627, année où le prophète Mohamed devait livrer bataille aux coalisés venus l’assiéger à Médine. Ils s’attaquaient aux femmes qu’ils violaient et forçaient à la prostitution (Ta’arrud).
Le verset 59 tranchera ce dilemme. « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des Croyants de rapprocher un pan de leur voile de leur visage, cela est plus à même de les faire reconnaître (des autres femmes) et à leur éviter ainsi d’être importunées. Dieu est infiniment absoluteur et miséricordieux. »
Les islamistes se garderont bien d’en expliquer le contexte. Or, ce verset n’a qu’une portée morale. Il s’adresse spécifiquement aux femmes de la haute société de Médine pour leur éviter d’être offensées par Ta’arrud.
Il leur est suggéré de « rapprocher un pan de leur voile » et de le rabattre sur leur visage. Pourquoi ? Pour les distinguer des autres femmes. Et quelles étaient les autres femmes dont il fallait se distinguer ? Les esclaves.
Ainsi le voile « dit islamique » faisait une distinction entre les femmes libres qui ne doivent pas être importunées (parce que voilées) et les esclaves qui peuvent être livrées au viol et à la prostitution parce qu’elles ne le sont pas.
Ceux et celles qui allèguent, aujourd’hui, la liberté de religion pour défendre le port du voile « dit islamique » doivent garder à l’esprit la date de 627, le jour où le voile est devenu symbole de discrimination à l’égard des esclaves noires et leur asservissement par le viol et la prostitution.